Généreuse et humaniste, la région Auvergne-Rhône-Alpes a tout au long de l'histoire été une capitale de l'humanitaire en France. Chaque jour, des hommes et des femmes continuent à donner de leur temps et de leur énergie pour aider des populations en détresse. La preuve, avec ces 3 infos à retenir de l'émission Enquêtes de région.
Notre région est une place forte de l’humanitaire en France
De tout temps, Auvergne-Rhône-Alpes a été une terre de charité et d’humanisme. Dans la région du Chambon-sur-Lignon (Haute-Loire), par exemple, on a pris soin, au fil des siècles, des protestants persécutés, des républicains espagnols en exil ou des Juifs menacés d’extermination.
La ville de Lyon, "ville des aumônes", "capitale de la charité" (en référence à l’hôpital, construit dès le 17ème siècle), a, elle, été le berceau de nombreuses associations humanitaires dans les années 80, comme Handicap International, EquiLibre ou la Fondation Mérieux.
Cette tradition se perpétue aujourd’hui avec Bioforce, l’école de l’humanitaire installée à Vénissieux (métropole de Lyon). Créée en 1983 par Charles Mérieux, un médecin lyonnais qui a consacré sa vie aux vaccins, elle a formé près de 3 000 personnes, qui travaillent désormais pour 450 organisations non gouvernementales à travers le monde.
Fini le sac de riz qu’on porte sur le dos, l’humanitaire s’est professionnalisé : "Les acteurs du secteur nous demandent des professionnels avec de vraies compétences techniques", explique Philippe Maquet, coordinateur de formation chez Bioforce. "Il faut savoir gérer de la logistique, des projets, des ressources humaines, des enjeux financiers".
Sur des cursus qui vont de 3 mois à 3 ans, l’école lyonnaise prépare à 9 métiers différents répartis en 3 familles : les métiers supports (logisticien, responsable ressources humaines et finances…), la coordination de projets, pour devenir manager de programme humanitaire notamment, et la coordination technique (dans la nutrition, la protection de l’enfance ou l’eau, l’hygiène et l’assainissement).
"Lorsqu’un élève sort de Bioforce, il doit être en capacité, immédiatement et sur n’importe quel théâtre d’opération, de comprendre qui fait quoi, quels sont les acteurs, quel est le droit humanitaire qui s’applique… ", précise Bertrand Quinet, le directeur du Centre Europe de Bioforce. "Il lui faut aussi du savoir être car il va travailler en situation d’insécurité, de stress et d’interculturalité".
Parmi les jeunes diplômés de l’école, voici Jean-Nicolas Dangelser, sorti en 2014 avec une licence en Logistique humanitaire. Il est aujourd’hui coordinateur d’urgence en Haïti pour Médecins sans frontières, à la tête de la mission qui doit évaluer les besoins de la population touchée le 24 janvier dernier par un nouveau séisme, suivi de graves inondations. "Le plus difficile, c’est de voir les mêmes personnes, impactées par le tremblement de terre d’août 2021, que nous avons aidées alors que leurs maisons avaient été détruites, perdre le peu qu’elles avaient, emporté par les eaux".
Sur l’île, particulièrement dans la capitale Port-au-Prince, Jean-Nicolas est aussi confronté aux risques d’enlèvements, les gangs multipliant les kidnappings pour obtenir des rançons. Mais cela ne lui fait pas peur : "Aider l’autre, c’est un engagement qui découle de notre humanité profonde. Il faut savoir tendre la main".
Des soignants de Grenoble sont partis au chevet d’enfants du Togo
C’est une belle illustration de l’engagement humanitaire de nombreux habitants de la région Auvergne-Rhône-Alpes. Chantal Chazalet, médecin en anesthésie pédiatrique, et Jeanne Alacoque, infirmière en anesthésie-réanimation, travaillent habituellement au CHU de Grenoble mais, en novembre 2021, elles se sont engagées bénévolement au sein de La chaîne de l'espoir, une association française qui soigne des enfants partout dans le monde.
Leur mission : rejoindre un hôpital de brousse au Togo, à la frontière avec le Ghana, et y opérer plus d’une centaine de petits malades en l’espace de 5 jours. Une véritable aventure des temps modernes. Car, sur place, il a d’abord fallu improviser un bloc chirurgical avec trois tables d’opération et une salle de réveil dans un espace de 30m² à peine. Il a fallu se contenter d’un appareillage sommaire et de matériel apporté spécialement de Lomé, la capitale. Surtout, il a fallu faire face à l’afflux de petits malades, plus de 500 familles se présentant pour profiter de l’expertise de l’équipe chirurgicale et de la gratuité des interventions.
L’équipe de La chaîne de l’espoir a réalisé des ablations de kystes, des réductions de hernies, des cures d’hydrocèles (accumulation de liquide autour des testicules)…, des maladies bénignes qui empoisonnent la vie des enfants. "Nous nous occupons d’enfants qui ne sont pas nés au bon endroit", analyse Chantal Chazalet. "Ils ne sont pas soignés, parce qu’ils sont nés en Afrique, c’est une injustice que nous venons réparer".
Même motivation pour Jeanne Alacoque : "Cela permet de se rappeler que nous sommes privilégiés en France. Venir ici, c’est se reconnecter avec la base, le soin : il y a un besoin, on y répond".
L’humanitaire se pratique aussi près de chez soi
Selon l’ONU, près de 280 millions de personnes auront besoin d’aide humanitaire sur la planète en 2022. Cela ne concerne plus seulement les pays en guerre ou frappés par la famine. "Avec la crise climatique et migratoire, les associations comme Emmaüs ou Médecins du monde mènent des missions sur le territoire national, dans l’urgence sociale et sanitaire", souligne Bertrand Quinet, le directeur du Centre Europe de Bioforce à Vénissieux.
Médecins du Monde, en effet, fondée dans les années 80 pour venir en aide aux boat people en mer de Chine, connue pour ses actions à l’international, œuvre désormais aussi dans nos rues, nos bidonvilles et nos squats pour assurer l’accès aux soins de toutes les populations.
Mouvement inverse pour le Secours Populaire, créé pour aider les pauvres en France, qui est désormais présent dans 80 pays. L’antenne du Puy-de-Dôme s’apprête ainsi à partir en mission dans le sud de Madagascar, où il n’est pas tombé une goutte de pluie depuis trois ans. Une sécheresse que les Auvergnats peuvent aider à combattre, grâce à leur savoir-faire en termes de travail du sol, de micro-irrigation et de biologie des plantes. "Nous n’allons pas régler le problème de la faim dans le monde", reconnaît Nicole Rouvet, la présidente du Secours populaire du Puy-de-Dôme. "Mais ce que je ne veux plus, c’est que les gens soient obligés de fuir car ils crèvent de faim et sont trop malheureux…".
>> Enquêtes de région : "L'humanitaire en Auvergne-Rhône-Alpes", une émission présentée par Julien Le Coq, diffusée le mercredi 9 février 2022 à 23h10 sur France 3 Auvergne-Rhône-Alpes, puis disponible en replay dans cet article et sur france.tv.