Le saviez-vous ? Des fourmes de cantal sont affinées dans des tunnels ferroviaires en Auvergne. Visite guidée dans une cave d'affinage insolite où le fromage fait le lien entre patrimoine et gastronomie.
Tout le monde connaît l'adage : un train peut en cacher un autre. À Murat, dans le Cantal, il en va de même pour les tunnels ferroviaires. Nous vous emmenons à la découverte d’anciens tunnels SNCF reconvertis en cave d’affinage à fromage.
Savoir-faire traditionnel
C'est un lieu jalousement gardé secret, hors du temps. Dans un tunnel sombre où reposent de nombreux fromages, il n’est plus question de train ou de vitesse mais de lenteur et de silence. Géraud, gérant d’une maison d’affinage et Michel, gradeur, viennent visiter ces fromages : « Il y a un goût qui est bien présent. Cela laisse présager quelque chose de bien pour la suite », estime le gradeur. Ces cantals ont 4 mois d'affinage. Ce sont les derniers arrivés dans le tunnel que la famille de Géraud exploite depuis les années 80. Le gérant de l’entreprise familiale nous explique pourquoi il a choisi l’affinage en tunnel : « C’est ce qu’il y a de plus traditionnel et de plus qualitatif. On a la chance d’avoir le savoir-faire dans un tunnel qui est bien particulier. On se le transmet de génération en génération et on compte bien le garder ».
Des tunnels vieux de plus 50 ans
Le tunnel fait 1km de long, avec parfois jusqu'à 100m de terre au-dessus de sa voûte. La température y est constante : entre 9 et 11 degrés. L'humidité de l'air est autour de 95%. Dès les années 60, les affineurs cantaliens s'intéressent à ces vestiges de la ligne SNCF entre Saint-Flour et Brioude. En 1953, la ligne a été déferrée et désaffectée.
Le père de Pierre Cassagne, co-propriétaire d’un tunnel d'affinage, est l'un des derniers à acheter un tunnel sur cette ligne qui est toujours la propriété de la famille. Comme l’explique Pierre Cassagne lui-même : « Personne n’avait voulu de ce tunnel. Les autres tunnels s’étaient vendus et il ne restait plus que celui-ci ». Il précise : « Quand trois affineurs ont acheté le dernier tunnel, ça leur a coûté 1900 francs. À l'époque, ça représentait quand même beaucoup d’argent. C’était en 1969 et il continue encore de fonctionner jusqu’à aujourd’hui. C’est une belle histoire pourvu que ça dure ».
« Des tunnels comme ceux-là, il ne s'en fait plus »
Dans le Cantal, un ancien tunnel ferroviaire devenu cave d’affinage est encore exploité et continue d’embellir les fromages : « Cette croûte orangée caractéristique du tunnel ressort bien sur ces fromages », montre Géraud.
Seules les meilleures pièces ont le privilège de venir vieillir dans ces cocons de pierre volcanique, exhausteurs d’arôme. Face à ce patrimoine, Michel, gradeur, est admiratif : « Merci à ceux qui l’ont construit. Je pense qu’ils seraient contents de voir que les tunnels sont toujours utilisés et à de bonnes fins : affiner des cantals. C’est un fromage qui mérite, vraiment, le respect. Il y a une culture autour de ça. Si on n’est pas passionné, ce n’est pas la peine de travailler le cantal ». Géraud souligne la rareté de ce type d’infrastructures : « Des tunnels comme ceux-là, il ne s’en fait plus. Ils ont été faits à la main, sans toute la technicité que l’on a aujourd’hui. C’est une vraie fierté de pouvoir perpétuer le travail qui a été fait par nos anciens, ici, en plein cœur de l’Auvergne ».
À 1000 mètres d’altitude, la nature et l’Homme façonnent ainsi l’excellence depuis des décennies.