En Suisse, des associations demandent la suspension d'une vente record de bijoux "issus de l'aryanisation des biens juifs par l'Allemagne nazie"

En Suisse, une vente de bijoux, appartenant à une milliardaire autrichienne dont le mari a fait fortune au moment où les nazis étaient au pouvoir en Allemagne, est organisée à Genève à partir de ce mercredi 10 mai. Des opposants et le Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif) jugent cette vente "indécente".

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Des bijoux de la milliardaire autrichienne Heidi Horten, dont le mari a fait fortune au moment où les nazis étaient au pouvoir en Allemagne, seront proposés aux enchères, ce mercredi 10 mai, par la maison Christie's. Et ce, malgré les demandes d'organisations de lutte contre l'antisémitisme d'annuler la vente.

Plus de 700 bijoux font partie de cette collection estimée à plus de 150 millions de dollars, mais moins de 100 seront proposés à la vente mercredi et 150 autres vendredi. Le reste est vendu en ligne jusqu'au 15 mai et en novembre.

Le Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif) est venu joindre sa voix mardi aux opposants à la vente. Il la juge "indécente" parce que Helmut Horten a bâti sa fortune en Allemagne sous le parti national-socialiste, dont il a été membre pendant un temps. Le Crif réclame ainsi la suspension de la vente.

Une vente record ?

L'une des pièces maîtresses de la collection de Mme Horten (1941-2022) est une bague Cartier sertie d'un rubis "sang de pigeon" de 25,59 carats, estimée entre 15 et 20 millions de dollars.

"Nous avons aussi le 'Briolette d'Inde'", un diamant blanc de 90,36 carats "estimé entre 10 et 15 millions de dollars", rattaché à un collier formé d'une myriade de petits diamants blancs, a indiqué à l'AFP Rahul Kadakia, directeur international pour la joaillerie chez Christie's.

Parmi les autres lots phares figure un collier de trois rangées de perles naturelles, avec pour fermoir un diamant rose de 11,15 carats (estimé sept à 10 millions de dollars).

La vente pourrait éclipser les précédents records établis par Christie's lors de la dispersion des biens de l'actrice Elizabeth Taylor en 2011 et de la collection "Maharajas et magnificence moghole" en 2019, qui avaient dépassé les 100 millions de dollars.

Une fortune batie en partie sur l"aryanisation" des biens juifs

Selon le classement Forbes, la fortune de Mme Horten, décédée en juin 2022, s'élevait à 2,9 milliards de dollars. Mais l'origine de la fortune de son mari, qui possédait l'une des plus grandes chaînes de grands magasins en Allemagne, a suscité des critiques.

En 1936, trois ans après l'accession d'Adolf Hitler au pouvoir, il avait repris la société textile Alsberg dont les propriétaires juifs avaient fui, avant de reprendre plusieurs autres magasins ayant appartenu à des Juifs avant la guerre. Helmut Horten a par la suite été accusé d'avoir profité de l'"aryanisation" des biens juifs (mesures de spoliation visant à transférer la propriété d'entreprises détenues par des personnes d'origine juive).

Le produit de la vente doit aller à la Fondation Horten, créée en 2021 pour soutenir la collection éponyme, ainsi qu'à la recherche médicale, la protection de l'enfance et à d'autres activités philanthropiques.

Des organisations vent debout

"Cette vente aux enchères est doublement indécente : non seulement les fonds ayant permis d'acquérir ces bijoux sont pour partie issus de l'aryanisation des biens juifs menée par l'Allemagne nazie, mais, en plus, cette vente doit abonder une fondation dont la mission est d'assurer la postérité du nom de famille d'un ancien nazi", a dénoncé le président du Crif, Yonathan Arfi.

Ne récompensez pas ceux dont les familles ont pu s'enrichir grâce à des Juifs désespérés ciblés et menacés par les nazis.

Le rabbin Abraham Cooper, un des responsables du centre Simon Wiesenthal.

Le Centre Simon Wiesenthal, spécialisé dans la traque des anciens nazis, et le Comité juif américain ont aussi dénoncé la vente. "Ne récompensez pas ceux dont les familles ont pu s'enrichir grâce à des Juifs désespérés ciblés et menacés par les nazis", a plaidé le rabbin Abraham Cooper, un des responsables du centre Simon Wiesenthal.

Mais la maison d'enchères a accepté de l'organiser car "tous les produits de la vente iront à des oeuvres de bienfaisance, (...) et Christie's fait séparément un don important en faveur de la recherche et l'éducation sur l'Holocauste", a expliqué M. Kadakia.

Pour le Comité juif américain, cela ne suffit pas : la vente doit être suspendue "jusqu'à ce qu'un effort sérieux soit fait pour déterminer quelle part de cette richesse est issue de victimes nazies", en vue de la restituer aux survivants et à des programmes éducatifs.

Avec AFP

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