Face aux sécheresses et au réchauffement climatique, le monde agricole tente de sécuriser ses ressources en eau, pour pouvoir donner à boire aux animaux et arroser les cultures cet été. Entre changement des pratiques et recherche de nouvelles sources, rencontre avec des éleveurs du Cantal.
À Jaleyrac, au nord du Cantal, Karine et Vincent Roussel ne voient plus arriver les beaux jours avec sérénité. Les agriculteurs doivent faire face aux conséquences du changement climatique et craignent le retour de la chaleur.
Des sources à sec
En ce début de printemps, l’herbe de la prairie est bien verte, mais Karine Roussel, garde en mémoire les multiples sécheresses de ces dernières années. « C'est angoissant. L’herbe est sèche de plus en plus tôt, sur de plus longues périodes, explique l'agricultrice. Pour nourrir les animaux, il faut de l’herbe verte, sinon il faut acheter du fourrage et c’est un coût supplémentaire. Économiquement, c’est de plus en plus tendu. »
À hauteur d'agriculteur, le changement climatique est observable depuis plusieurs années. "Ça fait 30 ans que je le vois, abonde Vincent Roussel. Les étés sont plus secs, il n'y a plus d’eau dans les parcelles. On avait de bonnes sources, mais maintenant on a plus rien, les sécheresses répétitives ont tout asséché.»
« Le changement climatique on y est ! Pour nous, les étés sont anxiogènes. »
Karine Roussel, agricultrice à Jaleyrac
Pâturage tournant
Principal défi pour ces agriculteurs : sécuriser l'eau pour leur bétail et préserver leurs prairies, déjà mises à mal par la sécheresse. Problème, l'exploitation ne dispose que d'un seul point d'eau. "Les vaches surpâturent autour de la réserve d'eau et elles délaissent les zones plus éloignées, où l'herbe va sécher et être moins nourrissante.", explique l'agriculteur.
La solution : mettre en place des pâturages tournants, en divisant la parcelle. Les vaches seront ensuite déplacées d'une parcelle à l'autre, évitant le piétinement sur un secteur. "L'herbe sera ainsi consommée un bon moment, elle sera plus nourrissante et les vaches auront un meilleur lait.", pronostique Vincent Roussel. Pour cela, il faut installer des points d'eau dans chaque parcelle et donc trouver une source d'eau suffisante et à proximité.
Trouver de l'eau
Une partie de la solution se trouve à l'entrée d’un ancien tunnel ferroviaire. À la construction de ce tunnel, une nappe phréatique a été déviée, formant un petit cours d’eau. « C’est du pain béni pour les agriculteurs de la commune, se réjouit Olivier Roche, maire de Jaleyrac. À partir d'ici, on va pouvoir créer un bout de réseau pour alimenter les parcelles agricoles et les bâtiments de plusieurs exploitations. » Sept agriculteurs vont ainsi bénéficier de cet aménagement, qui va emmener l'eau au bord de leurs propriétés.
Le maire l’assure, la source peut supporter cette nouvelle utilisation. « On a fait des mesures avec la Chambre d’agriculture. En période haute, il y a entre 9 et 10 mètres cube qui coulent par heure, et en période basse, comme en septembre, pendant la période de sécheresse, on avait encore 5 mètres cubes. Pour les agriculteurs, il faut au maximum 1,5 mètre cube par heure. »
Cet aménagement devrait avoir une autre vertu : soulager le réseau d’eau potable, mis en tension en période estivale, qui sera moins utilisé par les agriculteurs. « C’est du gagnant-gagnant. », assure l'élu.
Repenser son modèle agricole
Pour faire face au changement climatique, la venue de l'eau jusqu'aux prairies ne sera pas la solution à tout. "Le premier enjeu de l'agriculture dans le Cantal, c'est de viser l'autosuffisance, pronostique Laurent Bouscarat, conseiller eau de la Chambre d'agriculture départementale. Les intrants et le fourrage sont une charge lourde pour les exploitations, il faut donc s'adapter, pour limiter leur achat."
Repenser sa façon de produire, une urgence, alors que le mercure continue de monter. "D'ici 2050, dans le Cantal, il va y avoir une élévation de 1,2 degré.", annonce Vincent Caillez , climatologue. La situation sera cependant différente entre le nord-est et le sud-ouest du département. "Au nord, les reliefs vont faciliter la formation de nuages en été et limiter l’augmentation des températures. Il y aura des précipitations, mais elles seront orageuses. Quand vous vous éloignez des montagnes, vers le sud-est du département, on verra les effets plus habituels du réchauffement climatique, avec des changements rapides de températures en été et la baisse des précipitations.»
En hiver, les précipitations vont diminuer sur l'ensemble du territoire, mais en été les précipitations vont augmenter, mais sous forme d'orages. À quelques kilomètres d’écart, les agriculteurs ne vivront donc pas le même changement climatique.