L'Etat veut instaurer une distance minimale de 5 à 10 m entre les zones d'épandages de pesticides et les habitations à partir du 1er janvier 2020. Une consultation publique vient d'être lancée pour débattre de cette distance mais, avant même le début des discussions, la démarche fait polémique.

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Le gouvernement lance lundi 9 septembre une consultation publique sur l’épandage de pesticides sur les cultures. Au cœur des débats, la fixation d’une distance minimale de 10 m entre les zones de pulvérisation des produits phytopharmaceutiques et les riverains. Pendant trois semaines, les citoyens sont appelés à s’exprimer sur le sujet avant traitement et analyses de ces résultats. Ils serviront ensuite à élaborer un décret pour encadrer l’épandage des pesticides qui devrait entrer en vigueur dès le 1er janvier 2020.

Cette consultation devait initialement débuter le 1er octobre, mais les trois ministères concernés (le Ministère de la Transition écologique et solidaire, le Ministère des Solidarités et de la Santé et le Ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation) ont bouleversé leurs agendas. Depuis mai, plusieurs maires ont pris des arrêtés municipaux pour instaurer des distances minimales d’épandage de pesticides. Des arrêtés jugés illégaux mais qui ont contraint le gouvernement à réagir plus tôt que prévu. 

Pesticides, de quoi parle-t-on ?

Derrière le terme générique de pesticides se cachent des centaines de produits chimiques utilisés dans l’agriculture pour lutter contre les nuisibles. Cela englobe les insecticides, les fongicides, les herbicides ou encore les biocides ; des substances permettant de traiter des cultures pour les protéger des maladies ou des parasites afin d’assurer leur croissance et leur rendement. Ces différents produits peuvent être utilisés de différentes façons : par pulvérisation (épandage), par fumigation ou par poudrage. La consultation lancée par le gouvernement veut encadrer la pulvérisation des substances phytopharmaceutiques. Les autres modes d’utilisations ne sont pas concernées par les discussions.
Selon les statistiques établies par la Commission Européenne, la France est l’un des plus gros acheteurs de pesticides parmi les pays de l’Union Européenne.
 

Des produits contrôlés

Dans l’Union Européenne, l’utilisation des pesticides par les agriculteurs est encadrée mais des disparités peuvent exister entre différents pays. D’abord, toute substance active intervenant dans l’élaboration d’un produit phytopharmaceutique est soumise à autorisation au niveau européen. Des évaluations sont menées par l’EFSA, l’agence européenne de sécurité alimentaire afin de vérifier que " la substance active ne présente pas d’effet nocif inacceptable sur la santé humaine ou animale et n’a pas d’influence inacceptable sur l’environnement ", mentionne le ministère de l’agriculture sur son site internet.

Ensuite, si les substances actives contenues dans un produit sont validées, il appartient aux Etats membres d’autoriser la vente de ce produit sur son territoire. En France, depuis le 1er juillet 2015, c’est l’Anses, l’agence nationale de sécurité sanitaire, qui est en charge de la délivrance des autorisations de mises sur le marché de ces produits.

Ces précieux sésames pour les fabricants sont limités dans le temps et dans leurs utilisations. Cinq catégories de cultures sont ainsi distinguées par l’Anses : les grandes cultures, l’arboriculture, la viticulture, les cultures légumières et les cultures porte-graines, tropicales, plantes à parfum, aromatiques, médicinales et condimentaires. Un fongicide peut par exemple être autorisé en viticulture mais pas en arboriculture alors qu’un produit concurrent peut être validé pour les deux utilisations. L'Anses examine chaque année près de 300 demandes d’autorisations pour des produits nouveaux ou des réexamens. Ces autorisations commerciales sont valables 10 ans.
 

Une distance minimale qui fait débat

En théorie, l’épandage de ces pesticides autorisés dans l'agriculture aurait déjà dû être réglementé. Ainsi, l’arrêté du 4 mai 2017 " relatif à la mise sur le marché et à l'utilisation des produits phytopharmaceutiques et de leurs adjuvants " établi que " durant l’utilisation des produits, des moyens appropriés doivent être mis en œuvre pour éviter leur entraînement hors de la parcelle ou de la zone traitée. En particulier, les produits ne peuvent être utilisés en pulvérisation ou poudrage que si le vent a un degré d'intensité inférieur ou égal à 3 sur l'échelle de Beaufort ". En clair, la pulvérisation est interdite dès qu’une brise est suffisamment forte pour faire bouger le feuillage des arbres.
Le Code rural et de la pêche maritime précise aussi l'interdiction de l’utilisation des produits phytopharmaceutique aux abords des établissements scolaires, des crèches et des hôpitaux et plus généralement à proximité de tout lieu accueillant des personnes vulnérables (enfants, personnes âgées, malades, etc.).

Mais ce texte a été annulé en partie en juin 2019 par le Conseil d’Etat au prétexte qu’il n’était pas assez protecteur de la population dans son ensemble. La consultation lancée par le gouvernement doit donc venir rectifier le tir est généraliser les restrictions de pulvérisation de pesticides.
L’Etat s’appuie sur un avis rendu début juin par l’Anses pour instaurer une distance minimale de 10 m entre zone d’épandage et riverains. Une façon d’apporter une caution scientifique à cette décision.

Sauf que l’Anses reconnaît à demi-mot dans son avis que compte tenu des délais impartis (l’agence a été saisie fin janvier avec une demande de conclusions fin mars) et du manque d’études récentes, ses conclusions devront être mises à jour. Elle évoque notamment l'actualisation des méthodologies d’évaluation pour déterminer les risques. Des travaux qui devraient être disponibles... en 2021. Pour l'heure, le seuil de 10 m recommandé dans l'avis de l'agence nationale se base sur des " données limitées issues d’études effectuées dans les années 1980 ".
Ces carences devraient alimenter encore un peu plus la polémique avec les maires et associations qui réclament l’interdiction des épandages à moins de 150 m des habitations.
 

Des consultations locales

Parallèlement à la consultation publique en ligne, des consultations locales dans les préfectures vont se poursuivre pour l'élaboration de chartes départementales. Ces accords entre les municipalités, les agriculteurs et les maires prévaudront sur le futur décret.
"Nous croyons à l'intelligence locale: si une charte institue une zone de non traitement à 8 mètres ou au contraire à 50 mètres d'un bâtiment, c'est elle qui prévaudra sur le cadre national" a indiqué le ministère à l’AFP. La FNSEA, principal syndicat de la profession agricole privilégie ces solutions locales. La Coordination Rurale a en revanche exprimé ses doutes sur la création de telles chartes. En conférence de presse, son président, Bernard Lannes s’est interrogé : "Qui va représenter la société civile dans les préfectures ? On ne le sait pas ".
Les conclusions des consultations sont attendues au mois de novembre.
 
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