Cantal : quand la solidarité se retrouve aussi dans l'assiette

La fermeture des restaurants à entraîné la mise à l’arrêt forcé de l’activité de leurs fournisseurs. Depuis quelques semaines, certains ont choisi de rouvrir en proposant des plats à emporter à base de produits locaux, pour soutenir des filières en grande souffrance. Exemple dans le Cantal.

Devant ce restaurant d’Aurillac, à l’heure du déjeuner, certains clients ont retrouvé leurs habitudes. « J’en avais tellement marre de faire à manger tous les jours ! Et en plus, on fait une bonne action ! Car ici ils n’utilisent que des produits locaux. Alors on aide un peu tous les producteurs à la fois !». Au menu ce midi, tajine d’agneau du Cantal, crémeux et biscuit au chocolat fait à base de lait d’un GAEC de Saint-Mamet et de farine de Leynhac. « L’approvisionnement en local, ça a toujours fait partie de notre philosophie », confie Nathalie Borne. Avec son conjoint, Luc Parmentier, ils tiennent, depuis quatre ans, Le Cromesquis, un restaurant bistronomique du centre-ville d’Aurillac. « Nos volailles, nos viandes, nos fromages, le lait, nous les achetons à des producteurs du département. Nos fruits et légumes, a un grossiste cantalien qui privilégie le local, avant tout». Alors quand Nathalie et Luc les appellent, il y a quelques jours, pour leur annoncer leur intention de rouvrir avec des plats à emporter, « ça a été un grand ouf de soulagement pour tous. Le sentiment que les choses reprenaient, au moins un peu ».

« Un arrêt brutal, presque un traumatisme »

Retour en arrière. Samedi 14 mars. A minuit, tous les restaurants de France sont obligés de fermer. Comme tous les autres, Nathalie et Luc s’apprêtent à baisser le rideau. « Le dernier soir, quand j’ai fermé, j’ai vraiment eu l’impression d’être viré de chez moi. Et puis très vite, j’ai pensé aux fournisseurs du coin avec qui on travaille. On est un tissu très serré. Avec Luc, on savait que notre fermeture aurait des conséquences pour eux ». Le couple de restaurateurs prend alors le temps de tous les appeler. « On a vraiment une relation de confiance avec eux. Pour nous, la priorité c’était de payer les factures de tous nos petits fournisseurs locaux pour ne pas créer une cascade de difficultés encore plus grande. Notre boucher de Pierrefort a eu une réaction extraordinaire. Il nous a dit qu’il comprenait la difficulté de notre situation et qu’il pouvait attendre un peu ».

« On est mort »

Alain et Daniel, sont volaillers dans un petit village, près d’Aurillac, à Ayrens. Chaque semaine, ils livraient le restaurant de Nathalie et Luc. « 95 % de nos volailles partaient pour la restauration, surtout haut de gamme, comme chez Bras ou Marcon ». Quand les restaurants ont fermé, les deux frères voient très vite arriver les difficultés. « Nos poulaillers étaient plein avec presque 10 000 volailles, poulets, pintades et poulardes, mais on avait plus aucun débouchés. Aucune clientèle locale de particuliers. On s’est dit : on est mort ». La première quinzaine du confinement, c’est l’arrêt total. « On a fait -77 % de chiffre d’affaires, en mars. La catastrophe. D’autant que si on ne vend plus nos volailles, il faut toujours les nourrir. Nos charges sont constantes. Et puis, vous savez, chez nous, le bien être animal est une priorité. Pas d’antibio, pas de vermifuge. On fait de notre mieux pour avoir un produit de très haute qualité. Autant d’efforts pour rien… On en a perdu le sommeil ! ». Et puis la solidarité autour de ces deux amoureux des beaux produits se met en marche. « Les restaurateurs pour qui on travaillait, ont lancé des commandes groupées à titre privé avec leurs amis, leurs clients fidèles... Et petit à petit, la machine s’est remise en marche ».
 

De nouvelles stratégies

« Il y a quelques semaines, on est allé livrer vers Tignes et Val d’Isère. Le camion était plein à craquer. Uniquement des commandes de particuliers, relayées sur place par des amis ». Les deux frères ont mis en place des tarifs « confinement » pour toucher le consommateur lambda. « A 8,95€ le kg de poulet, je pense qu’on doit être parmi les moins chez du Cantal ! Personne ne nous connaissait avant vu qu’on ne travaillait qu’avec des restaurants. Les gens découvrent nos produits. C’est eux qui vont sûrement nous sauver ». Désormais, les ventes se font exclusivement avec des particuliers. Un renversement total de la stratégie de commercialisation des deux frères. « C’est pas l’euphorie non plus mais ça nous permet de payer nos charges. On peut dire qu’on a repris 40 voire 50 % de notre activité. Ça va nous permettre de tenir en attendant que les restaurants ouvrent à nouveau. Il faut garder le moral. Chaque jour je me dis, Daniel, c’est pas le Corona qui aura ta peau ! ».

La reprise

Ne pas mettre la clé sous la porte. C’est aussi le leitmotiv de Nathalie et Luc. Alors depuis le 9 mai, le couple de restaurateurs imagine un menu du jour, « comme au restaurant mais en barquette », facile à réchauffer. Sur le site internet du restaurant et sur les réseaux sociaux, les clients commandent 48h à l’avance « pour fabriquer au plus juste ». « En moyenne, on fait 25 à 30 repas par jour. 60, le samedi. Ça va nous permettre de passer le cap mais pas plus. » Les banques et les assurances sont aux abonnés absents ou plaident le vide juridique. « On sait qu’on ne peut pas compter sur eux. Depuis la fermeture, on vit sur nos économies. Impossible de se verser de salaires si on veut sauver l’entreprise. En gros, on a perdu 20 % du chiffre d’affaires de l’année ». Le couple s’accroche. D’autant qu’il est soutenu par leurs clients fidéles et les consommateurs occasionnels qui veulent soutenir l’activité locale. « C’est une enseigne que j’adore. Quand les restaurants vont ouvrir à nouveau, je veux pouvoir y retourner. Et pour ça, il faut les soutenir maintenant. Eux et tous les autres, aussi». Lydie repart avec ses barquettes et le sentiment du devoir accomplis. « Je vais essayer de commander une fois par semaine. C’est important d’être solidaire quand on peut ». Presque émue, Nathalie remercie « ces clients qui ne nous laissent pas tomber comme nous n’avons pas laissé tomber nos producteurs locaux ». Quant à Daniel et son frère jumeaux Alain, ils se préparent à partir, demain, livrer du côté des Alpes et de Chambéry. « Une centaine de volailles. C’est pas énorme. Mais partout où les gens commandent pour nos produits et pour nous aider à passer le cap, on fait l’effort ».
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