Premier week-end de réouverture pour les restaurants. Et des situations paradoxales. Pour les bistrots de campagne, c’est l’heure de vérité.
A la campagne, les cafés-restaurants ont traversé le confinement comme on affronte une tempête, tant bien que mal. Parmi eux, les Bistrots de Pays, gardiens labellisés d’une certaine idée du bistrot de village.
«J’ai rouvert mardi, mais c’est un redémarrage vraiment frileux… Pourtant, je suis le seul Bistrot de Pays du département de la Loire, je ne voudrais pour rien au monde devoir mettre la clé sous la porte. J’aime trop ce que je fais !» Même au téléphone, Christine déborde d’une énergie sous laquelle on devine une pointe d’anxiété. Celle de voir son petit établissement de Saint-Bonnet-les-Quarts, dans le Roannais, peiner à se remettre de ces deux mois de fermeture.
La peur d’une année blanche
Son Café du Centre, c’est une belle bâtisse de pierre, campée à deux pas de l’église du village. Une maison de famille qu’elle a restaurée, un bout de terrasse, une petite salle chaleureuse d’une quinzaine de couverts, où elle propose aux randonneurs (nombreux dans le coin) des plats simples et «des produits locaux uniquement». Jusqu’au confinement, tout allait plutôt bien. «Le label Bistrot de Pays, que j’ai depuis 2015, m’a fait gagner 40% de chiffre d’affaire. Mais là, j’ai peur que ce soit une année blanche dont j’aurai du mal à me remettre. L’été, j’ai une importante clientèle hollandaise et tant que les frontières européennes sont fermées…».
Même inquiétude et même combativité à quelque 260 km de là, à Saint-Vincent-de-Barrès, sur la rive ardéchoise ardéchoise du Rhône où Fabienne et Frédéric tiennent La Table du Barrès, un autre Bistrot de Pays. «Pendant deux mois, la vente à emporter nous a permis de garder la tête hors de l’eau. On a rouvert mercredi, mais aux deux tiers seulement de la capacité de la salle et de la terrasse. Pour l’instant ce n’est pas rentable. On est inquiets, forcément».
En temps normal, ils réalisent 80% de leur chiffre d’affaire entre mi-mai et mi-septembre. «Mai, c’est foutu. Juin on va voir, on aura une idée du bilan annuel en septembre. Normalement, l’été, on prend une personne en plus pour le service mais là on a dû annuler. C’est angoissant…»
Les derniers commerces de village
Des Bistrots de Pays, il y en a 130 en France dont 36 en Auvergne-Rhône-Alpes. Le label existe au plan national depuis 1993. L’idée de départ, c’était de soutenir les bistrots indépendants des zones rurales, tout en soutenant les producteurs locaux.
Des cafés-restaurants implantés dans des communes de moins de 2000 habitants, ouverts à l’année, et qui mettent en avant les produits et les recettes de terroir. Des bistrots de campagne, qui font quelquefois office d’épicerie, de dépôt de pain ou de bureau de tabac. Des établissements à l’équilibre financier forcément fragile, puisqu’ils sont souvent les derniers commerces de leur village. Pour eux, la crise sanitaire est donc encore plus lourde de conséquences économiques que pour les restaurants de ville.