Coronavirus : en Auvergne-Rhône-Alpes, les éleveurs appellent à acheter de l’agneau local pour Pâques

Avant Pâques, la filière ovine est en pleine crise. A cause du confinement dû au coronavirus, la viande se vend mal. Auvergne-Rhône-Alpes est la troisième région française de production avec 60 000 agneaux prévus pour Pâques. Les éleveurs s’inquiètent, les bergeries restent pleines.
 

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La pandémie de coronavirus crée des situations inédites dans tous les secteurs. L’élevage des agneaux qui connaît son pic de vente pour Pâques est particulièrement touché.
Installée à Ceyssat (Puy-de-Dôme) Michèle Boudoin a un troupeau de 500 brebis et vend environ 250 agneaux pour les fêtes religieuses : "L’agneau c’est festif et oecuménique. Il y a la Pâques juive, chrétienne, orthodoxe et bien sûr le Ramadan. Depuis huit mois on prépare ça : il faut cinq mois de gestation pour une brebis et on vend des agneaux de trois mois. Le 16 mars les agneaux étaient prêts. 70 agneaux sont partis et dessus j’ai perdu 70 centimes au kilo. Il m’en reste 175 bloqués en bergerie après ils prennent du poids et font du gras. Je vais garder les femelles mais il faudra les nourrir."
 
Chez tous les éleveurs c’est le même sentiment d'impuissance. Claude Font a une exploitation de 450 brebis à Auzon (Haute-Loire). Il est en label Agneau Laiton et a vendu les trois-quarts de sa production mais en dessous du prix : "On les vend quand ils sont prêts. A huit jours près on peut ralentir un peu la croissance mais c’est tout. Après la viande est trop grasse et dépréciée, c’est la double peine pour l’éleveur. Un gigot de 3 kg ne correspond plus aux besoins des familles confinées à 2 ou 3 personnes. Les abattoirs découpent différemment, plus petit, mais ça crée des difficultés dans la chaîne de découpe et dans l’emballage."


"Les agneaux ne sont pas des boîtes de conserve"

Les abattoirs sont un vrai problème. Bruno Damiens est éleveur d’ovins depuis 1983 à Champis à côté de Valence dans l’Ardèche. Il a 350 mères allaitantes et comme tous les ans, il vend à Pâques 240 agneaux labellisés Agneau de l’Adret, la moitié de sa production annuelle. L'abattoir d'Aubenas a baissé son activité, il est obligé d'amener ses bêtes à Sisteron à trois heures de route. Une difficulté qui s'ajoute aux autres. Il n'a jamais connu une situation aussi catastrophique : "La semaine du 16 mars a tout fichu en l’air. On commençait à livrer et d’un jour à l’autre les gens ont changé leur façon de consommer, ils se sont jetés sur les pâtes et le papier toilette et ils ont oublié la viande. Pour l’instant j’ai vendu une cinquantaine d’agneaux, cette semaine il y a eu un petit rebond mais les magasins passent les commandes au dernier moment. On pilote à vue et les agneaux ne sont pas des boîtes de conserve, on ne garde les morceaux que quelques jours au frigo. J’ai un peu vendu grâce au label rouge mais la coopérative ne m’a pas donné le prix, ce sera moins que prévu bien sûr."


"L'agneau de Nouvelle-Zélande : du congelé et du vieux-faux-frais"

 Michèle Boudoin n’est pas seulement éleveur, elle est aussi présidente de la FNO (filière nationale ovine) et ne décolère pas : "On trouve sur les étals des agneaux de Nouvelle-Zélande alors que nos bergeries sont pleines ! De l’agneau congelé mais aussi du vieux-faux-frais comme on dit. C’est de la viande vendue au rayon frais, qui a été abattue en janvier et a voyagé pendant 22 000 kilomètres conservée dans de l’azote liquide. Elle coûte deux fois et demi moins cher. Les années fastes, on s’en accommode mais là !"

La fédération communique sur les réseaux sociaux et défend sur twitter les éleveurs français face aux stocks d'agneau venus de Nouvelle-Zélande :
 
 Consommer français, c’est le message martelé par l'Association Nationale Interprofessionnelle du Bétail et des Viandes (INTERBEV). D'où la campagne à la radio et sur les réseaux sociaux jusqu'au 12 avril pour promouvoir la consommation de la viande d'agneau : "régalez-vous avec l'agneau français!". Cette campagne de communication veut pousser les grossistes en viande, la restauration collective et la grande et moyenne distribution à s’approvisionner en local.
Romain Kjan est directeur de l’INTERBEV en Auvergne Rhône Alpes : "Certaines grandes surfaces jouent le jeu et font une campagne agneau 100% français mais c’est aussi au consommateur d’être vigilant. Les autres années on trouve un équilibre avec l’agneau de Nouvelle-Zélande mais là, les quotas sont déséquilibrés avec le confinement."


Patriotisme culinaire

Pour la FNO une solution pour écouler l’agneau français serait de sortir du marché l’agneau Néo-Zélandais ou Australien et de faire des dons en nature auprès des restaurants des établissements hospitaliers, des EPADH ou des personnels de la fonction publique. Selon Michèle Boudoin, présidente de la FNO, ces dons, outre l'intérêt économique lié à leur défiscalisation, permettraient aux enseignes d'exprimer leur solidarité.
 
Le confinement a brisé la chaîne fragile entre producteurs et consommateurs. Certains font un peu de vente directe mais ça reste marginal et tous s’inquiètent pour la suite. Bruno Damiens garde un fond d’optimisme : "Il y a peut-être une chance à saisir derrière cette crise, c’est changer les habitudes alimentaires. Les consommateurs doivent réfléchir à ce qu’ils achètent et regarder les étiquettes. Quitte à réorienter le budget des familles."
Un appel au patriotisme culinaire : consommer peut-être moins mais consommer mieux et surtout français. Après Pâques, les éleveurs gardent  une lueur d’espoir pour mai et juin, la reprise des réunions de famille et des barbecues dès que le confinement sera levé.

 
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