Un exosquelette relié à une neuroprothèse ont permis à un patient lyonnais paralysé de remarcher, une première mondiale développée depuis dix ans par une équipe de chercheurs grenoblois. Cette innovation doit permettre, à terme, d'offrir plus d'autonomie aux personnes handicapées.
Quelques pas, quelques gestes des bras et c'est déjà une prouesse pour Thibault. Paralysé des quatre membres depuis un accident, ce lyonnais a pu remarcher grâce à un exosquelette couplé à une neuroprothèse. Une première mondiale développée par une équipe de chercheurs à Grenoble, associant le CEA et l'Université Grenoble-Alpes, et présentée à la presse lundi 7 octobre.
"Je ne savais pas du tout si ça allait fonctionner, si j'allais pouvoir prendre le contrôle total de l'exosquelette. On avait des espérances, mais c'est allé au-delà de tout ce que je pensais", se réjouit le Lyonnais de 30 ans. Tétraplégique depuis 2015, il a été le premier patient à tester ce dispositif médical, un ensemble de prothèses articulées et connectées à son cerveau. Les influx nerveux sont captés, enregistrés et décodés, jusqu'à ce que la machine reproduise les mouvements imaginés par le patient.
La grande innovation est de pouvoir mesurer, de manière chronique et en haute résolution, l'activité électrique dans le cerveau correspondant à des intentions de mouvement du patient, puis de les transmettre en temps réel et sans fil vers un ordinateur pour les décoder afin de contrôler les mouvements des quatre membres de l'exosquelette, indique-t-on à l'Université Grenoble-Alpes.
Pour apprivoiser ce dispositif à pilotage mental, il s'est entraîné pendant des mois. "Il fallait rééduquer mon cerveau pour réapprendre tous ces mouvements et savoir comment avoir les meilleures stratégies pour utiliser l'exosquelette, explique Thibault. Au niveau des jambes par exemple, j'imagine que je suis en train de bouger les pieds très fort, ça a donné de meilleurs résultats au niveau des signaux pour marcher."
"Valorisant intellectuellement"
L'innovation a demandé plus de 10 ans de recherches avec des équipes pluridisciplinaires. Deux capteurs dotés de dizaines d'électrodes sont implantés sur le cerveau du patient. Les signaux électriques sont ensuite décodés électroniquement pour permettre le pilotage cérébral de l'exosquelette. Un nouveau dispositif "exceptionnel au vu de la plasticité du cerveau qui rend la stabilité de l’information très difficile et complexe", selon les chercheurs.
"Ces algorithmes sont capables de décoder un grand nombre de degrés de liberté qui permettent d'activer les deux membres supérieurs de l'exosquelette et la marche, résume Guillaume Charvet, chef du projet Clinatec/CEA/UGA. Enfin, on a développé une neuroprothèse qui peut être autonome et embarquée, c'est-à-dire qu'elle est capable de fonctionner grâce à un simple ordinateur et même sur batterie. C'est un moyen de pouvoir amener, à terme, cette neuroprothèse pour un usage à domicile."
La participation volontaire et active du patient a été primordiale à la réussite de cet essai clinique. "Pour moi, c'était valorisant intellectuellement de participer à quelque chose et ne pas juste rester chez moi à ne rien faire et à regarder Netflix", plaisante Thibault. Cette avancée médicale représente un espoir pour les personnes handicapées, mais les scientifiques doivent encore progresser dans la complexité des mouvements et l'utilisation des neuroprothèses à la maison.
"Pour l'instant on a prouvé que le concept marchait : avec des implants, on peut contrôler des machines, que ce soit un fauteuil électrique ou un exosquelette. Après, il va falloir le mettre en application pour que ça fonctionne à la maison donc il y a encore beaucoup de travail", ajoute-t-il. Trois autres patients vont participer à la recherche. Dans un premier temps, cette interface pourrait permettre d'ici quelques années aux personnes tétraplégiques de diriger leur fauteuil roulant ou de guider un bras articulé, qui améliorerait considérablement leur autonomie.