Pour la ministre de la Transition écologique Elisabeth Borne, interdire les pesticides en ville comme l'ont fait Grenoble et Clermont-Ferrand est un "coup de com". La loi restreint effectivement l'utilisation de produits chimiques en ville depuis 2017, mais de nouvelles surfaces sont concernées.
Grenoble et Clermont-Ferrand ont dit "non" aux produits phytosanitaires chimiques sur le territoire de leur commune. Cinq grandes villes françaises, dont les deux métropoles d'Auvergne-Rhône-Alpes, ont pris un arrêté ce jeudi 12 septembre pour rejoindre la bataille anti-pesticides engagée par des maires ruraux, dont celui de Malleval-en-Vercors (Isère).
Emboîtant le pas au maire de Langouët (Ile-et-Vilaine), le premier magistrat de cette commune iséroise Vincent Bayot a interdit l'utilisation des pesticides chimiques à moins de 150 mètres des habitations. Malgré l'intervention du préfet qui lui a demandé de retirer cet arrêté "illégal", l'édile persiste et a maintient son texte, arguant qu'il ne s'agit pas de "précaution" mais de "protection, voire de sauvegarde de la population".
C'est maintenant au tour de Paris, Lille, Nantes, Grenoble et Clermont-Ferrand de suivre cet exemple pour "faire changer la loi et concourir à la sauvegarde du patrimoine inestimable de la biodiversité sur nos territoires et de la santé de nos concitoyens", expliquent les élus dans un communiqué commun. Le collectif "Maires anti pesticides" recense 60 communes au 14 septembre ayant adopté de tels textes.
Mais pour la ministre de la Transition écologique et solidaire Elisabeth Borne, il s'agit d'un "coup de com". "Merci à ces 5 communes d'avoir confirmé qu'elles respecteront la loi : depuis le 1er janvier 2017 l'utilisation des pesticides est déjà interdite dans les espaces publics, et depuis le 1er janvier 2019 chez les particuliers...", a-t-elle écrit sur Twitter.
Merci à ces 5 communes d’avoir confirmé qu’elles respecteront la loi : depuis le 1er janvier 2017 l’utilisation des pesticides est déjà interdite dans les espaces publics, et depuis le 1er janvier 2019 chez les particuliers... #coupdecom https://t.co/R7vGLRJj9K
— Elisabeth BORNE (@Elisabeth_Borne) September 12, 2019
Les nouvelles mesures anti-pesticides vont-elles vraiment donner des résultats à Grenoble et Clermont-Ferrand ? S'agit-il d'une opération de communication comme l'affirme la ministre ?
Quelle surface sera impactée ?
S'agissant de cinq grandes villes et non de communes rurales comme Malleval-en-Vercors, cet arrêté reste assez symbolique. Comme l'a rappelé Elisabeth Borne, la loi interdit en effet depuis 2017 l'utilisation de produits chimiques par les collectivités pour entretenir les espaces verts et la voirie. Même interdiction depuis janvier pour les particuliers et jardiniers amateurs qui ne peuvent plus utiliser que des produits phytopharmaceutiques d'origine naturelle.
Toujours est-il que cette interdiction va porter ses fruits dans les espaces verts privés non ouverts au public comme les copropriétés, mais aussi certaines voiries comme celles de la SNCF. Et l'entreprise ferroviaire est une grande utilisatrice de glyphosate, même si elle s'est engagée à l'abandonner d'ici 2021. Mais quelle surface cela concerne-t-il dans les deux villes d'Auvergne-Rhône-Alpes ?
Nous cherchons des solutions respectueuses de l'environnement adaptées à l'échelle du territoire. Nous avons par exemple organisé un marathon de l'innovation au niveau international réunissant experts, entreprises, ONG qui nous a permis de tester de nombreuses de solutions (2/3)
— SNCF (@SNCF) September 13, 2019
Contactée par l'AFP, la mairie de Grenoble n'a pas de chiffrage précis mais argue du fait que "quand on parle d'épandage, les émanations vont partout" et que donc les 18 km² de la ville seraient concernés. "Sur notre territoire, nous avons des espaces industriels ou des emprises SNCF qui peuvent être encore traités", a estimé pour sa part Olivier Bianchi, maire de Clermont-Ferrand.
Risque de retoquage
Bien que Paris, Lille, Nantes, Grenoble et Clermont-Ferrand soient toutes de grandes villes, cela n'annule pas le risque de poursuites judiciaire. Comme à Malleval-en-Vercors, les préfets peuvent déposer un recours devant la justice administrative pour faire invalider ces arrêtés.
Le préfet de l'Isère avait rappelé à Vincent Bayot qu'il ne pouvait appliquer le principe de précaution que dans son domaine de compétence. Or l'agriculture relève du ministère. Et dans le cas de Langouët, le juge des référés du tribunal administratif de Rennes avait invoqué dans sa décision "le moyen tiré de l'incompétence du maire de Langouët pour réglementer l'utilisation des produits phytopharmaceutiques sur le territoire de sa commune" qui est "propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de l’arrêté contesté".
Le maire écologiste de cette commune d'Ile-et-Vilaine, Daniel Cueff, a estimé que le président Emmanuel Macron et le gouvernement n'ont pas pris "la mesure de cette vague qui ne voudra pas et ne voudra plus être face à des pesticides de synthèse dans l'air". Même si pour l'heure, les chances de voir de tels arrêtés perdurer sont faibles.
Obligé d'anticiper sur son calendrier initial après les polémiques nées de tentatives de régulation locale par des maires, le gouvernement a lancé lundi une vaste consultation publique sur les distances minimales à respecter entre habitations et zones d'épandage de pesticides. Peut-être le point de départ d'une évolution de la réglementation.