Alors que la baguette, symbole de la France à l’internationale, tente de rentrer au patrimoine immatériel de l’UNESCO, nous avons cherché à savoir ce qui rend ce pain unique au monde.
La baguette fait la renommée de la France sur le plan international. Ce pain unique que le monde nous envie est en lice pour rentrer au patrimoine immatériel de l’UNESCO. Mais alors, d’où vient son succès et son goût si spécial ? Christian Vabret, fils de boulanger à Aurillac, a parcouru le monde. Ce boulanger, meilleur ouvrier de France mais aussi créateur de la Coupe du Monde de la Boulangerie, a transmis son savoir-faire dans le monde entier. Il connaît mieux que personne les caractéristiques de la baguette française. "Elle a quand même des choses qui la rendent très particulière, notre baguette française”, se félicite-t-il.
L'aspect extérieur, un atout essentiel
Une bonne baguette française peut se reconnaître d'un coup d'œil, si l'on sait comment la regarder : “Il faut qu'il y ait un beau volume mais il ne faut pas que ce soit exagéré. Quand on a fait du pain blanc à l'époque, on avait des volumes excessifs, ça faisait du pain un peu à la gonflette et ce n'est pas très joli”, explique Christian Vabret. Les yeux sont donc les premiers indicateurs pour reconnaître une baguette française de qualité : “Le boulanger signe le pain avant la mise au four. On appelle ça de la scarification. Si vous avez un beau marquage, quand le pain sort, rien qu'avec les yeux, on voit que c'est du bon produit.”
Une mie aérée
Le volume et le marquage donnent des indices, mais ce n’est pas tout : “Il faut qu'il y ait du croustillant. Si vous n’avez pas de fermentation, il n’y a pas ce qu'on appelle l'effet de Maillard, c'est à dire la transformation, la fermentation qui fait la caramélisation au four. Il faut qu'il y ait du croustillant. Quand vous coupez le pain, il faut qu'il soit très aéré à l'intérieur. C'est dommage pour les gens qui veulent mettre de la confiture, mais nous, ce qu'on aime, c'est voir des trous dans le pain parce que c'est la marque de la fermentation. Il faut que la mie soit crème et puis, lorsque vous appuyez dessus, elle doit remonter doucement”, explique le spécialiste.
Un goût caractéristique
Ensuite seulement, vient la dégustation : “Il faut toujours commencer par la mie. Il faut que la salive fasse son travail d'assimilation pour que le corps puisse digérer le produit. Avec le mauvais pain, la salive a du mal à digérer l'amidon et il vous tombe sur l'estomac. On finit toujours par la croûte lors de la dégustation d'une baguette. On retrouve ce côté caramélisant, légèrement sucré, mais quand même avec une pointe d'acidité et ce n'est que du bonheur. Il faut que ça s'accompagne avec tous les mets.”
Un produit convivial
En dehors de la recette, la baguette reste un produit culturel : “Il y a le côté pratique. C'est quand même un produit sain et bon pour la santé parce que, normalement, il n'y a pas d'additif. Elle est uniquement composée de farine, d'eau, de sel et d'un agent de fermentation, soit de la levure soit du levain. Vous pouvez l'avoir au petit déjeuner, vous pouvez l'avoir à midi, elle peut saucer un plat, à 4 heures, ça fait le goûter des enfants avec un peu de confiture, on peut la manger le soir… C’est un pain qui accompagne la journée.” Attention, pour Christian Vabret, savourer une bonne baguette demande un effort : “Ce n'est pas du pain allemand qu'on fait la veille pour le lendemain, qui se garde, qu'on met dans des rayons en sachet. C'est un produit frais qu'il faut que le consommateur, et c'est là que ça devient intéressant, fasse l'effort de venir chercher et d'aller à la boutique, une fois voire 2 fois par jour. De ce fait, le lieu d'achat devient un lieu de sociabilité. On prend des nouvelles, on s'attarde un peu, ça devient un lieu de convivialité.” Tout cela distingue, selon ce passionné, la baguette française des autres types de pain et en fait un produit incontournable : “C’est un produit français très typique et qui fait partie du quotidien.”
Toute une filière derrière chaque baguette
Environ 70% de la production en France de pain est en fait de la baguette, une denrée dont la fabrication est à la fois simple et extrêmement précise : “C'est à la fois le produit qui est le plus simple mais le plus compliqué à faire. C'est le seul produit qui est fait sans ajout de céréales supplémentaires ou de mélange de farines. Là, on est obligé d'avoir une farine particulière qui est riche de par ses qualités. Il faut vraiment qu'il y ait des protéines à l'intérieur de cette farine. J'ai eu des expériences à droite et à gauche, au Japon, aux États-Unis, en Amérique du Sud… Quand vous arrivez sans votre farine française, vous êtes complètement paumé. On a réussi à la mettre au point avec les années, avec nos amis meuniers qui ont été très exigeants avec les agriculteurs pour avoir du bon blé”, indique Christian Vabret. Le succès de cette baguette est le produit du travail et d’une expertise de tout un réseau de professionnels : “Ça, c'est quand même très français. On est autosuffisant et on n'attend pas après des blés canadiens ou américains. L’intérêt de cette baguette est surtout celui du savoir-faire artisanal français. On a associé toute la filière pour réussir un pain qui correspond à ce qu'on veut.”
Une baguette source d'inspiration
Pour toutes ces caractéristiques, selon Christian Vabret, notre baguette est devenue un modèle : “Je pense qu’en France, on a le leadership. C'est pour ça que c'est bien qu'on ait déposé le savoir-faire artisanal. C’est lié aussi à la baguette qui est caractéristique par rapport aux autres pains. Le monde entier s'applique à faire la baguette mais, en général, ils viennent chercher le standard français. Ce qui fait vraiment la différence, et c'est pour ça que les Français sont très en avance ou très copiés, c’est qu’on travaille la fermentation. On ne peut pas aller dans un concours, on ne peut pas faire un pain sans avoir en tête le principe de la fermentation. Cela peut être une fermentation relativement courte, mais on pense toujours à ça. Souvent dans d’autres pays, ils choisissent la facilité. Ce n'est pas la fermentation qui les préoccupe, c'est souvent la forme ou rajouter quelque chose de manière à la rendre un peu plus appétissante.” La fermentation, “voilà le principe de la France”, se félicite Christian Vabret, pour qui cette exigence “fait la différence”.