Selon une étude de chercheurs de l'université de Genève, présentée ce mardi 24 novembre, la présence de particules fines dans l'air serait un facteur d'aggravation aussi bien que de transmission de la Covid-19.
Cela se confirme de jour en jour : plus un poumon est fragile, plus il est sensible aux attaques du coronavirus. Et les particules fines rejetées par l'activité humaine pourraient accentuer cette sensibilité.
C'est ce que démontre une étude présentée ce mardi 24 novembre par l'université de Genève. Les scientifiques sont partis d'un constat : des augmentations du nombre de cas sont observées localement après des pics de pollution aux particules fines.
Dans un communiqué de l'université de Genève, le climatologue Mario Rohrer raconte qu'une "augmentation explosive des admissions hospitalières dues à la Covid-19 a été enregistrée" dans le canton du Tessin peu après un très fort épisode de pollution aux particules fines.
De l'ARN de coronavirus retrouvé sur des particules fines
"Le fait qu’une grande manifestation de carnaval avec quelque 150 000 visiteurs ait eu lieu au même moment a probablement eu un impact supplémentaire sur la propagation du virus", tempère le scientifique.
Selon le communiqué, la corrélation entre pollution aux particules fines et épidémie de grippe est déjà bien documentée par les épidémiologistes, et les chercheurs genevois ont cherché à savoir si cette corrélation pouvait s'étendre à l'épidémie de Covid-19. D'après le texte, pas de doute : la réponse est oui.
L'étude n'écarte pas la possibilité que le virus puisse être transporté par les particules fines. "Cela a déjà été démontré pour la grippe et une étude italienne a trouvé la présence d’ARN de coronavirus sur les particules fines. Tout cela reste bien évidemment à démontrer, mais c’est une possibilité", précise Mario Rohrer.
La "double frappe"
Des pistes commencent également à émerger sur le mécanisme d'interaction, notamment le rôle du récepteur ACE-2 qui facilite l'entrée du coronavirus SARS-CoV-2 dans les cellules.
Un rôle décrit au printemps dans le Journal of Infection comme "l'hypothèse de la double frappe" : les particules fines contribueraient à endommager ce récepteur qui laisserait entrer plus de virus chez le patient contaminé.
Au-delà du rôle de vecteur de la maladie, les particules fines pourraient également avoir une fonction aggravante selon l'étude de l'université de Genève, en particulier celles au diamètre inférieur à 2,5 micromètres. D'après le texte, elles entraînent "une inflammation des voies respiratoires, pulmonaires et cardiovasculaires et épaississent le sang".
Une surmortalité de 15%
Autant dire que le corps d'une personne exposée à de la pollution atmosphérique est très mal préparé à une attaque du coronavirus. "Ces inflammations peuvent donc entraîner une grave progression de la maladie. L’inflammation favorise également l’arrimage du virus à nos cellules", avance le chercheur.
Selon une étude parue fin octobre dans Cardiovascular Research, l'exposition préalable à long terme aux particules fines PM2,5 a augmenté la mortalité liée au Covid-19 de 15% au niveau mondial, avec des disparités selon les régions (27% en Asie de l'Est, 19% en Europe, 17% en Amérique du Nord).
Covid et particules fines sont "responsables de la même chose : inflammation du système vasculaire des poumons, pneumonie secondaire, hypertension, et aussi infarctus du myocarde et insuffisance cardiaque", explique à l'AFP le docteur Thomas Münzel, cardiologue à l'université de médecine de Mainz, qui a participé à l'étude.
La nécessité de poursuivre les recherches
Des analyses sur plus de 3 000 comtés aux Etats-Unis ont par ailleurs mis en lumière qu'une hausse de concentration moyenne de particules fines de 1 microgramme/m3 correspondait à une augmentation de 11% de la mortalité liée au coronavirus.
Dans leur étude publiée début novembre dans Science Advances, les auteurs mettent toutefois en garde contre une surinterprétation de ces statistiques, soulignant la nécessité de conduire d'autres travaux.
Quant à l'impact de l'exposition à la pollution de l'air pendant la maladie, il n'est pas connu. "Je suis certain que la réduction à court terme de la pollution de l'air a un impact, même si nous n'avons pas de données pour l'instant", commente Thomas Münzel.
Bientôt des mesures anti-Covid ciblées pendant les pics de pollution ?
Du côté de l'étude de l'université de Genève, on pointe également du doigt des poussières venues des tempêtes de sable du Sahara, qui auraient des effets similaires aux particules fines en matière d'aggravation de la Covid-19.
Ces deux éléments (poussières sahariennes et particules fines) ne s'arrêtent pas miraculeusement à la frontière franco-suisse, mais concernent aussi les vallées des Alpes françaises. Ainsi, la Haute-Savoie, particulièrement la vallée de l'Arve, est ce mercredi 25 novembre touchée par un important pic de pollution aux particules fines de combustion.
Le texte précise par ailleurs que la pollution atmosphérique n'est que l'un des facteurs aggravants de la Covid-19, dont la progression résulte de la concomitance de nombreux autres facteurs. L'étude est cependant, pour Mario Rohrer, l'occasion de faire de la prévention plus adaptative face à la Covid-19, en prenant "des mesures préventives en cas d’augmentation future des concentrations de particules fines".