DOCUMENTAIRE. "Les Délivrés" ou la vraie vie des livreurs à vélo de repas, une vie de forçats du bitume

Partout dans les grandes villes, les coursiers à vélo s’organisent pour obtenir des droits sociaux auprès des plateformes de livraisons pour lesquelles ils travaillent. Une lutte des classes 2.0 racontée dans «  Les Délivrés » de Thomas Grandrémy. Un film efficace, ancré dans son époque.

Un accident de vélo, la nuit dans une zone industrielle fait un mort. Franck, le cycliste. Nous sommes en 2019. Ça n’aurait pu être qu’un triste fait-divers mais quand le cycliste est mort parce qu’il livrait, pour Uber Eats, un repas dans une zone inadaptée à la circulation à vélo, ça devient un fait de société. "Ce n’est pas possible de mourir dans l’indifférence pour avoir livré un burger", dit Damien. Lui aussi livreur à vélo, a fait, comme des centaines d’autres, le voyage à Bordeaux pour un dernier hommage à Franck. L’indifférence, c’est toute la vie des livreurs à vélo. C’est le seul visage que leur offrent les plateformes pour lesquelles ils travaillent, les Uber Eats et autres Deliveroo.

On est noté par les clients… Si tu as moins de 90% de satisfaits, ton compte peut être suspendu.

Les livreurs sont auto-entrepreneurs. Un statut qui devrait leur laisser le choix de leur rythme de travail. De quoi séduire quiconque à la recherche d’un job d’appoint ou non. Voilà pour la théorie. En pratique, c’est beaucoup moins sympa : "Pour pouvoir se connecter, il faut réserver des créneaux. Pour réserver les créneaux que l’on veut, il faut avoir de bonnes statistiques et pour avoir de bonnes statistiques, il faut s’être connecté sur beaucoup de créneaux. C’est un cercle vicieux… On est noté par les clients. A moins de 90% de satisfaits, notre compte peut être suspendu. Alors pour éviter les mauvais avis, on roule vite et on ne s’arrête pas toujours aux feux", explique Damien.

Les roues de l’infortune : avec 3 euros par course, pour gagner l’équivalent d’un SMIC, les livreurs doivent rouler en moyenne soixante heures par semaine et livrer au moins 400 repas par mois. Alors les forçats du bitume s’organisent. Les plateformes comptaient sur l’isolement de chacun pour éviter toute coagulation. C’était oublier les réseaux sociaux ! Le syndicalisme, le militantisme se pratiquent sur le net. A Nantes, Lyon, Saint-Etienne, Bordeaux, Dijon, ils se fédèrent pour se faire entendre. Livrer est pour certains un job à part entière. La CGT qui par la voix de son secrétaire général, Philippe Martinez, qui reconnait que"pour un syndicat de plus d’un siècle, une organisation du travail comme la vôtre, c’est une découverte", apporte son soutien. Le syndicat accompagne les livreurs dans leurs actions, manifestations et aux prud’hommes pour faire reconnaitre le lien de subordination entre un livreur et la plateforme qui le rémunère et donc la nécessité d’un contrat de travail. "C’est du salariat déguisé. Les plateformes se moquent du code du travail et la situation empire d’année en année", constate Jérémy Wick, représentant syndical des coursiers à vélo.

Face aux géants de l’ubérisation, le local salarié !

Les combats ça fatigue, ça traine en longueur et ça use et pendant ce temps il faut continuer de payer les factures et le loyer. Alors Damien pédale toujours comme d’autres mais d’autres qui ont choisi de rejoindre des coopératives. Des initiatives locales, éthiques et respectueuses dans lesquelles les coursiers sont salariés, travaillent 35 ou 39 heures par semaine, ont des repos hebdomadaires, des congés et une couverture sociale. C’est la note optimiste du film : "L’une des alternatives est de créer des coopératives pour lutter contre les plateformes. Chaque coopérative est une victoire", raconte Clément désormais coursier-salarié. "La majorité des clients n’ont pas conscience de nos conditions de travail, ni de combien on est payé", dit Damien dans le film.  Avec le travail de Thomas Grandrémy, maintenant on sait.

"Les Délivrés" de Thomas Grandrémy (coproduction France3 Pays de la Loire/Milsabords/), diffusion le lundi 18 janvier à 23h sur France 3 Auvergne-Rhône-Alpes dans la case documentaire "La France en vrai" et en replay jusqu'au 18 février.

 

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