Depuis le confinement lié à l'épidémie de coronavirus COVID 19, les agriculteurs, discrets, continuent le travail presque comme si de rien n’était, comme c'est le cas à Saint-Paul de Tartas, en Haute Loire. Là aussi, on ne parle que du virus... quand on se parle.
Ce matin-là, dans sa ferme de Haute-Loire, Bruno Graille trait ses 65 vaches, aidé par sa mère Marie Josée 75 ans. Comme chaque jour, ils parlent peu, sont efficaces et leur lait est collecté tous les deux jours....2000 litres. Le coronavirus COVID 19 les inquiète bien sûr...pour leur santé et pour le lien social que ce virus met entre parenthèses entre les habitants. « 0n ne se parle plus entre agriculteurs, on se croise.. enfermés dans nos tracteurs » Dans un angle du bâtiment, les casiers des petits veaux. Bruno vient d’installer le dernier né cette nuit qu’il pousse de toutes ses forces : «"Celui-là c’est le plus beau",.dit-il, pas peu fier.... Le problème aujourd’hui c’est qu' il y en a huit qui doivent partir à la vente dans les trois prochaines semaines....
"Le gouvernement ne parle pas de nous"
Bruno s’inquiète : « Comme en Italie et en Espagne, où ils sont engraissés, ils sont aussi confinés et en plus les marchés locaux qui sont annulés...on va les avoir sur les bras...en plus c’est tous des mâles...on ne peut que les vendre et pas les garder pour le renouvellement des laitières, du coup on perd un revenu, ils se vendront moins bien...si ils se vendent ! et si on les engraisse pour les vendre cet été de toute façon les prix vont chuter. ».
Bruno est associé avec son frère Christian qui lui s’occupe d’une vingtaine de vaches allaitantes pour la viande...lui aussi se demande ce que va être l’ avenir alors que l’approvisionnement des restaurants et des cuisines collectives
s’est arrêté : « On ne sait pas...le gouvernement ne parle pas de nous, si on va être aussi aidés comme les entreprises des autres secteurs, on est peu informés mais on travaille quand même, les animaux n’attendent pas et il n’y aura pas de manque sauf si les usines de transformations et d’expéditions arrêtent de travailler pour les produits laitiers » Les deux frères constatent qu’avec le confinement toutes les portes se ferment, les réparateurs de machines à traire ne se déplacent plus, et où trouver les pièces agricoles si les concessionnaires sont fermés ? Alors même si Bruno et Christian font de la vente à la ferme en lentilles, lait et viande (en quantité limitée ) ils craignent économiquement les conséquences de cette crise sanitaire...
« Il fallait prendre le taureau par les cornes plutôt que par la queue »
Dans la salle de traite Marie Josée, la maman, bien qu’à la retraite, ne raterait pour rien au monde la traite : « C’est ma vie ça m’occupe ! » Marié Josée complète sa maigre pension en tenant l’unique commerce du village qui fait restaurant bar tabac et épicerie...mais depuis vendredi dernier elle a dû fermer le restaurant, annuler un groupe du dimanche et son tabac-épicerie est au ralenti...Avec fatalité, Marie Josée lève les yeux et son fils Bruno commente : « Il fallait prendre le taureau par les cornes plutôt que par la queue ! Et mettre tout de suite en confinement les gens...c’est bien ce qu’on fait avec nos bêtes ! Pour la grippe aviaire on nous a demandé de fermer toutes les fermes...là le gouvernement a trop attendu ! Et les gens voyageaient encore et les élections étaient maintenues ! » Bruno secoue la tête perplexe et impressionné par le manque de discipline des citadins : « Ma peur c’est quand on voit l’ampleur que ça prend.. on a peur parce qu'à la campagne les gens se promènent et viennent se réfugier par ici » Et comme si le soleil de ces derniers jours se moquait des hommes, les agriculteurs doivent semer l’orge, les lentilles, chasser les taupes et réparer les clôtures, entretenir les prairies....le travail ne manque pas de 6h du matin à 21h le soir...et n’attend pas la fin du confinement...