Dans les années 1960, certains tunnels ferroviaires désaffectés ont été transformés en caves à fromage. C'est le cas dans le Cantal où plusieurs fromageries continuent aujourd'hui d'y affiner leurs produits. Un savoureux mélange de patrimoine et de gastronomie.
C'est la fin des années 1960, un affineur de Murat dans le Cantal, tente une expérience. La voie ferroviaire Saint-Flour-Brioude a été déferrée après la Seconde Guerre mondiale mais il en reste quelques vestiges et notamment, ses tunnels. Un affineur décide d'y entreposer ses fromages. L'expérience est concluante et d'autres vont creuser l'idée.
Un peu d'histoire
La ligne Saint-Flour-Brioude a été mise en service au début du vingtième siècle. L'utilisation était surtout destinée au transport des voyageurs. A partir de 1938, la SNCF nouvellement créée n'exploite la ligne que pour le transport de marchandises avant de la fermer définitivement au début des années 1950.
Aujourd'hui, deux tunnels de la voie ferroviaire sont exploités autour de Saint-Flour pour l'affinage, par l'usine de Saint-Mamet des Fromageries occitanes. Le directeur Frédéric Seynaeve nous explique que les conditions y sont idéales pour y laisser reposer le cantal de deux à quatre mois.
Des conditions idéales
Choisir un tel lieu pour affiner ses fromages, ce n'est pas seulement pour des raisons esthétiques, même si les ouvrages du début du siècle sont pittoresques et la vue de plusieurs milliers de fromages alignés sur plus de 800 mètres de long, impressionnante.
Dans ces tunnels, la température est naturellement constante (environ 10 degrés) nous explique Frédéric Seynaeve, de même que la teneur en humidité. Une vitesse d'air lente, une hygrométrie et une température qui ne varient pas, ce sont des conditions climatiques idéales pour les fromages et le développement de la flore à leur surface est plus rapide et plus harmonieuse.
Tous les trois à quatre jours, ces nombreux fromages sont retournés et frottés et au bout de quatre mois, ils peuvent rejoindre les étals du fromager.
La face cachée des tunnels
La fromagerie des Monts du Cantal basée à Pierrefort a quant à elle décidé de limiter l'utilisatioin du tunnel dont elle est propriétaire.
Quand ils doivent retourner 4000 fromages, les affineurs ont du mal à voir le bout du tunnel »
Pour Pierre Seguiz, président de la coopérative des Fromages des Monts du Cantal, les tunnels sont une belle image mais ce n'est pas forcément le moyen le plus rentable d'affiner des fromages. Le tunnel se situe à cinquante kilomètres de l'entreprise et « aujourd'hui, explique Mr Seguiz, nous sommes capables de créer des caves dont les qualités sont les mêmes et qui sont situés à côté de la fromagerie. » Non sans humour, le président de la coopérative ajoute que « lorsqu'ils doivent retourner près de 4000 fromages sur plusieurs centaines de mètres, les affineurs ont du mal à voir le bout du tunnel. »
Pour autant, la fromagerie des Monts du Cantal continue d'exploiter son tunnel pour les fromages de garde qui nécessitent un affinage plus long. Mais là encore, le tunnel ferroviaire est-il réellement adapté ? Pierre Séguiz se le demande car pour un affinage parfait, la température doit rester stable. Or, avec le réchauffement climatique, il peut arriver que la température augmente de deux degrés dans les tunnels en été: « on s'est fait peur plusieurs fois lorsque la température a atteint les douze degrés » avoue Pierre Séguiz. Car ce sont des milliers de fromages qui y sont stockés.
Malgré les difficultés rencontrées par certains affineurs : difficultés d'accés aux tunnels, distances, températures variables... certains persistent néanmoins car un fromage affiné dans un tunnel ferroviaire peut aussi être un argument de vente, quand le terroir et le patrimoine ne font plus qu'un.