INSOLITE. Dans le Cantal, à la rencontre du seul tanneur de peau d'autruche en France

Installé à Neussargues-en-Pinatelle (Cantal), Jorge Soler est le seul tanneur de peau d'autruche en France. Pour fabriquer ce cuir original à la texture perlée, l'artisan a mis plusieurs années à trouver la bonne méthode.

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Dans le petit bourg de Neussargues, Jorge Soler ne passe pas inaperçu. Mais ce qui le distingue dans ce coin de Cantal, ça n’est pas seulement son accent catalan, sa voix très grave ou sa carrure imposante. Son activité aussi est insolite : il est le seul en France à tanner des peaux d’autruche.

A l’origine, Jorge Soler était taxidermiste dans les arènes espagnoles. Il en a gardé une capacité à naturaliser presque tous les animaux, quelque soit leur taille. L’impressionnante vache Salers qui trône dans son showroom est là pour en témoigner. Lorsque la crise économique frappe l’Espagne en 2008, il déménage à Nîmes, où il se met à la tannerie. Mais sur place, les locaux ne sont pas adaptés à sa nouvelle activité. En 2016, il trouve son bonheur dans le Cantal en s’installant dans les anciens abattoirs de Neussargues.

De la vache à l'autruche

Au départ, il ne tanne que les peaux de mouton ou de vache, jusqu’à ce qu’il reçoive une visite inattendue, un jour de 2017 : “Un éleveur d’autruches est venu à la tannerie et il m’a dit : “il n’y a personne qui tanne l’autruche en France, pourquoi vous ne pourriez pas le faire ? Je lui ai répondu que je faisais le poil, mais pas le cuir. Il m’a dit : “nous, les éleveurs, on n’arrive pas à mettre en valeur nos peaux… Les seules filières sont à l’étranger, en Corée, en Iran …” Jorge Soler hésite. L’éleveur insiste : “Je vous apporte une quarantaine ou une cinquantaine de peaux d’autruche dans mon 4x4, si vous voulez je vous les laisse.”

Jorge Soler se laisse convaincre. "Je me suis renseigné, j’ai pris contact avec de grands tanneurs en France ou à l’étranger, et j’ai essayé …"
Les premiers essais sont peu concluants. Le cuir d’autruche a beau être résistant, la perle qui donne sa texture et sa valeur à la peau est très fragile. Dans les premiers mois, Jorge jette des centaines de peaux ratées avant de trouver une méthode qui fonctionne. 

Un processus très long

Deux ans plus tard, la petite équipe qu’il a montée autour de lui est désormais rodée. Lorsque les peaux d'autruche entrent dans l'atelier, la première étape, c'est d'enlever les plumes une par une. Ce jour là, c’est Olivier Tible, un des salariés, qui s’en charge : “C'est pas difficile mais c'est très long ! Il faut être patient !”

Il faut ensuite enlever les graisses, toujours à la main avec un grand couteau, sans abîmer la peau. Jorge fait très attention à sa matière première ... "Ce qui est très important, c’est de bien les saler dès le début. Cela permet d’avoir une meilleure qualité de cuir.” Pour être certain que tout est fait selon ses voeux dès le début de la chaîne, Jorge Soler est allé former lui même les éleveurs - tous français - auprès de qui il s’approvisionne. 
 

Ensuite, c'est le début d'une série de bains dans les foulons, de grandes machines en bois que l’on pourrait comparer à des tambours de machine à laver géants. Les peaux vont d'abord tremper dans un mélange d'eau, de sel, d'antiseptique, puis dans des bains de produits chimiques, puis dans des teintures pendant des heures et même des jours entiers ... Chaque étape est chronométrée précisément. Les remplissages, rinçages ont lieu de jour comme de nuit. “Aujourd’hui, cela va durer onze heures. Demain, il faudra une vingtaine d'heures, on devra donc être là pendant la nuit. Après, il faudra être là dix à quatorze heures par jour.”

Un secret bien gardé

Les différents produits utilisés, leurs quantités et la durée des bains sont un secret bien gardé. Même aidé par des chimistes, Jorge a mis des années à mettre au point la formule parfaite. “C’est mon petit jardin secret !” nous dit-il quand on l’interroge sur sa recette. Même ses salariés n’en connaissent qu’un partie. 

Si on ajoute les étapes de séchage, de ponçage ou de finissage, il faut à Jorge presque trois mois pour transformer une peau d'autruche en cuir. “Je crois que si personne ne veut faire du tannage de peau d’autruche, c’est parce que c’est beaucoup de travail … Il faut récupérer les peaux, le tannage est très long, l’écharnage est très compliqué … Tout est long.” 
 

La méthode artisanale ne permet pas de produire de gros volumes ni de concurrencer les tanneries asiatiques sur les prix. Jorge Soler se focalise donc sur la qualité, voire le sur-mesure pour des artisans maroquiniers, chausseurs ou tapissiers à la recherche de produits rares. 

Mais le tanneur cantalien voit aujourd’hui plus loin : il aimerait à présent pouvoir utiliser ses peaux sur place. Il est à la recherche d’un maroquinier ou d’un tapissier qui voudrait s’installer à Neussargues à ses côtés. 
 

 
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