En Haute-Loire, près d’un tiers de l’eau prélevée est perdue avant d’arriver au robinet. Face aux sécheresses à répétition et aux tensions sur l’eau, le réseau vieillissant nécessite des investissements colossaux, avec une conséquence : l’augmentation de la facture au robinet.
Détecter les fuites du réseau d’eau potable, c’est le travail d’Anthony Berger. Il est ce qu’on appelle dans le métier une « oreille ». Casque audio sur la tête, aquaphone autour du cou, il déplace un amplificateur de son sur le bitume d’Yssingeaux en Haute-Loire. Pour trouver les fuites souterraines et vérifier l'état des tuyaux, pas besoin de creuser. Avec son appareil, il entend le bruit de l’eau qui s’écoule.
Chercher les fuites
« Évidemment, une grosse fuite est plus facile à trouver, détaille le technicien. À partir d’un mètre cube par heure, c’est une fuite importante que je détecte rapidement. ». En cinq jours, un tel écoulement représente la consommation annuelle d’un foyer de quatre personnes.
Une fois la fuite localisée, Anthony Berger marque d’une croix bleue l’emplacement. Une recherche essentielle, pour économiser l’eau face aux sécheresses à répétition. « Ce n’est pas de l’eau perdue, elle part dans le sol, précise Lionnel Bonnefoy, manager du service Haute-Loire chez Veolia. Mais pour la rendre de nouveau disponible aux robinets des consommateurs, il va falloir beaucoup de travail, de l’énergie, des réactifs, des installations, c’est de l’investissement extrêmement coûteux. »
Pour limiter ces fuites, renouveler le réseau est indispensable, mais c'est aussi une grosse dépense pour les collectivités. « Les tuyaux sont à un mètre sous terre, pour être hors gel, et les matériaux sont chers, détaille Lionnel Bonnefoy. La fonte des tuyaux est à environ 200 euros le mètre linéaire, après il y a l’enrobé, les pavés, ça chiffre vite. »
« En cours de géographie, on nous apprenait que le Massif central était le château d’eau de la France, mais les ressources s’amenuisent. »
Lionnel Bonnefoy, manager du service Haute-Loire chez Veolia.
À Saint-Paul-de-Tartas, au sud du département, des travaux de réseau ont été lancés en juin pour refaire les canalisations. Ici, le débit des sources est surveillé de très près. Pour calculer l’écoulement de l’eau, la méthode est simple. Il faut un sceau et un chronomètre, pour mesurer en combien de temps le récipient se remplit. La maire de la commune, Marie-Laure Mugnier note soigneusement les résultats. « L’idée est de suivre mois par mois le comportement de la source et d'avoir des indicateurs pour comparer d’une année à l’autre.»
Tensions sur l’eau
La commune surveille au plus près le débit des sources, pour pouvoir faire face au manque d’eau en période de sécheresse. En décembre dernier, le réservoir d’eau de 100 mètres cubes qui alimente trois villages n'était toujours pas plein. "On a trois problèmes : une ressource en eau moins importante, avec des sécheresses de plus en plus rapprochées, des besoins en eau plus importants chez les abonnés et des réseaux vieillissants, avec de nombreuses fuites, explique Marie-Laure Mugnier. Sur cinq litres captés, on en vendait deux.»
Grâce aux travaux, le nombre de fuites a diminué. En ce début de printemps, l'élue, lampe à la main, vérifie la hauteur de l’eau dans le réservoir. «Ça y est, il est plein, c’est une bonne nouvelle. », se réjouit-elle.
30% de taux de fuite en Haute-Loire
Un réseau d’eau a une durée de vie de 80 ans et en Haute-Loire de nombreuses canalisations arrivent à échéance. L’objectif du département est donc de renouveler 1% du réseau chaque année. « Si on les renouvelle à cette fréquence, plus les frais d’entretien général, il faudrait compter 28 millions de dépense tous les ans. », indique Nathalie Rousset, Conseillère départementale déléguée à l'eau et membre de l'Agence de l'eau.
« En Haute-Loire, on prélève 23 millions de mètres cubes par an, mais on en perd 7. On a donc 30% d’eau perdue à cause des fuites dans les réseaux. »
Nathalie Rousset, Conseillère départementale déléguée à l'eau et membre de l'Agence de l'Eau
Sans subvention, pour éponger les dépenses, les collectivités devraient plus que doubler le prix de l'eau potable. Même si l’agence de l’eau se positionne en co-financeur, cela ne suffira pas à absorber les sommes astronomiques en jeu. Pour les abonnés, la facture au robinet risque donc de gonfler dans les années à venir.