"Il faut vivre avec le loup" : des éleveurs de brebis résignés avant l'estive

L'estive des ovins approche, une période tendue pour les agriculteurs qui voient le risque des attaques de loups augmenter. Un couple d'éleveurs nous partage sa résignation : "nous avoir empêché de nous défendre fait qu'on subit aujourd'hui cette situation."

Une nouvelle pétition pour sauver la population lupine de la Drôme, un autre appel à ne pas décimer 100 loups dans le département. Cette fois, il est lancé par deux étudiants créateurs de contenu sur leur page Instagram "Ecotalk France". Leur crainte fait suite à l'adoption d'une motion par la fédération départementale des chasseurs de la Drôme, le 15 avril dernier, demandant à l’État de pouvoir intervenir dans la régulation du loup. Les chasseurs, qui attribuent au prédateur la disparition du grand gibier, souhaitent voir 100 loups prélevés dans le département pour la saison 2023/2024.

Entre 20 et 25 meutes de loups sont présentes sur le territoire drômois. Ce qui représenterait au total entre 150 et 200 individus, selon des chiffres du comité Auvergne Rhône-Alpes de France Nature Environnement. La loi autorise le "prélèvement" de 19% de la population lupine estimée au niveau national, soit 174 loups tués en 2022.

Des méthodes non létales 

Le souhait des chasseurs impliquerait donc d'abattre, uniquement dans la Drôme, l'équivalent de la moitié de la population nationale des loups. Un chiffre qui surprend Jean-Louis Fleury, éleveur de brebis sur la commune Les Tonils. "Parler de prélèvements en 2023 est complètement dépassé, mais on devrait avoir le droit de tirer sur un loup, en cas d'attaque ou de menace directe sur notre troupeau".

Les signataires de la pétition demandent d'explorer les méthodes non létales de gestion des conflits entre les loups et l'agriculture, des solutions déjà appliquées par les éleveurs du territoire. À 57 et 58 ans, Jean-Louis et Fabienne Fleury élèvent 250 brebis dans leur commune drômoise. Avec d'autres voisins éleveurs, ils ont créé un regroupement pastoral totalisant 600 brebis sur 250 hectares d’estive loués. Un berger est engagé durant toute la saison estivale pour surveiller les troupeaux. L'année dernière, une brebis a été perdue dans une attaque de loup reconnue, et quatre manquaient à l'appel à la fin de l'estive. 

Alors que la période de regroupement est prévue au 1er juin et jusqu'au 30 octobre, Jean-Louis et Fabienne revivent les mêmes inquiétudes. Perdre une bête représente un coût financier, mais la protection contre le loup représente un investissement plus lourd sur le long terme : clôtures électrifiées, regroupement nocturne des bêtes, embauche d'un berger, achat et entretien des chiens de protection... Pour le couple Fleury et leurs collègues, l'aide de l'État représente 80% de la somme dépensée (environ 8000 euros chaque année). 

Mais il y a aussi l'aspect émotionnel de la perte d'une bête. 

Quand on voit que malgré toutes les mesures prises, un loup nous pique une bête, c'est un échec et une tristesse immense. On n'élève pas nos brebis pour les voir tuer par un loup.

Jean-Louis Fleury

Le couple a 25 ans d'élevage derrière lui, des années d'expérience qui aident Fabienne à tolérer l'inacceptable. "Auparavant, perdre 12 brebis pour moi, c'était impossible, c'est toujours difficile de l'accepter. Mais c'est soit ça, soit on arrête toute l'exploitation", admet l'éleveuse. Elle n'envisage pas de tirer un trait sur des années de travail pour monter son troupeau et rendre son activité plus ou moins viable. 

Fabienne ne voit pas de solutions. "Le 'plan loup' je ne m'en occupe pas, je vis au jour le jour en gérant mon exploitation". Résignée, elle en veut surtout à l'État de ne pas avoir pris les mesures nécessaires au moment du retour du loup en France dans les années 1990. "Le loup, l'animal n'y est pour rien. Il existe, il se nourrit dans la nature. Mais nous avoir empêché de nous défendre fait qu'on subit aujourd'hui cette situation". 

Le 11 mai dernier, un loup a été tué à Rochefort-Samson. La préfecture avait autorisé ce prélèvement suite à une attaque de troupeau.

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