Violences faites aux femmes : "en moyenne, c'est 7 allers-retours avant de quitter le domicile conjugal"

Ce jeudi 23 novembre est une journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes. Aujourd'hui, près de 210 000 femmes sont victimes en France de violences conjugales. En Ardèche, la lutte contre ces violences a été classée "grande cause départementale 2023".

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"Adélaïde, 40 ans, aurait été tuée par son compagnon à son domicile, en présence de ses deux enfants", "Sonia, 29 ans, aurait été étranglée par son compagnon, leurs trois enfants étaient présents...", "Séverine, 43 ans, grièvement brûlée, a succombé à ses blessures"... 

Régulièrement, des paires de souliers rouges apparaissent dans l'espace public. Pas de traces, en revanche, de leurs propriétaires. Comme volatilisées. À côté de chaque paire de chaussures : un petit billet qui indique en style télégraphique un prénom, une date, un lieu, une victime et les circonstances de sa mort. Des faits bruts, des histoires souvent redondantes.

Ce jeudi 23 novembre, journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes, c'est sur la place de l'hôtel de ville de Privas que des dizaines de paires de chaussures ont été installées pour dénoncer les féminicides. C'est un hommage coloré et symbolique aux centaines de victimes de violences conjugales qui sont recensées chaque année en France. Un hommage devenu trop récurrent pour les associations dont l'objectif est d'éveiller les consciences sur cet inquiétant phénomène de société.  

Violences conjugales : pas de profil type

L'initiative des associations est forte et elle possède une vertu : montrer que les victimes de violences conjugales n'ont pas de profil type. Si c'est une évidence pour les travailleurs sociaux, elle ne l'est pas encore pour le grand public.

"Ce sont des femmes entre 18 et 60 ans, mais il n'y a pas de profil type. Ce sont des personnes sous influence, qui ont été violentées, physiquement, ou qui ont subi des violences psychologiques, tout aussi dévastatrices, mais qu'elles mettent plus longtemps à réaliser", explique Marion Lebrat, responsable du Centre d'Hébergement et de Réinsertion Sociale (CHRS) "La Petite Fontaine", une structure située à Privas.

De leur côté, les autorités rappellent que les femmes battues ne doivent pas hésiter à déposer plainte.  Depuis plusieurs années, les associations travaillent d'ailleurs main dans la main avec la police, sans parvenir toutefois à renverser la vapeur. Selon la dernière étude nationale sur la question, une femme est tuée en moyenne tous les deux ou trois jours par son conjoint ou ex-conjoint. Le bilan des "morts violentes au sein du couple" publié début septembre 2023 par le ministère de l'Intérieur évoque les décès de 118 femmes et 27 hommes l'an dernier. Un chiffre relativement stable par rapport à l'année précédente. 

"Aider à comprendre" 

"Les femmes qui nous contactent viennent nous expliquer ce qui se passe chez elles. L'objectif pour nous est de les aider à comprendre que ce qui se passe est interdit par la loi et qu'il s'agit de violences conjugales, elles n'en ont pas forcément conscience, elles ne savent pas vers qui se tourner, elles sont perdues et isolées", résume Marine Arres, Directrice du Centre d'information sur les droits des femmes en Ardèche.

Depuis janvier 2014, en Ardèche, le CIDFF, une structure départementale de proximité, est ouvert toute l’année, en journée, pour accueillir, informer et orienter les victimes de violences au sein du couple. Grâce à cette structure qui travaille aussi en lien avec les services de la justice, les femmes peuvent être orientées vers les autorités pour déposer plainte, mais aussi vers des professionnels de santé ou vers des structures d'hébergement "quand elles ont besoin de quitter leur logement en urgence".

L'an dernier en Ardèche, plus de 800 victimes de violences ont été accueillies par le Centre d’Information sur les Droits des Femmes et des Familles de l’Ardèche. Deux accueils de jour sont implantés sur le territoire ardéchois : l'un à Annonay, l'autre à Aubenas.

Le département a décidé de s'attaquer à ce fléau. En mars dernier, la lutte contre les violences faites aux femmes a été déclarée "Grande cause départementale 2023".

Partir… et revenir 

Les femmes victimes de violences peuvent faire le 115 pour une demande de mise à l'abri. L'accueil des femmes victimes de violences conjugales, c'est l'une des missions du Centre d'Hébergement et de Réinsertion Sociale (CHRS) "La Petite Fontaine". Elles arrivent souvent dans cette structure par ce biais. "On a un dispositif d'accueil et de mise à l'abri pour ces femmes victimes de violences. On a quatre places, mais elles sont souvent remplies", confie la responsable des lieux, Marion Lebrat. "La plupart des femmes accueillies cette année ont des enfants. Elles n'ont pas de ressources financières indépendantes, elles sont dépendantes de leur conjoint", explique-t-elle.

Une grossesse, un enfant qui grandit… Ce sont parfois des "éléments déclencheurs" qui viennent mettre fin à la spirale de la violence . "Chez certaines, c'est ce qui permet de dire : je ne supporte plus, j'ai besoin d'aide", résume Marion Lebrat. Or quitter le domicile conjugal ne va pas de soi, même pour ces femmes victimes de violences. Elles font fréquemment des "allers-retours" entre un lieu d'hébergement et le foyer conjugal.

La moyenne, c'est 7 aller-retours avant de quitter le domicile conjugal.

Marion Lebrat

Responsable du Centre d'hébergement et réinsertion sociale - La Petite Fontaine

Pour les professionnels de l'aide, ces allers-retours ne sont pas rares. "Parfois, ça nous arrive, on découvre la clé sur la table, la femme a quitté le centre alors qu'on avait rendez-vous avec elle. L'idée est surtout de nouer un lien pour qu'elles s'autorisent à refaire le numéro et à revenir. Il n'y a pas de jugement des éducateurs. Il faut qu'elles se sentent en confiance", résume Marion Lebrat.

Au sein de "La Petite Fontaine", ces femmes peuvent bénéficier d’un toit et se sentir en sécurité. Ces mères et leurs enfants sont logées gratuitement et sont, en outre, aidées dans leurs démarches administratives. En moyenne, elles restent 67 jours dans ces hébergements. Le temps d'une transition.

En Ardèche, deux logements supplémentaires vont être prochainement ouverts, destinés à l'éviction des auteurs de violences conjugales. Objectif : que la victime puisse rester chez elle et "éviter la double peine"

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