Agriculteurs en colère : "On est le seul métier qui vend à perte", estime un exploitant agricole du Cantal

La colère des agriculteurs ne s'essouffle pas et le mouvement de blocage national se durcit. Tout cela reflète l’exaspération du monde agricole. Pierre Taguet est agriculteur dans le Cantal, il revient avec nous sur son quotidien.

La colère des agriculteurs ne descend pas et l’intensité du mouvement national de blocage des axes routiers ne faiblit pas. Pierre Taguet est l’un des manifestants qui se bat pour que le revenu des exploitants agricole soit revu à la hausse et pour que les normes environnementales soient moins contraignantes. "On veut la paix de travailler comme on veut."

Des revenus proches de zéro

Pierre a 24 ans, il s’est installé il y a quatre dans la ferme familiale. L’agriculture, un peu comme Obélix, il est tombé dedans quand il était petit. Son grand-père était ouvrier agricole et a créé cette ferme, à Menet, dans le Cantal. Naturellement, son père a pris la suite. "J’ai toujours voulu faire ça. Au début, c'était pour les tracteurs, puis pour les animaux", explique l’exploitant. Le contact avec les animaux, le fait d’apporter sa pierre à l’édifice familial, le développement perpétuel de la structure… Autant de raisons qui motivent le jeune agriculteur.

Pierre s’est installé en 2020, et ses revenus sont proches de zéro. "J’ai l’argent pour payer ce que je dois en privé – entre 400 et 500 euros par mois – mais sinon, je n’ai rien pour vivre. Heureusement, à la campagne, on a la chance d’avoir un bout de jardin et de ne pas avoir besoin de tout acheter. Mais je suis toujours sur le fil du rasoir, à me demander si les prélèvements vont passer", confie-t-il de manière transparente, avant de poursuivre : "Dans ce métier, on est riche quand on arrête. Vous pouvez avoir un capital d’1,5 million d’euros, mais vous n’en voyez pas la couleur quand vous travaillez. On les aura dans notre poche à notre retraite, mais on préférerait les avoir étendus tout le long de notre vie", explique-t-il.

"On est le seul métier qui vend à perte"

Quatre ans après ses débuts, Pierre constate que les résultats sont là, mais pas du tout à la hauteur de ce qu’il espérait. "C’était bien parti, mais le Covid et la loi Egalim sont passés par là. La loi Egalim avait permis d’augmenter les tarifs des broutards, et c’était très bien. Mais le problème, c’est qu’en 2022, on prend une augmentation des charges terrible, et pareil en 2023", souligne Pierre. En deux ans, il a vu ses charges doubler, voire tripler. 

On puise dans la trésorerie la première année, on essaie d’attendre pour payer la deuxième année. Mais là, on ne peut plus.

Pierre Taguet, agriculteur dans le Cantal

Cette augmentation des charges, Pierre la comprend et ne demande pas qu’elles soient baissées. En revanche, il demande à ce que le prix des produits augmente, lui aussi. "Le boulanger, il a pu augmenter le prix de sa baguette. Moi, je ne peux pas. On est le seul métier qui vend à perte, insiste le jeune agriculteur. Toute l’année, il faut payer. Ça tient, jusqu’au jour où ça ne tiendra plus." Il poursuit la conversation en abordant le sujet du suicide des agriculteurs, qui est une réalité du secteur. Un agriculteur se suicide en moyenne tous les deux jours.

Préserver le patrimoine familial

Les mots de Pierre sont durs à entendre. Il en a conscience, mais il faut parler de cette réalité. "Les agriculteurs ne se suicident pas par rapport à la pression du métier. C’est qu’en se suicidant, ils vont laisser moins de soucis à leur famille. Si l’exploitation est en liquidation judiciaire, la seule façon de faire disparaître les dettes, c’est de se suicider. Quand on ne voit pas d’échappatoire, on ne sait plus quoi faire."

Malgré des conditions difficiles, Pierre n’a pas de mal à se projeter. Et ça, c’est grâce à son caractère. "Des fois, on craque, c’est sûr. Mais j’ai le caractère de me dire que mon grand-père a acheté la ferme, que mon père a réussi à passer au-dessus de ses problèmes. Je ne vais pas tout faire capoter alors que ça a été dur." Ce qui le fait tenir, c’est aussi la conservation de ce patrimoine familial. "Je me dois de le sauvegarder. C’est aussi pour ça que je me projette et qu’on va trouver des solutions. Je n’ai pas envie qu’on dise "chez les Taguet, ça n’a pas tenu. On a la hargne de préserver ce patrimoine, et on a l’amour du métier." La voilà, la recette pour la famille Taguet.

"On ne lâchera pas"

Si aujourd’hui Pierre a à cœur de se mobiliser avec ses collègues, c’est avant tout pour défendre son métier. "On montre qu’on est tous solidaires, qu’il faut tenir et qu’on ne lâchera pas. Il faut que l’on défende notre croûte, parce qu’on est arrivé à un point de non-retour. S’il ne ressort rien de cette mobilisation, je ne sais pas comment certains vont finir. Certains vont laisser tomber, d’autres vont renoncer à s’installer." La crainte du jeune agriculteur est de voir son métier perdre son attractivité et ainsi, voir le nombre d’agriculteurs, baisser encore.

Il y a 30 ans, ils étaient des millions, aujourd’hui, on est des milliers. Demain, ils seront une centaine ?

Pierre Taguet, agriculteur dans le Cantal

Ce jeudi 25 janvier, le ministère annonce que Marc Fesneau, ministre de l'Agriculture, "a participé à une réunion de travail à Matignon avec le Premier ministre, le ministre de l’Économie et le ministre de la Transition écologique, afin d’échanger et de consolider des réponses sur les enjeux agricoles notamment sur la question du GNR (gazole non routier), de l’élevage et de la rémunération". Le Premier ministre Gabriel Attal doit annoncer des mesures demain. 

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