Le Brivadois Romain Bardet, la principale chance française du Tour 2017, suscite malgré lui une attente démesurée et sait pertinemment qu'il sera compliqué de faire aussi bien... ou mieux que sa superbe deuxième place de l'an passé.
"Il faut se méfier de voir le Tour par le seul spectre d'une progression au classement général", affirme l'Auvergnat, aussi froid dans le propos qu'il est flamboyant sur le vélo. Leader charismatique de l'équipe AG2R La Mondiale, Bardet a acquis à 26 ans, au fil de ses quatre premières participations, un bagage du Tour qui l'aide à aborder le rendez-vous avec le recul nécessaire.
Quinzième à ses débuts (2013) puis sixième l'année suivante, il a essuyé en 2015 un premier échec qu'il a surmonté en gagnant une étape (Saint-Jean-de-Maurienne) et en se replaçant au classement général (9e). Avant de trouver l'ouverture l'an passé pour terminer avec le rang de dauphin de Chris Froome, un autre succès d'étape (Saint-Gervais Mont-Blanc) à la clé.
"Derrière Froome, il y avait quatre coureurs de même niveau", estime-t-il dans le droit fil de ce qu'il disait déjà l'an passé. La différence entre eux ? "Ce sont les circonstances de course, la prise de risque, la dose de folie et la spontanéité qui font la différence", explique Bardet dans le livre "En roue libre" consacré au Tour.
La lucidité est l'une des qualités du coureur de Brioude. D'un total réalisme, il constate: "C'est compliqué de rééditer la même performance. Plus on monte dans le classement, plus c'est difficile." Une évidence: "Il ne faut pas voir le Tour comme une course dans laquelle on peut avoir une progression linéaire."
Même la spontanéité est réfléchie
La pression ? Il dit aimer se retrouver en position de responsabilité. Vis-à-vis de son équipe surtout pour faire progresser l'ensemble au prix d'un travail tous azimuts, physique, mental et aussi technique pour le matériel: "Je me sens à la tête d'un projet que l'on monte, tous ensemble. C'est fédérateur, il y a la notion de groupe."
Comme d'autres avant lui, le grimpeur se voit régulièrement rappeler la longue disette d'une victoire française dans le Tour. Trente-deux ans depuis la cinquième de Bernard Hinault... "Je n'étais même pas né", rétorque Bardet. Mais il est bien conscient que "le Tour vampirise tout le reste".
"Quand quelqu'un me reconnaît dans la rue, il ne me parle de rien d'autre que du Tour de France et du maillot jaune", disait-il en début de saison. "Ce désir ne m'appartient tellement pas. Il appartient aux gens. Moi, mon désir c'est d'être le meilleur possible".
Le propos est argumenté, comme toujours: "Il y a un fossé entre Chris Froome et moi. L'an dernier, j'étais à mon maximum physiquement, mentalement, et j'ai fini à 4 minutes de lui."
Pour rivaliser, il faut donc "actionner d'autres leviers, avoir des idées tactiques, jouer avec les parcours, ne pas attendre le dernier kilomètre". Autant de gages d'offensive conduite de manière intelligente à l'image de son auteur qui cherche à contrôler le maximum d'éléments mais connaît la puissance déroutante de l'imprévu.
Coureur fascinant par sa faculté à formaliser son sport, Bardet révèle sa complexité en une formule: "Je dois rester dans la spontanéité pour alléger à nouveau les enjeux". Chez Bardet, même la spontanéité est réfléchie.