Les autorités genevoises vont lancer une opération de cartographie des munitions immergées après la Seconde guerre mondiale dans le plus grand des lacs alpins. En fonction des résultats, certaines devraient être repêchées.
C'est un arsenal qui dort depuis des décennies au fond du lac le plus emblématique du canton de Genève. Des tonnes de munitions immergées après la Seconde guerre mondiale et que l'armée suisse a renoncé, il y a quelques années, à repêcher.
Les autorités genevoises ont décidé de se réemparer du sujet après la découverte de caisses éventrées dans le Léman. Elles s'apprêtent à lancer ces prochaines semaines des opérations de cartographie, pour, dans un premier temps, évaluer les risques.
"A l'automne, nous allons tester les techniques de repérage. On va aller détecter ces masses métalliques depuis des bateaux qui vont utiliser des sonars immergés", a expliqué le géologue cantonal genevois, Jacques Martelain, à l'AFP.
Nos équipes avaient suivi, en novembre 2020, une opération de repérage de ces munitions.
Des milliers de tonnes de munition enfouies volontairement
Des recherches seront ensuite menées sur l'ensemble de la zone du Petit Lac, au large de Genève, où l'eau est peu profonde (50 à 100 mètres).
Ce n'est qu'en fonction des résultats des investigations techniques (sédimentation, analyse de l'eau), et de l'étude des risques, que Genève ira repêcher ou pas les munitions.
Des milliers de tonnes de munitions et autres explosifs de l'armée ont été enfouis au fonds des lacs suisses au cours du XXe siècle, en particulier après la Seconde Guerre mondiale, afin de s'en débarrasser, après l'explosion d'entrepôts en surface et sous la roche, en montagne, à Mitholz.
"Il s'agit principalement de bombes d'aviation, de grenades, de cartouches usuelles et résidus d'explosifs", a détaillé auprès de l'AFP une porte-parole du département fédéral de la Défense, Mireille Fleury.
A Genève, ce n'est pas l'armée qui les a immergées, mais l'entreprise d'armement Hispano-Suiza, jusqu'au début des années 1960. Une recherche en responsabilité a été lancée par les autorités genevoises pour déterminer s'il y a un ayant droit d'Hispano-Suiza de l'époque qui pourrait éventuellement devoir payer une partie de l'assainissement s'il devait avoir lieu.
Entre 150 et 1000 tonnes dans le Léman
Des analyses effectuées aux débuts des années 2000 par le département fédéral de la Défense ont estimé les quantités immergées dans le lac Léman entre 150 et 1.000 tonnes, sans parvenir à les localiser précisemment, ni déterminer la typologie des armes.
"Il y a, a priori, des bombes et des obus, et probablement aussi des munitions pour fusils", tandis que certains évoquent aussi la présence de bombes au phosgène, un gaz mortel, a détaillé Jacques Martelain.
Plongeuse, l'ancienne députée genevoise Salima Moyard se bat depuis des années pour que Genève s'empare du sujet, estimant que "la seule solution viable sur le long terme est l'assainissement complet, total". "Me dire qu'il y a des individus qui pourraient se lancer un petit défi d'aller chercher des munitions pour les mettre sur leur cheminée, cela peut être vraiment grave: grave pour les personnes elles-mêmes, pour le voisinage, pour l'environnement, pour le biotope", a-t-elle dit à l'AFP.
En Suisse, plus de 8.000 tonnes de munitions et de restes de munitions au total ont été immergées par l'armée au cours du siècle dernier dans les lacs de Thoune, de Brienz et des Quatre-Cantons, au centre du pays, dans des eaux plus profondes qu'à Genève et donc moins brassées.
La découverte de caisses éventrées, élément déclencheur
Selon les autorités, qui ont réalisé plusieurs analyses ces dernières années, ces munitions sont recouvertes d'une couche épaisse et croissante de sédiments et ne présentent donc pour l'instant aucun impact négatif sur l'eau. Une surveillance régulière est toutefois mise en oeuvre.
Genève tablait aussi sur cette sédimentation jusqu'à ce que des plongeurs de l'organisation française Odysseus 3.1 découvrent en 2019 à 50 mètres de profondeur plusieurs caisses de munitions éventrées.
Pour Jacques Martelain, "à partir du moment où ces munitions ne sont pas en tout temps recouvertes par des sédiments et qu'on est dans des eaux moins profondes, on peut raisonnablement imaginer qu'on pourrait avoir des phénomènes de corrosion plus importants" que dans d'autres lacs suisses.