Éviter le gaspillage de l'électricité produite par les éoliennes ou les panneaux solaires en la stockant sous forme solide grâce à l'hydrogène : c'est le défi relevé par la start-up rhônalpine McPhy Energy. Elle expérimente aussi l'utilisation d'hydrogène comme carburant à Grenoble et Lyon.
"Les énergies renouvelables sont potentiellement gaspillées, car elles sont produites quand il y a du vent (pour l'éolien) ou du soleil (le photovoltaïque) et pas du tout en fonction des besoins de consommation d'énergie électrique", explique Pascal Mauberger, président du directoire de cette PME installée depuis 2008 à La Motte-Fanjas (Drôme).
Partant de ce constat, McPhy a engagé une décennie de recherches, en partenariat avec le CNRS et le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives, avec l'idée de convertir en hydrogène ces surplus d'électricité "verte" par électrolyse de l'eau: le courant permet de la décomposer en oxygène, qui est rejeté dans l'air, et en (di)hydrogène, qui, associé à un métal par hydruration, est capté sous la forme de galette.
Un procédé au coeur des enjeux de la transition énergétique qui nourrissent actuellement les débats de la COP21, la grande conférence internationale sur le climat.
Chacune pouvant contenir jusqu'à 50 grammes d'hydrogène, les galettes sont ensuite empilées dans des containers, les plus gros pouvant stocker jusqu'à 150 kilos d'hydrogène, soit 5 mégawatts/heure d'électricité ou "l'équivalent d'un mois de consommation d'une petite ville", souligne M. Mauberger.
Produite à une centaine d'exemplaires par jour, la galette séduit aussi pour sa sécurité, car son alliage - mélangé à du magnésium ou du fer - est anti-choc et ignifuge, comparé aux technologies existantes qui stockent le gaz à très haute pression (200 bars) ou sous forme liquide (à -253 degrés celsius), généralement dans des bouteilles.
Grâce à un équipement de reconversion mobile, toujours par électrolyse, l'hydrogène peut ensuite être restitué puis injecté à la demande, dans des stations-service, dans les piles à combustible des nouveaux véhicules électriques; ou déplacé à travers les réseaux de gazoducs existants.
Faire le plein d'hydrogène à la pompe
Un véritable "écosystème" qui a déjà convaincu un millier de clients, surtout à l'étranger: en Italie, au Japon, en Californie et en Allemagne où les énergies renouvelables sont la deuxième source de production d'électricité derrière le charbon.
Dans le cadre du projet européen Hydrogen Mobility Europe (H2ME) qui promeut la propulsion électrique à l'hydrogène, l'Allemagne affiche en effet l'ambition de développer d'ici 2023 un réseau de 400 stations de distribution d'hydrogène "vert", contre une vingtaine aujourd'hui.
"On arrive jusqu'à la station, on branche, on appuie sur "start", le plein se fait et on peut continuer sa route. Pour les clients, il n'y a rien de high tech", explique le directeur des ventes de McPhy en Allemagne, Tristan Kretschmer.
En France, le projet HyWay, lancé en octobre 2014, expérimente sur 18 mois en Rhône-Alpes l'utilisation d'hydrogène comme carburant autour notamment de pompes de rechargement à Grenoble et Lyon.
Soutenu et cofinancé par l'État et la Région rhônalpine, ce projet associe McPhy à de grands noms de l'industrie (Air Liquide, la Compagnie Nationale du Rhône, Symbio FCell, CEA Grenoble...) et entend déployer à terme dans la région une flotte de 50 véhicules hybrides, moitié électrique moitié hydrogène.
Plus largement, l'Hexagone doit se doter de 100 stations hydrogène dans le cadre du plan national "Industrie du Futur", à l'horizon 2018. Selon le ministère de l'Économie, la filière devrait générer en France un chiffre d'affaires de plusieurs milliards d'euros par an d'ici 10 à 15 ans, permettant la création de plus de 10.000 emplois.
Cotée en Bourse, McPhy Energy a réalisé un chiffre d'affaires de 8,4 millions d'euros en 2014 et ses ventes ont progressé de 23% au premier semestre 2015.
Voir le reportage consacré, en octobre 2013, à ce procédé mis au point par McPhy Energy, dans la Drôme :