Les zones humides en Auvergne : un atout naturel contre le changement climatique

Le Conservatoire d'espaces Naturels d'Auvergne finalise un inventaire des zones humides en Haute-Loire, sur le bassin versant de la Loire. Un inventaire qui aura nécessité deux ans de travail et qui devrait permettre de protéger et restaurer ces zones, atouts majeurs face au changement climatique.


Pour l'oeil non averti, elles ne paient souvent pas de mine, les zones humides. Ces prairies dont le sol peut rester gorgé d'eau même quand il ne pleut pas, ces forêts dont les arbres restent les pieds mouillés une partie de l'année, ces marais et ces tourbières dont l'homme ne peut finalement pas, ou plus, faire grand chose. Et pourtant, ce sont bien elles, ces zones humides, que le Conservatoire d'Espaces Naturels d'Auvergne recense et cartographie depuis deux ans sur le bassin versant de la Loire, là où se trouvent les sources de la Loire et ses premiers affluents, les premiers ruisseaux qui forment petit à petit ce fleuve et l'alimentent.


Une zone humide, c'est un milieu régulièrement inondé, mais pas forcément tout le temps. Un milieu où l'on trouve en tous cas de l'eau stagnante une partie de l'année, et qui permet la présence de plantes adaptées à cette eau (plantes aquatiques ou hygrophiles) ou à l'humidité. Dans l'imaginaire, ce sont souvent des milieux mal aimés, des marais infestés de moustiques et sources de maladies. Or, ces zones ont un intérêt majeur. Plusieurs même, que Delphine Benard, en charge du projet pour le Conservatoire d'Espaces Naturels d'Auvergne, ne se lasse pas d'énumérer.


Des amortisseurs du changement climatique


Un intérêt protecteur d'abord, contre les aléas climatiques, et notamment les crues et les inondations.« Elles pompent l'eau lorsqu'il pleut beaucoup, l'absorbent dans leurs nappes et ralentissent l'effet des crues.... Sans elles, l'eau n'a pas de frein et inonde tout », explique Delphine Benard. A l'inverse, en période de sècheresse, ces zones qui stockent l'eau agissent comme des réservoirs, permettant le maintien des niveaux dans les rivières et les nappes d'eau potable.


Autre qualité, leur capacité à filtrer, épurer l'eau grâce à leur végétation. « Lorsqu'on les fait disparaître, il existe moins de filtres, donc cela nécessite plus d'opérations de traitement de l'eau au niveau des stations de pompage, ce qui a un coût pour la société, alors que les zones humides nous offrent ce service gratuitement », précise-t-elle. D'autant qu'elle permettent aussi le stockage de carbone.


Des réservoirs de biodiversité


Enfin, ces milieux humides sont des réservoirs de biodiversité très importants. Or, depuis 50 ans, ces zones ont beaucoup été drainées et assainies pour y permettre le développement de l'agriculture. Et avec leur habitat qui disparaît, ce sont de nombreuses espèces animales et végétales qui disparaissent à leur tour : amphibiens comme les grenouilles ou les tritons, plantes, oiseaux migrateurs qui y trouvent des zones d'hivernage, ou oiseaux qui y cherchent des zones de nidification, de reproduction. En Haute-Loire, certains oiseaux limicoles, comme le Vanneau huppé, n'arrivent plus à se reproduire car ses nichées sont détruites lorsque les terres sont asséchées ou que les terrains sont fauchés ou paturés trop tôt. La conséquence est immédiate : ils quittent ces sites, cherchant ailleurs ce qu'ils ne trouvent plus ici. « En Haute-Loire, les effectifs se sont réduits drastiquement ! », explique Delphine Benard. «  Pour qu'ils reviennent, il faudrait remettre en place des zones de tranquillité pour qu'ils puissent à nouveau nicher. »
 


C'est là la difficulté : certaines zones humides sont juste des prairies, des prairies qui ne sont pas humides en permanence, mais assez pour qu'y pousse une végétation particulière, exubérante, et qui peuvent donc avoir un intérêt au niveau fourrager. Un intérêt assez grand pour que certains agriculteurs aient peur qu'on les empêche des cultiver ces zones comme ils le désirent, les zones humides étant protégées. Pour Delphine Benard, le maître mot est donc « concertation ». Mais pour savoir avec qui il faut discuter, encore faut-il savoir où se trouvent les zones humides.


L'inventaire : une enquête fastidieuse


Pour faire cet inventaire, il aura fallu deux ans. Deux ans d'enquête minutieuse, de terrain bien sûr, mais qui aura commencé par l'observation d'écrans, de cartes, de photographies et la collecte de données. « Nous nous sommes intéressés aux zones humides de plus de 5000 m2. D'habitude, ces inventaires regroupent des sites de plus d'un hectare. Mais cette superficie permet de mailler le territoire de manière plus précise, et plus intéressante. Si nous avions choisi des zones encore plus petites, le travail aurait par contre été trop énorme ! » explique Delphine Benard.


Première étape : la centralisation et l'analyse de données déjà existantes. Il s'agit de mettre sur une carte les zones humides que l'on connaît, mais aussi de demander à des partenaires des données sur les endroits où l'on trouve des espèces végétales et animales spécifiques aux zones humides. « Pour les espèces animales, comme les grenouilles ou les tritons, nous avons travaillé avec le Centre Permanent d'Initiatives pour l'Environnement du Velay (CPIE), qui est l'animateur de l'observatoire des amphibiens. Pour les espèces végétales, nous nous sommes dressés au Conservatoire botanique. » Ensuite, il a fallu parcourir le terrain par ordinateur, pour tenter de trouver ces zones, grâce à des logiciels de cartographie. Un travail fastidieux, même pour un œil averti, où elles apparaissent sous des dégradés de couleurs, de vert foncé, de teintes brunâtres et bleuâtres. Viennent alors les photos aériennes infrarouge couleur où les contrastes peuvent confirmer des doutes sur des zones entre landes et zones humides. Enfin, le cadastre, les cartes IGN et l'observation des reliefs permettent de gagner en précision.
 

A partir de là, le travail sur le terrain peut commencer. Et au final, ce sont 2400 hectares de zones humides qui ont été répertoriées sur les 57 000 hectares du bassin versant, soit environ 4% du territoire. Et une belle surprise pour tout l'équipe : « La majorité des zones humides, près de 65%, est proche de l'équilibre naturel, c'est-à-dire pas dégradée, pas abîmée par la main de l'homme. Dans ces endroits, notre rôle est surtout d'aider les propriétaires lorsqu'ils en ont besoin, lorsqu'ils ont des questions. On est un peu SOS Zones Humides... ». Restent les 35% restants.


SOS Zones Humides


Pour ces 35% de zones dégradées, le tableau est assez divers. Les atteintes peuvent être liées aux actions agricoles, comme le drainage qui assèche tout ou le surpâturage, lorsque ces zones sont choisies pour abreuver le bétail et se transforment en bourbier ou en gadoue. Dans ces cas là, tout doit se faire, et ne peut se faire, qu'avec de la concertation et de la sensibilisation. « Nous sommes là pour aider, expliquer... Un point d'abreuvement peut être déplacé pour préserver une zone humide et la qualité de l'eau, un ancien réseau de drainage peut être enlever pour restaurer une zone. » Parfois, mais dans une moindre mesure, c'est l'utilisation de fertilisants, d'engrais, qui dénature le milieu. En l'enrichissant, on en modifie la flore, les équilibres et les espèces changent.
 


« Parfois, ces zones peuvent être restaurées, parfois, c'est foutu, on ne peut pas revenir en arrière » reconnaît Delphine Benard. Mais certains écoutent et sont sensibles aux arguments pour la préservation de ces zones. Deux communautés de communes, celles du Pays de Cayres-Pradelles et de Mézenc Loire Meygal ont en effet choisi de les intégrer dans leur Plans Locaux d'Urbanismes (PLU) pour les protéger. Car il y a des cas ou il est encore possible d'intervenir, ce qui rend optimiste notre chargée de projet. « On peut compter sur la résilience des milieux naturels, cette faculté qu'a la nature à retrouver ses droits et à reprendre ses fonctions dès qu'on lui en donne la possibilité. Et là, on se dit qu'on a servi à quelque chose ! »
 
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