Dans la Limagne, non loin de Clermont-Ferrand, deux projets de méga-bassines pourraient voir le jour dans les trois prochaines années. Des retenues d’eau de 15 à 18 hectares, pour assurer l'approvisionnement en eau de 36 exploitations. Un sujet qui divise.
À Saint-Georges-sur-Allier et à Bouzel, deux communes du Puy-de-Dôme, des méga-bassines pourraient voir le jour d’ici 2026. Deux réservoirs artificiels de 15 et 18 hectares. L’eau stockée devrait être pompée dans l’Allier voisin, avec un objectif : irriguer 800 hectares de culture, lors des périodes de sécheresse.
Une eau pompée dans l'Allier
L’initiative est portée par l’Association syndicale libre des Turlurons, qui regroupe 36 exploitants. « Aujourd’hui c’est uniquement un projet, nous en sommes qu’aux études préalables, détaille Florian Laloire, l'un des agriculteurs à l'initiative de ces aménagements. On pompera entre novembre et mars, quand l’Allier aura un débit de 47,5 mètres cubes par seconde. En dessous, on n’aura pas le droit de pomper. »
Des bassines très critiquées, car elles amplifieraient la pression sur les ressources en eau et n'encourageraient pas les agriculteurs à changer de modèle de production, pour moins consommer. Florian Laloire assure déjà tout faire pour économiser l’eau. « On n’arrose pas quand il y a du vent, on met des sondes pour voir s’il faut vraiment amener l’eau... On sait que l’eau est importante, on essaye de la gérer au mieux, mais on est arrivé au bout de nos solutions. »
« Nous ne sommes pas fermés au changement, on travaille continuellement à s’améliorer, mais sans eau, il n’y a rien qui pousse. Nous pompons l’eau que quand elle ne fait pas défaut, comme le jardinier qui met sous son toit une cuve pour stocker l’eau. »
Florian Laloire, agriculteur
Des panneaux solaires flottants
Autre critique faite aux méga-bassines, elles faciliteraient l'évaporation de l'eau stockée. « On va mettre des panneaux photovoltaïques flottants pour faire de l’énergie verte et pour limiter l’évaporation. », répond Florian Laloire. La surface recouverte et la production d'électricité ne sont pas encore connues.
Ces deux projets de bassines sont soutenus par la Chambre d’Agriculture du Puy-de-Dôme, qui compte déjà une dizaine de retenues hivernales individuelles existantes et une dizaine de projets à venir. Tous plus petits que les projets collectifs pour 36 exploitations à Saint-Georges-sur-Allier et à Bouzel. « On prône une souveraineté alimentaire, il faut pouvoir produire sur le territoire, argumente Bertrand Nicolas, vice-président de la Chambre d'Agriculture en charge de l’eau. On est de plus en plus confrontés à des événements climatiques brutaux. Des sécheresses, mais aussi des pluies plus soutenues, c’est à ce moment-là qu’il faut retenir l’eau. »
Produire autrement
Pas de quoi convaincre, Jean-Paul Onzon, membre de la Confédération paysanne. Le syndicat d’agriculteurs s’oppose aux méga-bassines. « L’eau qui circule, c’est celle qui va être stockée après dans le sol. Plus vous pompez moins elle s’infiltre. On nous dit sobriété, alors soyons sobres. Il faut des productions adaptées, moins gourmandes en eau et en intrants. »
« Revenons à des pratiques réfléchies, diminuons la production de maïs qui sert surtout pour l’alimentation animale, replantons des haies pour conserver les nappes... Il faut diminuer les prélèvements d'eau, pour toutes les activités, que ce soit pour l'agriculture ou les piscines.
Jean-Paul Onzon, membre de la Confédération paysanne
L'agriculteur produit des céréales en bio et affirme n'avoir que très peu recours à l'irrigation. "J'ai choisi les variétés, j'ai fait évoluer la matière vivante de mon sol et j'ai des plantes qui arrivent à s'en sortir. C'est sûr qu'en bio, je ne suis pas productiviste." Produire avec moins d'eau pour pouvoir faire face au changement climatique, voilà l'objectif que s'est fixé l'agriculteur face aux sécheresses à répétition.
Un argument également mis en avant par les opposants aux méga-bassines. En octobre dernier, près de 4000 personnes avaient manifesté à Sainte-Soline, dans les Deux-Sèvres, contre un chantier de méga bassine.
Propos recueillis par Lola Collombat