C'est pour eux un choc, une décision évoquée mais qui reste inattendue. La libération de Manuela Gonzalez a "écoeuré" et "atterré" la famille de Daniel Cano, le mari de la "veuve noire". C'est pour son assassinat qu'elle a été condamnée en première instance à 30 années de prison.
"Nicolas Cano et sa famille sont atterrés et écoeurés par la décision qui a été rendue, ça a été un choc pour eux", a tout d'abord réagi Me Camille Gaillard-Minier, avocate des parties civiles. Nicolas Cano est le fils de Daniel Cano, mari de Manuela Gonzalez. C'est pour son meurtre que celle-ci a été condamnée en première instance à 30 ans de réclusion criminelle.
Cette décision, on le sait à présent, est due à un problème d'engorgement des tribunaux. C'est en effet Le délai trop long entre le premier procès et l'appel (17 mois) qui a entraîné la remise en liberté de la "Veuve noire". Hier le procureur général de Grenoble, Pierre Michel, a d'ailleurs réclamé des moyens, puis une réorganisation, afin de pouvoir juger les affaires "plus rapidement".
Le nombre très important des affaires criminelles en Isère explique en partie ce phénomène de débordement, il y a aussi l'imminence d'un très gros procès en novembre, celui de Kévin et Sofiane, les jeunes victimes de la rixe d'Echirolles.
"Ce problème d'engorgement, il existe à Grenoble comme il existe ailleurs. Monsieur Cano a été assassiné en 2008, nous sommes en 2015..." poursuit Me Gaillard-Minier. "L'attente est sans doute insupportable pour Manuela Gonzalez qui était et a été en détention... mais elle est aussi extrêmement pénible pour les parties civiles qui souhaitent que Madame Gonzalez soit jugée coupable de façon définitive, et qui ont besoin de commencer le travail pour faire leur deuil."
L'exceptionnelle gravité des faits et la très lourde peine infligée à Manuela Gonzalez fait craindre que cette dernière prenne la fuite, bien que placée en détention provisoire, et même si Me Ronald Gallo, son avocat, s'en défend avec force.
"On a un dossier très compliqué (...) c'est prendre un risque. Il y a aussi un risque de pression, sur la famille de Monsieur Cano mais aussi sur la famille de Madame Gonzalez, on sait qu'elle a une personnalité très particulière, une emprise très forte sur sa famille. Et même si le délai de 17 mois est important, il ne justifiait pas la remise en liberté".
Cette remise en liberté a créé de forts remous médiatiques, elle a aussi entraîné de nombreuses réactions et pointé la lenteur judiciaire déjà souvent évoquée dans les grèves des avocats l'année dernière. On peut imaginer que l'affaire accélère un peu les choses et que le nouveau procès aux Assises arrivent plus tôt.
"C'est peut-être la seule vertu de cette décision, on peut espérer que la justice s'empare de ce dossier, et qu'enfin on ait la fixation de ce dossier rapidement devant la Cour d'Assises d'appel de la Drôme, ce qui donnera l'occasion à Madame Gonzalez de s'expliquer et surtout de voir confirmer les termes de la première décision et qu'elle soit condamnée définitivement des faits qu'elle a commis.
Interview de Me Camille Gaillard-Minier:
Me Leclerc, avocat du frère et de la soeur de Daniel Cano fait état de la même colère, du même choc pour les parties civiles. Sur le délai raisonnable, on est "à la limite" d'après l'avocat. Mais il y a plus. "Le délai, il n'est pas raisonnable non plus pour les parties civiles qui ont entendu qu'un verdict leur donnait satisfaction puis qu'appel était interjetté, qu'il fallait encore attendre... et qui 18 mois plus tard sont toujours en attente d'une date d'audience..."
"Je pense que si on avait une date à ne serait-ce que trois mois, jamais la chambre d'instruction n'aurait libéré Manuela Gonzalez. Mais aujourd'hui les services judiciaires sont dans l'incapacité de nous donner une date pour juger une nouvelle fois Madame Gonzalez, et c'est très préjudiciable. "
Me François Leclerc se dit lui aussi très inquiet de voir Manuela Gonzalez prendre la fuite, expliquant que "le contrôle judiciaire est très léger, c'est pointer une fois par semaine, ce n'est pas grand chose".
Il y a aussi la personnalité de la "Veuve noire", là encore. "J'ai lu que Manuela Gonzalez va vivre chez ses parents, va travailler chez son frère... J'ai peur que leur parole soit encore moins libres qu'au moment de la première audience".
Interview de Me François Leclerc: