Six sociétés du groupe Indexia et son fondateur, Sadri Fegaier, comparaissent depuis le 23 septembre devant la 31e chambre du tribunal judiciaire de Paris. Ils sont jugés pour pratiques commerciales trompeuses concernant les résiliations et remboursements liés à des contrats d’assurance pour téléphones et produits multimédias. Le maximum des peines encourues a été requis.
Plus de 1 600 consommateurs, constitués partie civile dans cette affaire, attendaient les réquisitions prévues ce mercredi 2 octobre contre Sadri Fegaier et six sociétés de son groupe Indexia.
La procureure a requis les peines les plus élevées contre Sadri Fegaier : 2 ans de prison dont 6 mois sursis probatoire avec un mandat de dépôt, ce qui signifie qu'il va devoir être incarcéré "pour être mis hors d'état de nuire" a précisé Anne Proust. Elle a également requis 300.000 euros d’amende, interdiction pendant 5 ans de gérer des entreprises et saisie conservatoire de ses biens immobiliers. De nombreuses amendes sur les sociétés ont également été requises, jusqu'à 1,5 million d'euros pour la Sfam par exemple. Le délibéré sera rendu le 17 décembre à 10h.
"Les réquisitions correspondent à ce qui était attendu par les parties civiles. Elles sont inédites dans leurs proportions mais finalement adaptées au caractère disproportionné des pratiques commerciales trompeuses reprochées", confie Me Rachel Nakache, avocate des parties civiles qui représente 277 plaignants. "On a senti une satisfaction et un soulagement des parties civiles". Des applaudissements ont même retenti dans la salle d'audience suite à l'annonce des réquisitions : "J'ai applaudi parce qu'on a vraiment eu l'impression d'avoir été entendus et on a eu vraiment l'impression que la Procureure était 100% avec nous", raconte une des victimes.
Dans ce procès, ouvert depuis le 23 septembre, il est reproché au PDG Drômois, et à son groupe d'avoir fait souscrire à des centaines de consommateurs des contrats d'assurance pour leurs appareils multimédia et d'avoir élaboré une procédure complexe avec pour objectif de les décourager dans leurs demandes de résiliation ou de remboursements, entre 2014 et 2022.
Résultat : des montants énormes ponctionnés à des milliers de clients, pouvant aller parfois jusqu'à 40 000 euros accumulés au fil des années. Et ce, malgré de nombreuses tentatives de résiliation de contrats restés parfois sans réponse. Ces prélèvements pouvaient être bimensuels, aux intitulés irréguliers et aux montants souvent différents d'un mois à l'autre, selon les témoignages de clients recueillis en marge du procès à Paris.
"Pas un mot d'excuse"
Des plaignants ont pu venir assister au procès, deux salles du tribunal judiciaire de Paris ont été remplies pour l'occasion. Bernard Darras est le premier client à avoir été entendu à la barre. Son préjudice est estimé à un montant de 8 000 euros, après avoir acheté un téléphone portable en avril 2018. Les prélèvements ont eu lieu jusqu'en avril 2023. "J'attends les délibérations qui prendront du temps, pour le reste, je ne suis pas une des victimes les plus lourdement volées."
Depuis l'ouverture du procès, Bernard Darras est venu chaque jour au palais de justice. "Je ne pensais pas passer autant de temps dans ce tribunal, mais c'est très prenant. Finalement je reviens, c'est un spectacle intéressant même si le prix d'entrée est très élevé", ironise le professeur émérite.
Pour les avocats des parties civiles, les dix jours de procès ont été "intenses" mais laissent un goût amer. "Malheureusement nous n'avons pas eu la réponse qu'on espérait de la part de Sadri Fegaier, les parties civiles attendaient davantage", explique, Me Rachel Nakache. "Il y a eu des excuses sur l'organisation de la société et ses dysfonctionnements plutôt que des excuses personnelles."
"Je m'attendais au moins à des mots de regrets pour mes clients, il y a eu des vies brisées", réagit à son tour Me Emma Leoty, avocate de 747 parties civiles concernées par un préjudice total de 6 millions d'euros.
Me Nakache avait plaidé pour une condamnation pénale "ferme", soit deux ans de prison et 300 000 euros d'amende comme prévu par le code de la consommation en cas de pratiques commerciales trompeuses. Elle a demandé aussi l'indemnisation des parties civiles. "On a des sociétés en liquidation judiciaire, ça sera donc difficile d'indemniser les parties civiles par ce biais-là, donc une condamnation pénale permettrait de toucher au patrimoine personnel de M. Fegaier et d'actionner pourquoi pas le fonds de garantie de l'Etat pour obtenir un minimum d'indemnisation".
Des pratiques "institutionnalisées"
Le PDG du groupe Indexia, Sadri Fegaier, a été interrogé pour la première fois le 30 septembre, évoquant des problèmes "à la marge" ne concernant selon lui qu'une infime minorité de clients, "2% insatisfaits", sur les 8 millions que comptait le groupe. "Notre priorité était de satisfaire les clients", a insisté plusieurs fois l'homme d'affaires tout au long de son interrogatoire, sous les réactions souvent désabusées des parties civiles, venues en nombre entendre sa version des faits.
Lors de l'audience, plusieurs livrets de formation pour téléconseillers ont été projetés, détaillant les différentes étapes auxquelles ces derniers devaient se soumettre lors d'une demande de remboursement ou de résiliation émanant d'un client. Plusieurs étapes, nécessitant de nombreux appels, avant que le contrat ne puisse être résilié.
Pour l'ancien PDG à la barre, présenté comme le "plus jeune millionnaire de France" à l'époque, c'est une surprise. "À aucun moment, notre stratégie était de ne pas vouloir rembourser les clients (...). Lorsqu'il y avait du retard ou des problématiques, on mettait un plan d'action en place pour ne pas avoir de réclamations qui perdurent trop dans le temps", a-t-il soutenu à de nombreuses reprises, sans toutefois être capable d'en détailler les modalités.
"Le PDG tourne autour du pot et ne répond pas aux questions de la Présidente, face à des preuves explicites, écrites noir sur blanc", a dénoncé Me Emma Leoty.
La version de Sadri Fegaier n'a pas convaincu le tribunal, qui a affirmé se trouver en face de pratiques "institutionnalisées" au sein des différentes sociétés.