Des camions jusqu'au bureau régional de la Fédération nationale du transport routier, les hommes et les femmes du secteur ont le blues : peur d'être contaminés, absence de protections, accueil parfois à la limite de la dignité chez les clients.

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« Sur n’importe quel site aujourd’hui, c’est Alcatraz, c’est la prison » Le constat est sans nuance, il émane d’un conducteur de camion : "Djamel" Si-Ahmed, délégué syndical FO pour la base de Corbas (Métropole de Lyon) du groupe STEF, spécialisé dans les denrées alimentaires.

Partout, dit-il, les entreprises interdisent l’accès des chauffeurs aux entrepôts. » (...) « aujourd’hui plus personne ne travaille comme il y a une vingtaine de jours, tout le monde a peur de tout le monde. 

   

"Le royaume de la débrouille"

Il faut dire que dans les entreprises de transport de la région, bien peu ont accès au matériel de protection, puisque réservé aux professions médicales. Et Djamel d’expliquer : « c’est le royaume de la débrouille, j’ai essayé de me procurer des masques en pharmacie, impossible ». Finalement, c’est sa maman -dialysée- qui lui en fourni un. Et il confie qu’il espère le garder une semaine ...
 

Des bidons d'eau et de savon liquide dans les camions

Dans l’entreprise de transport Rollin, située à Guéreins dans l’Ain, Eddy Filippi, directeur général, confirme. Devant l’impossibilité de ses conducteurs de se laver les mains chez les clients, il a fait équiper les camions de bidons d’eau et de savon liquide, avec consigne de se laver les mains aussi souvent que possible.

"Et on leur demande d'amener à manger, pour mettre dans les frigos des camions". Car trouver des restaurants ouverts est mission quasi impossible. Tout comme trouver des douches sur autoroute.
 

"On est fiers d'eux"

Grave, l’homme l’est sans aucun doute. « on est fiers d’eux. » Eux, ce sont les 36 conducteurs de cette entreprise qui restent. Une bonne dizaine d’autre a été mise à l’arrêt par mesure de protection : ce sont des personnes vulnérables en raison de leur état de santé.

Eddy Filippi rapporte cette anecdote, qui en dit long sur l’accueil indigne trop souvent réservés aux professionnels : Chez un gros client, la machine à café porte une affichette avec la mention « interdit aux chauffeurs ».
 

"On est pris pour des chiens"

« Depuis toujours, dit-il, on est pris pour des chiens, alors on finit par s’habituer. » Et de confier que certains de ses chauffeurs ont probablement dû prendre une douche tous les deux jours, faute de structure d’accueil et de bienveillance de la part des entreprises clientes.
 

La vigilance aux commandes

Pourtant le directeur général des transports Rollin se justifie, 

On est hyper vigilant, on rappelle inlassablement les gestes barrières. Quand nos gars arrivent dans des entreprises, ils laissent les portes arrières ouvertes avec les documents "au cul du camion". Les clients les remplissent et s’en vont, et nos chauffeurs vont récupérer les papiers. Pas de contacts. 

 

Le double discours qui énerve

Ce qui l'énerve, manifestement, c’est le double discours entre les gros donneurs d’ordres qui disent « on a compte sur vous » et la réalité du terrain, le traitement réservé aux « gars ».

Il reconnaît toutefois une légère évolution depuis la semaine dernière, depuis que les organisations professionnelles sont montées au créneau pour dénoncer de façon très virulente l’indignité de la situation.
 

Une carte des aires ouvertes

Jacques Sorlin, délégué régional de la FNTR le reconnaît. La situation s’est un peu améliorée, avec notamment la publication par bison futé d’une carte de France actualisée avec les aires d’autoroute qui continue d’accueillir des chauffeurs, où qui ont été réouvertes.

Il a reçu aussi des offres d’aide de la part d’hôteliers de Chasselay en Isère qui ont dû fermer leur rétablissement. Ils proposent un accès aux douches, aux toilettes, la confection de sandwich, une pause sieste, tout ce qui manque cruellement aux routiers aujourd’hui.
 

#onroulepourvous

Et la fédération des transporteurs a lancé une opération de solidarité : elle met en ligne des coordonnées de clients ouvrant leur sanitaire et leur douche à des chauffeurs routiers de passage.

Ainsi cette entreprise du Puy-de-Dôme Dom’Azur basée à Lempdes, qui a choisi de mettre en œuvre cette fraternité du transport. Depuis hier, elle met des bungalows à disposition des chauffeurs routiers, tous les chauffeurs routiers, passant dans le coin pour pouvoir se laver. Depuis hier « c’est une vingtaine de chauffeurs qui en ont profité, en comptant ceux qui ont appelé pour venir cette nuit ».

Une chaîne de solidarité plus que nécessaire pour Jacques Sorlin, le Delegué Régional FNTR : « 99 % des biens de consommation, ils arrivent grâce aux camions. Si les conducteurs s’arrêtent ... ».
 
 
Interview de Jacques Sorlin, délégué régional Rhône-Alpes FNTR
"Nous devons pouvoir assurer l’approvisionnement de tous nos commerces et de toute notre industrie, sans oublier le E-Commerce.
  Devons-nous rappeler que nous transportons aussi toutes les matières premières qui permettent par exemple de fabriquer des masques ou des flacons de gel hydroalcooliques ?
Devons-nous rappeler que nous alimentons les hôpitaux, les pharmacies et les EHPAD en oxygène, en carburant et tous les produits de première nécessité ?
Devons-nous rappeler que nous alimentons les usines et autres sites économiques qui permettent de faire fonctionner la nation ?
Nos conducteurs trouvent, encore trop souvent, portes fermées dans les stations-services (y compris sur les autoroutes), et dans les relais routiers. Les mesures prises par le Gouvernement doivent être appliquées.  Il l faut laisser tous les poids-lourds circuler et favoriser l’accueil des conducteurs dans les relais routiers qui doivent tous rouvrir."
 
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