En 2022, le système de notation nutritionnelle Nutri-Score pourrait être obligatoire pour tous les produits alimentaires. Le député (LR) du Cantal Vincent Descoeur monte au créneau pour que les produits issus d’une AOP et d’une IGP en soient exemptés. Il prend fait et cause pour la filière fromagère de son département.
Le Nutri-Score est-il adapté à tous les produits ? Vincent Descoeur, député (LR) du Cantal, a déposé fin janvier une proposition de loi visant à exempter d’indice Nutri-Score les produits issus d’une AOP (Appellation d’origine protégée) et d’une IGP (Indication géographique protégée). Le texte est notamment cosigné par un autre député (LR) du Cantal, Jean-Yves Bony. Il y a quelques semaines, les producteurs d'AOP d'Auvergne avaient porté la même revendication.
Une échelle de couleurs
Lancé en 2018, le Nutri-Score est un système d'étiquetage nutritionnel qui a pour but de favoriser le choix de produits plus sains d’un point de vue nutritionnel par les consommateurs. Le Nutri-Score utilise une échelle de couleurs (du vert au rouge) et de lettres allant de A à E pour établir sa notation nutritionnelle. Elle est affichée sur la face avant des produits afin d’aider le consommateur à comparer les aliments en fonction de leur teneur en sucre, gras et sel.
Des produits mal classés
Le député du Cantal est vent debout contre le Nutri-Score : « Dans l’état actuel des choses, il s’avère que nos AOP, du fait de l’algorithme de ce score, parce qu’elles contiennent des produits gras et du sel, vont se retrouver dans des classes D et E, très majoritairement. Paradoxalement, la démonstration est faite que des produits comme les sodas sans sucre se retrouveraient bien mieux classés en catégorie B ».
"Un outil qui n'est pas adapté à nos produits"
Vincent Descoeur tient avant tout à défendre les AOP fromagères, comme celle de l’AOP cantal. Il appelle à revoir certains critères : « Ce Nutri-Score, s’il donne une indication, est un outil qui n’est pas adapté à nos produits, en l’occurrence à nos fromages. Il fait état d’un score pour 100 g de produit, ce qui n’est pas du tout adapté à la consommation de fromage car les études laissent à penser que la portion est inférieure à 40 g. De plus, il ne prend aucunement en compte le degré de transformation du produit, et en particulier la présence d’additifs, de colorants ou de conservateurs. Il n’y a rien non plus sur les micronutriments, qui sont bons pour la santé, comme les vitamines, le calcium, le phosphore. On vit cela de manière très injuste ». Le député s’érige en défenseur des AOP fromagères mais n’en oublie pas non plus les salaisonneries et les charcuteries, présentes en nombre sur son territoire.
La question de la qualité
Vincent Descoeur avance un autre argument, celui de la qualité : « Là où il peut y avoir une confusion pour le consommateur c’est que si cela donne une indication en termes d’apports nutritionnels, il y a un risque que ce soit lu comme une grille attestant de la qualité du produit. Or, ce n’est pas du tout le cas. Nos AOP fromagères obéissent à des cahiers des charges très exigeants, qui assurent une fabrication du produit dans le respect d’un certain nombre de règles. Selon la consommation de fromage que l’on fait, c’est un produit bon pour la santé ».
Le problème de la comparaison
Les défenseurs du Nutri-Score rappellent quant à eux que cet outil ne sert à comparer que ce qui est comparable : "le Nutri-Score est conçu pour choisir de manière éclairée entre différents produits comparables. C’est-à-dire qui ont une pertinence à se substituer les uns aux autres dans notre consommation", comme le souligne un article publié sur le site d'UFC-Que choisir. Cette idée, le député du Cantal la rejette en bloc : « Dire qu’il faut comparer ce qui est comparable est une manière d’éviter de voir la contradiction : qu’un soda soit mieux noté qu’un morceau de fromage en dit long sur le résultat. C’est là que le bât blesse. Si on se met à comparer les Nutri-Score de fromages, nos AOP vont se trouver en concurrence avec des fromages très transformés, dont on a la possibilité de faire avancer la recette pour qu’elle satisfasse au Nutri-Score. Ce n’est pas un gage de qualité ».
Une décision de la commission européenne
Vincent Descoeur relaie ainsi les inquiétudes des professionnels des filières laitières et fromagères françaises, en particulier celles du Massif Central, qui craignent que cet étiquetage soit à terme rendu obligatoire pour toutes les denrées alimentaires en France comme dans l’Union européenne : « La commission européenne souhaite un étiquetage harmonisé et obligatoire pour le quatrième semestre 2022 et le Nutri-Score tient la corde. On s’inquiète avant tout des conséquences commerciales. Des études prouvent que d’ores et déjà, plus d’un consommateur sur deux indique avoir modifié son comportement au moins sur une de ses habitudes d’achat, à cause du Nutri-Score ». Cependant, cette proposition de loi ne pourra pas être examinée avant la fin de la mandature. « Il faut que l’Assemblée nationale débatte sur le sujet. Techniquement, les travaux de l’Assemblée nationale vont être interrompus à la fin du mois de février. Mais c’est un vrai signal d’alarme que l’on lance pour que ce sujet soit débattu avant que la commission européenne se positionne » conclut le député. La proposition de loi pour exempter les AOP et les IGP est cosignée par 46 députés.