Depuis plus de 40 ans, des chercheurs étudient à Aurillac le microbiote du lait. En observant, collectant et testant les bactéries, ils mettent en évidence leur importance. Leurs recherches appuient la demande des producteurs de Cantal et de Salers, attachés à l’usage de la gerle en bois.
Dans les congélateurs de l’Unité Mixte de Recherche Fromagère d’Aurillac, un véritable trésor conservé par – 80 degrés. Toute une collection de bactéries étudiées depuis 40 ans par les chercheurs de l’Institut national pour la recherche, l’agriculture et l’environnement, qui a pris au 1er janvier la suite de l’INRA. Ces micro-organismes sont présents dans le lait et on a tendance à focaliser l’attention sur les plus nocifs d’entre eux. Mais les bonnes bactéries sont bien plus nombreuses (à commencer par celles qui permettent la digestion). Le rôle de ces chercheurs : "comprendre comment ces micro-organismes vont contribuer à la construction du fromage, ses qualités nutritionnelles, ses qualités sensorielles ou même la protection vis-à-vis d’un certain nombre de pathogènes qui peuvent être présents dans l’environnement" explique Christophe Chassard, directeur de recherche et directeur de l’UMRF d’Aurillac. "La science évolue toujours, notamment en termes de méthodes et de technologies, on devient de plus en plus performant". Ainsi le recours à l’ADN est intégré par les équipes de chercheurs.
Des échantillons faits maison
Leurs études permettent de comprendre la fabrication du fromage et apportent aux producteurs des indications précieuses pour leur pratique. Si on peut fabriquer ici dans le hall fromager expérimental d’une surface de 400 mètres carrés, 18 sortes de fromages à pâte crue, cuite ou persillée, les résultats concernant le Cantal et le Salers sont particulièrement suivis par les producteurs locaux. Longtemps ils se sont battus pour conserver la gerle en bois, cette cuve contestée par certaines exigences d’hygiène et de sécurité sanitaire. Le regard scientifique a permis de justifier son usage et de ne pas recourir à des cuves métalliques dans les exploitations.Désormais on connait mieux le rôle des bactéries qui s’y développent et qui, conservées d’un jour sur l’autre à la surface du bois, donnent aux fromages AOP leur goût si typique, tout au service du plaisir et de la sécurité du consommateur. Pour Nicolas Cussac, président du Pôle fromager AOP du Massif Central, "le pôle fromager fait remonter les questionnements scientifiques des producteurs, qui les transfère à la recherche, dans ce cas-là l’INRA, et qui fait le transfert de ses données, de nouveau vers le monde des filières".