20 ans de réclusion pour l'un, acquittement pour l'autre : la cour d'assises du Rhône a rendu son verdict le 22 mars 2012.
1er jour du procès de la fusillade des Géant
Compte- rendu de la première matinée d'audience du procès de la fusillade des Géants qui s'ouvre à Lyon. Xavier Schmitt intervient en direct dans le Journal de Midi.
La cour d'assises du Rhône a acquitté jeudi soir un homme qui était accusé d'avoir participé à une fusillade à Grenoble en 2007 qui avait fait deux morts et trois blessés, dans le cadre d'une guerre des gangs, et condamné un des tireurs à 20 ans de réclusion.
L'avocat général avait requis mercredi une fourchette de 20 à 25 ans de réclusion criminelle pour chacun, en pourfendant ces personnes qui "ont décidé de régler elles-mêmes leurs comptes en se passant de la justice".
Hamdi Khadraoui, 33 ans, qui a reconnu devant les jurés avoir tiré pour venger la mort de son frère et a écopé de 20 ans de réclusion criminelle, a aussitôt dit à sa famille parmi l'assistance: "c'est juste, c'est correct". Mais il a aussi proféré des menaces aux proches des victimes, assurant notamment qu'il allait les "embrocher", sous l'oeil de nombreux policiers présents dans la salle.
L'homme acquitté, Oualid Mokrane, 36 ans, avait lui nié au cours de la dizaine de jours d'audience s'être trouvé sur les lieux des faits, place des Géants dans le quartier de la Villeneuve. M. Khadraoui l'avait aussi disculpé, sans toutefois livrer les noms de ses complices.
Heureux et calme, M. Mokrane a cependant été reconduit en détention, où il purge une peine de quatre ans de prison pour participation à une tentative d'évasion. Son avocat, Me Florent Girault, avait demandé dans la matinée son acquittement au bénéfice du doute. Il avait interrogé la cour: "Suffit-il de la rumeur, de ouï-dires et de propos rapportés" pour condamner un homme ?
Le soir du 31 octobre 2007, cagoulés et portant des blousons siglés "police", trois hommes avaient fait feu sur un groupe se trouvant sur cette place publique, puis avaient pris la fuite à bord d'un véhicule conduit par un quatrième individu. Christophe et Frédéric Morival, deux cousins appartenant au "clan de la Villeneuve", étaient morts sur le coup.
Des traces de sang, retrouvées sur le chemin de fuite des auteurs des tirs, avaient permis de confondre M. Khadraoui, du "clan de l'Alma". M. Mokrane avait été mis en cause dans des enregistrements lors de parloirs - des paroles confirmées devant les assises notamment par une femme proche de M. Khadraoui, citée comme témoin.
Un des défenseurs de M. Khadraoui, Me Bernard Ripert, avait plaidé que cette fusillade n'était que "le résultat d'un engrenage enclenché par les victimes elles-mêmes". Son client est en effet "sûr" que c'est Christophe Morival qui a tué son frère, Ali Khadraoui, dans un guet-apens à Champagnier (Isère) en avril 2007. Oualid Mokrane avait alors été gravement blessé.
"On aurait dit que les autorités, police, justice, se contentaient d'assister" à ces règlements de comptes, avait déclaré Me Ripert pour justifier le passage à l'acte de M. Khadraoui.
RETOUR SUR LES FAITS
Le 25 mars 2010, la justice avait organisé une reconstitution des faits. Le quartier avait été bouclé avec un périmètre de sécurité . Dans le ciel, un hélicoptère, sur les toits les hommes du GIPN (groupe d'intervention de la police nationale ), pendant que policiers, avocats et magistrats assistaient à cette reconstitution sous le regard des habitants du quartier.
Rappel des faits (par les documentalistes de France 3 Alpes)
La guerre des gangs pour le contrôle du trafic de stupéfiants dans l'agglomération grenobloise, remonte au meurtre, le 13 janvier 2003 à Fontaine, de Lasaad Lamiri, 27 ans, trafiquant notoire.
Le 27 janvier 2007, acquittement au bénéfice du doute des quatre hommes soupçonnés de l'assassinat de Lasaad Lamiri, dont les frères M'Sallaoui, (Medhi et Rochdi) leur avocat Bernard Ripert étant parvenu à malmener le seul témoin Amor Kaak.
Le 11 février 2007 à Fontaine, un commando blesse au fusil mitrailleur Ahmed Belabbes et Charles Aprile et tue Sabil Dibbih, 23 ans, ce dernier étant probablement une victime collatérale.
Le 24 février 2007, dans la banlieue grenobloise, à Sassenage, Azzouz Attalah, 23 ans, Houssan Nigri, 25 ans et Medhi M'Sallaoui, 23 ans, originaires de Fontaine (Isère), sont poursuivis par une voiture à gyrophare et abattus. M'Sallaoui a ensuite comparu en janvier pour une affaire de règlement de comptes avec quatre complices avant d'être acquitté faute de preuve. Dans cette affaire, un ancien gérant de snack,Amor Kaak, qui avait témoigné en janvier contre les cinq personnes, affirme être menacé de mort et demande des dommages et intérêts à l'Etat.
Le 28 avril 2007, attiré sur une route de montagne à Champagnier (Isère), Ali Kadraoui, 38 ans, est abattu. Son ami Oualid Mokrane, 31 ans, est grièvement blessé. Leur chauffeur, suspecté d'être de mèche avec les tireurs, est interpellé. Une trace de sang appartenant à Ahmed Bellabes est retrouvée sur les lieux du meurtre, ce dernier est incarcéré.
Le 28 juillet 2007, à Eybens, dans la banlieue grenobloise, deux hommes à la recherche de Christophe Morival abattent Bilel Boualita, un Grenoblois de 22ans victime sans doute d'une erreur de la part du commando.
Le 31 octobre 2007, alors qu'ils sont assis sur un muret de brique de la place des Géants dans le quartier de la Villeneuve à Grenoble, Christophe Morival, 35 ans et son neveu Frédéric Morival, 30 ans,sont abattus par un commando de trois hommes habillés de noir et cagoulés. Deux autres personnes sont grièvement blessées, Mauricio Torres, 27 ans, et Stéphane Morival, 32 ans. Une cinquième personne est plus légèrement blessée. Sammy Cherfaoui. Des élèments matériels relevés sur place permettront de confondre un suspect, Hamdi Khdraoui, le frere d'Ali tué à Champagnier. il est écroué.
Le 24 décembre 2007 à Fontaine , Miloud Hairane est tué par balles à 9h30 à son domicile devant sa concubine .
Le 8 janvier 2008, la PJ interpelle un jeune fontenois d'une vingtaine d'années suspecté d'avoir participé au meurtre de Milour Hairane le 24/12/07. Il est incarcéré.
Le 31 Janvier 2008 à Valence, deux suspects de 24 et 28 ans recherchés par la PJ dans le cadre de plusieurs dossiers ont été interpellés sur le parking d'un fast-food, ils vivaient sous de faux noms. Ils font partie des proches de plusieurs victimes des règlements de compte grenoblois.
Le 28 septembre 2008 à Varces, Marcel Egéa, un fontenois de 58 ans, tue Sghaïr Lamiri, le frère de Lasaad, dans la cour de la prison, depuis l'exterieur de la prison à l'aide d'un fusil à lunette. il est arreté et incarcéré.
Janvier 2009 à Valence ouverture du procès en appel concernant le meurtre de Lasaad Lamiri le 13 janvier 2003.Sur les 5 hommes devant comparaître il n'en reste que 3, Amine Henchour, 24 ans , Rochdi M'Sallaoui, 34 ans et Tark Boudieb 34 ans. Amor Kaak le témoin à charge principal qui se dit traqué et craint pour sa vie ne devrait pas venir au procès. Il demande à Rachida Dati de lui donner les moyens financiers pour aller témoigner à Valence.
1e jour du procès : le "témoin-clé" n'est pas présent. Les avocats de la défense envisagent de demander le renvoi de l'affaire.
2e jour du procès : Amor Kaak, toujours absent, a contacté le président de la cour d'assises par téléphone pour dire qu'il ne viendrait pas, sa demande d'avance par la justice de ses frais de déplacement et d'hébergement n'ayant pas abouti. Les avocats de la défense ont aussitôt demandé le renvoi du procès mais l'audience s'est poursuivie avec l'arrivée à la barre du policier qui a dirigé l'enquête sur la mort de Lasaad Lamiri.
3e jour du procès : Les accusés, Tark Boudieb et Amine Henchour, ont prétendu que les déclarations d'Amor Kaak n'étaient que mensonges.
4e jour du procès : Déposition du 3e accusé, Rochdi M'Sallaoui. Devant la faiblesse des charges pesant sur les trois accusés, l'avocat général s'en est remis à la cour et n'a pas pris de réquisitions.
L'absence du témoin à charge, Amor Kaak, aura singulièrement pesé sur la décision du ministère public d'abandonner les poursuites.
Le 30 janvier 2009 : la cour d'assises de la Drôme rend un verdict sans surprise avec un nouvel acquittement général, faute de preuve.
Le 30 avril 2009 : deux grenoblois ont été mis en examen jeudi par un juge d'instruction lyonnais pour "association de malfaiteurs en vue de la préparation d'une évasion commise en bande organisée" et "association de malfaiteurs en vue de transport prohibé d'armes et de munitions". Oualid Mokrane 33 ans et Mourad Bouziane 24 ans ont été placés sous mandat de dépot et écroués. Ils voulaient faire évader Hamdi Khadraoui, un grenoblois de 31 ans écroué au Pontete dans le Vaucluse depuis avril 2008 pour "assassinat et tentative d'assassinat"qui est suspecté d'avoir participé à la fusillade de la place des Géants à Grenoble le 31/10/07 et dont le frère Ali a été tué le 28/04/07 à Champagnier. Mourad Bouziane était sorti indemne de ce guet apens mais Oualid Mokrone avait été grièvement blessé à l'épaule.
Le 23 juin 2009 : 9 mois après l'assassinat de Sghaïr Lamiri dans la cour de promenade de la maison d'arrêt de Varces, un juge d'instruction lyonnais de la juridiction interrégionale spécialisée, en charge de l'enquête sur "la guerre des gangs grenoblois", a mis en examen le commanditaire présumé, Mourad Bouziane.
Le 7 octobre 2010 : Dix personnes devant le tribunal correctionnel de Lyon pour répondre d'une affaire liée aux règlements de comptes de Grenoble. Jugé pour une tentative d'évasion sur fond de guerre des gangs.Hamdi Khadraoui est suspecté d'avoir participé à la fusillade de la place des Géants à Grenoble en 2007. C'est dans le cadre de cette affaire qu'il a été écroué à la maison d'arrêt du Pontet dans le Vaucluse dont il aurait voulu s'évader en décembre 2009.