L’Auvergne est une terre de fromages, ce n’est un secret pour personne. Cette fois, nous nous intéressons au Cantal, du nom du département où il est fabriqué. C’est d’ailleurs là-bas où nous sommes allés pour tester la fabrication du fromage et en bonus, on vous dévoile les secrets de la truffade.
Le Cantal ça se mérite ! Déjà, il faut y aller et pour manger le fromage, il faut se lever tôt, et même très tôt. En tant que grande amatrice de fromages, je ne pouvais pas passer à côté du Cantal.
La traite
Direction Mentières, près de Saint-Flour, chez Loup Calmels, un jeune éleveur pour faire la traite, parce que pour fabriquer le fromage, il faut bien entendu du lait. Il y a une trentaine de vaches à traire donc... on a un peu de boulot.
Perle, Juliette, et les autres nous attendent patiemment. Après avoir rassemblé les huit premières, il faut préparer tout le monde. « On va mettre la mousse sur les tétines des vaches pour qu’elles soient bien propres pour la traite. Comme ça, il n’y aura pas d’impureté dans le lait ». Ensuite, on essuie les tétines et il ne reste plus qu’à brancher la machine à traire. À première vue, ça paraît simple, mais à manipuler, il faut aussi un petit coup de main. Quand tout le monde est branché, pas le temps de s’ennuyer, les premières ont déjà terminé leur traite. En moyenne, Loup récolte près de 15 litres par vache. Ensuite, on va mettre un produit pour qu’il n’y ait pas de bactéries qui rentrent dans la vache. Loup Calmels est installé depuis peu, le 19 mai 2022 très exactement. « Depuis que je suis tout petit j’ai toujours aimé les vaches laitières. Ma grand-mère avait des vaches laitières, des Montbéliardes. J’ai toujours été passionné par ces vaches. Elles ont du caractère, ce sont de belles vaches, elles sont têtues ».
Le lait est récolté et transporté dans la coopérative laitière de la Planèze, à Neuvéglise.
La fabrication du Cantal : une question de pressage...
Je quitte mes bottes, ma combinaison et les vaches, pour enfiler une charlotte, une blouse et retrouver Alain Bachellerie, le fromager de la coopérative. « Le lait récolté arrive dans les cuves, où il est chauffé à 32,5 °C. Ensuite, on met la présure et au bout d’une demi-heure, on décaille. Le caillé est ensuite pressé pendant 20 minutes », m’explique Alain. Tous les jours, la coopérative récolte entre 17 000 et 18 000 litres de lait. Là encore, il faut se lever tôt pour faire le fromage, dès 4 heures du matin. Avec Alain, nous sortons le caillé qui a été pressé, des blocs un peu lourds et pas faciles à déplacer.
Je fais un petit aparté : connaissez-vous la différence entre la tomme et la tome ? On parle de « tomme » pour un fromage de forme circulaire fabriqué en Savoie, en Provence ou dans le Dauphiné. Alors que le terme « tome » est utilisé pour le caillé pressé comme le Cantal ou le Laguiole. Même si quelques exceptions existent.
... Et de patience
Revenons à nos tomes qui, une fois sorties du pressoir, retournent dans un autre pour être à nouveau pressées : on les presse 20 minutes, on les coupe et on les retourne. On doit répéter l’opération quatre fois. Le but est d’enlever le sérum de la tome. « Après ces 4 tours, on laisse maturer la tome jusqu’à 4 heures le lendemain matin. Elle est broyée puis salée, continue Alain Bachellerie. Deux heures après, on monte les pièces. On peut fabriquer des pièces de 8 kg à 42 kg. Ces pièces sont à nouveau pressées avec des machines pendant 24 heures. Le lendemain, on enlève la toile. On change la toile, on retourne et on presse ».
Tout est une question de pressage finalement, mais aussi de patience. Direction la caverne d’Alibaba : dans la cave, les fromages patientent et sont frottés toutes les semaines. « Au bout de 120 jours, les fromages sont prêts à être vendus pour le cantal entre-deux. Entre 30 et 60 jours, c’est le Cantal dit jeune. Et au bout de 240 jours, on parle de Cantal vieux. En moyenne, on fabrique 45 fromages par jour ».
La truffade : du réconfort et de la convivialité
Tout ce fromage m’a mis en appétit ! J’enlève ma blouse et ma charlotte, et j’enfile cette fois mon tablier, direction la ferme de la violette, à la limite du Cantal et de l’Aubrac. Je retrouve Jean-Pierre Raynal, le chef cuisinier qui va me dévoiler les secrets de sa truffade. Nous commençons par couper la tome fraîche et le cantal très jeune. « Il faut couper le fromage avec des lames très fines. Ça va fondre plus rapidement dans les patates qui doivent être très chaudes. Dans les 5-10 minutes, il faut que la truffade soit prête ». Cela fait 7 ans que Jean-Pierre cuisine la truffade, mais il est tombé dedans quand il était enfant. « La truffade, c’est un plat de fête. Je me rappelle quand nous étions petits, ma mère faisait la truffade le dimanche. C’est un plat très connu en France et je dirais même dans le monde. C’est un plat qui fait vivre beaucoup de monde sur nos territoires. On se souvient de nos ancêtres, nos buronniers, quand ils partaient avec leurs vaches entre le 25 mai et le 13 octobre pour traire dans les burons, ils n’avaient pas grand-chose. Avec leur lait, ils faisaient leur fromage et ils faisaient cuire leur fromage avec leurs pommes de terre du jardin ».
Pendant ce temps, les 5 kg de pommes de terre ont été cuites dans la graisse de canard : « On laisse fondre une petite minute et après, on ajoute les 2 kg de tome. Quand la truffade commence à chanter et à faire des fils, c’est qu’elle est prête ».
Après l’effort, le réconfort. On peut passer à table : un bon feu de cheminée, de la truffade, des saucisses, et une bonne tablée d’amis. Tout est réuni pour profiter des charmes du Cantal, du fromage, comme du territoire.