Ils partagent deux ingrédients identiques, mais tout les sépare. Souvent confondus, l'aligot et la truffade, plats cultes de la cuisine du Massif Central, ont du mal à être différenciés. On vous aide à ne plus vous méprendre lors de vos prochaines dégustations.

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Truffade ou aligot ? La rivalité est légère pour deux plats qui ne le sont pas. Pour les Auvergnats, confondre un plat emblématique du Cantal avec un autre tout aussi ressemblant mais originaire d’Aveyron, c’est à la limite du blasphème. Comme le dit l’adage, les goûts et les couleurs, ça ne se discute pas. Mais Jean-Baptiste Bouloc, grand défenseur de l’aligot, l’assure : “Ça n’a rien à voir !”. Alors qu’est-ce qui différencie vraiment ces plats faits tous deux à base de pommes de terre et de tome fraîche ? 

Jean-Baptiste Bouloc est membre de la commanderie des Grands Fileurs d’Aligot de l'Aubrac. La seule qui existe en France d’ailleurs. Ces "chevaliers” du Taste-Laguiole de l'aligot bataillent pour la mise en avant de ce plat du terroir aveyronnais. Face à lui, nous avons un “grand maître”. Thierry LeGouffe. Il fait partie de la grande confrérie de la truffade. Même objectif que pour le “chevalier” : lutter pour la mise en avant de sa fierté gastronomique made in Cantal. Tous deux sont des encyclopédies vivantes du plat qu’ils défendent corps et âme. En effet, ils tentent de préserver l’authenticité de leurs recettes respectives qui est l’une des différences majeures entre les deux plats. 

"On a les mêmes ingrédients, mais pas la même spécialité"

C'est à la fois le point commun et la grande différence de ces deux spécialités : la pomme de terre. C'est l'ingrédient central de la truffade et de l’aligot. Et c'est dans la préparation que s'opère la nuance. Pour l’aligot, la pomme de terre est transformée en purée. Pour la truffade, elle est sautée à la poêle. Et ça change tout :

On a les mêmes ingrédients, mais pas la spécialité. C’est ce qui est assez remarquable d’ailleurs : nos points communs sont nos différences. En termes de texture, d’aspect et de goût, ce n’est vraiment pas pareil.

Thierry Legouffe

Grand maître de la confrérie de la truffade

 

On le sait, l’Auvergne est un grand plateau de fromages. Il était donc évident qu’il soit le point commun entre ces deux plats du Massif central. Mais là encore, prudence. L’aligot et la truffade n'utilisent pas tout à fait le même fromage. Le grand fileur d’aligot indique : “On utilise de la tome fraîche d’Aubrac à l’indication géographique protégée, bien sûr. Et tome avec un seul 'm', parce qu’on parle du fromage non affiné. C’est le caractère frais et non affiné de la tome fraîche de l’Aubrac qui va donner le filant à l’aligot. On n’aurait absolument pas ce résultat avec un fromage affiné”. Ce grand fil de tome fraîche qui s’étire à l’infini, mais ne rompt presque jamais, c’est ce qui fait le caractère unique de l’aligot. Car, comme Jean-Baptiste aime à le dire : “Un aligot qui ne file pas, c’est une bouteille de champagne qui ne pète pas”.  

Une affaire de territoire 

Même exigence pour le grand maître de la truffade : “Il faut de la tome fraîche et surtout pas de Cantal". Il est important de le préciser car l'erreur avait déjà été commise dans une définition du Petit Robert. Aussi, pour obtenir l'appellation truffade, la tome doit être impérativement provenue du Cantal. Car, en effet, la truffade et l’aligot, ce n’est pas qu’une affaire de recette, mais aussi et surtout de territoire. Chaque spécialité représente fièrement sa région. “L’aligot, c’est l’Aubrac !, s’enorgueillit Jean-Baptiste Bouloc. Elle est rattachée plus exactement à la pointe du nord de l’Aveyron”. La truffade quant à elle s’étend sur une zone beaucoup plus vaste : “l’ensemble du Cantal”. Elle va jusqu’à empiéter la frontière qui sépare le Cantal de l’Aveyron, selon Thierry Legouffe. 

Une histoire bien ancrée dans la région 

La truffade et l'aligot ne sont pas seulement riches en calories, mais aussi en histoires. Jean-Baptiste Bouloc revient sur l’origine de cette “purée au fromage qui n’en est pas une”. Il raconte : Quand les pèlerins arrivaient à la porte du monastère d’Aubrac, ils demandaient “aliquid”. Un mot latin qui signifie “quelque chose à manger”. Et ce “quelque chose”, c’était de la tome fraîche de l’Aubrac au lait cru et entier. C’est ce fromage qui donnait un mélange filant. Au début, il était mélangé avec du pain. Puis la pomme de terre est arrivée en France. Du pain, on est passé à la pomme de terre. Et de l’aliquid, on est passé à l’aligot”

Pour la truffade, on retrouve le même "fil" conducteur. À quelques détails près. Le grand maître raconte : “Le mot truffade désignait à l’origine la pomme de terre. Le mot aligot désignait quant à lui le fromage. Dans un premier temps, la truffade était faite avec des croûtons de pain frottés à l’ail et des restes de fromage. Puis, la culture de la pomme de terre a été introduite dans les Combrailles et ça a donné la truffade que l’on connaît aujourd’hui”.

Derrière leurs différences, une douce rivalité 

Thierry Legouffe s’amuse de la confusion qu’il peut y avoir entre les deux spécialités. “On les confond souvent. Chaque année, les gens continuent de faire l’erreur. On m’a même demandé un jour s’il y a de la truffe dans la truffade ?”, se souvient-il. À l'image du PSG ou de l’OM, la truffade et l’aligot possèdent ses plus fervents supporters qui alimentent la rumeur d’une possible “rivalité”. Pour Jean-Baptiste Bouloc, grand fileur d’aligot, on ne doit pas parler de rivalité, mais de “variété”. “En réalité, les deux se complètent, estime-t-il. Cela apporte de la diversité dans la gastronomie de notre région. Quelqu’un qui visite le Massif Central peut goûter, un jour, un bon aligot dans le village de Laguiole. Et le lendemain, il peut déguster une bonne truffade au Plomb du Cantal”

Désormais, vous connaissez la différence entre la truffade et l’aligot. De grâce, ne commettez plus d’impair !

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