Ils ont passé la nuit sur place et se disent prêts à rester plusieurs jours. Une centaine d'agriculteurs veulent occuper l'espace jour et nuit pour gagner en visibilité dans la Drôme, entre Tain-l'Hermitage et Chanas. Un mouvement qui tente de s'organiser et attire des profils qui ne manifestent pas habituellement.
Une centaine d'agriculteurs ont passé la nuit à Albon, dans la Drôme, "sur le parking du Grand Total à la belle étoile", s'amuse l'un d'entre eux. L'idée d'installer un campement entre Tain-l'Hermitage et Chanas, a rassemblé une large partie des manifestants de la première journée de blocage sur l'autoroute A7.
Ils viennent d'Anneyron, d'Albon, et leurs familles les soutiennent. Certains passent leur rendre visite et "partager le casse-croûte". À la lumière des phares de tracteurs, un feu réchauffe, la nuit est un peu plus douce que les précédentes, mais encore fraîche. "Les collègues du coin nous ont apporté des œufs à profusion. On prépare des omelettes dans tous les sens. On nous a apporté du jambon, des fruits, par-dessus la tête", se réjouit Corentin Curtil. Jeune agriculteur installé en 2023 à Anneyron, il se dit prêt à rester plusieurs nuits : "le temps qu'il faudra, on peut tenir plusieurs jours et plusieurs nuits avec ce qu'on a, ce n'est pas un souci. Tant qu'on doit vendre nos cultures à perte, autant les manger", ironise-t-il.
Une première pour beaucoup d'entre eux
Ce qui interpelle, c'est la présence de ceux qui se mobilisent pour la première fois. C'est le cas de Laurent Gironnet, propriétaire d'une ferme de 100 hectares. Il produit céréales, légumes et volailles. À 42 ans, c'était sa première journée de blocage. Le soir venu, il reconnaît que "la fatigue se fait sentir depuis 2h du matin. On attend du monde qui a travaillé aujourd'hui dans les fermes, certains se sont proposés pour nous relayer. C'est étonnant parce qu'il y a beaucoup de gens qu'on n'a pas l'habitude de voir se mobiliser".
Le discours des uns et des autres laisse entendre qu'un cran a donc bien été franchi, et que l'organisation du mouvement rassemble des syndiqués comme des non-syndiqués. Une protestation qui n'est pas sans rappeler celle des gilets jaunes lors des premières occupations de rond-point.
Mais personne sur ce point de blocage ne souhaite faire la comparaison. L'objectif est de ne pas donner l'impression que le mouvement pourrait dégénérer, et de concentrer l'attention sur leur profession. La seule analogie qu'ils reconnaissent, c'est le sentiment d'appartenance à un même groupe.
"Je suis boosté, je me sens pousser des ailes", raconte Laurent Gironnet. "Humainement, c'est une belle histoire. Ce qu'on vit, ça rassemble. On voit plein de gens arriver, mettre de l'argent dans une cagnotte et des riverains qui s'arrêtent pour venir parler avec nous."
Je veux pas mettre la France à feu et à sang moi, je veux juste que mon travail soit reconnu.
Laurent Gironnet, agriculteur dans la Drôme
Son voisin, Corentin Curtil tient les mêmes propos : "si on veut survivre, il faut qu'on fasse connaître nos difficultés. Toute notre vie, on nous a répété que c'était normal de ne pas se faire un salaire, mais là, on en vient à travailler à perte !"
Avec le coup de froid des derniers jours, les céréaliers ne peuvent ni labourer ni semer, les producteurs de fruits et légumes ne peuvent pas tailler. Dans un métier où le temps est compté, cette météo peu favorable au travail, libère de la disponibilité et peut amener du monde sur le campement. De nouveaux blocages sont déjà annoncés sur l'autoroute A7 notamment au niveau de Bourg-de-Péage et au rond-point du péage de Montélimar Sud. Les soirées à venir pourraient, elles aussi, être éclairées à la lumière des feux de camp et des tracteurs...