A Annecy, Thonon-les-Bains ou Annemasse, des collectifs de femmes ont investi la rue pour "rendre visibles" les meurtres de femmes et dénoncer les violences conjugales. Elles ont inscrit le nom des 98 victimes dans l'espace public en collant des pancartes pour leur rendre "femmage".
Elles s'appelaient Catherine, Laëtitia, Sandy ou Lucette. Elles n'avaient pas le même âge, elles ne vivaient pas dans la même ville. Mais elles ont toutes un point commun : avoir été tuées en France, en 2020. Poignardées, étranglées, immolées ou rouées de coups, elles ont succombé à la violence de leur conjoint.
98 femmes dont l'histoire "n'est pas qu'un simple fait divers", nous explique Marine, 29 ans, fondatrice du collectif de collages contre les féminicides d'Annecy.
"Marquer l'espace public pour les rendre visibles"
Avec d'autres femmes, elle a donc collé sur le parvis du palais de justice de la préfecture de Haute-Savoie le nom de ces "soeurs tuées" sous les coups de leurs compagnons pour leur rendre "femmage", "pour qu'on ne les oublie pas", "pour rendre visible" les crimes perpétrés contre des femmes et "marquer la rue" de leur souvenir.
D'autant que ce chiffre "est sans doute sous-estimé". Le décompte est fait par des "bénévoles qui épluchent la presse, partout en France". "Il faudrait qu'un organisme officiel se charge de ce recensement", ajoute Marine.
Ce mémorial en plein air est d'autant plus nécessaire selon elle que les violences conjugales sont en hausse, en raison de la crise sanitaire. Une augmentation "de 60%" aurait été recensée pendant le dernier confinement, a déclaré Marlène Schiappa, ministre déléguée à la Citoyenneté, dans une interview au Parisien.
Peur de voir le 3919 disparaître
Plus globalement, le collectif annécien veut mettre en alerte les pouvoirs publics sur le besoin de pérenniser le numéro d'écoute des victimes, le 3919.
Cette plateforme téléphonique a vu le nombre d'appels pour signaler des violences conjugales exploser lors du premier confinement avec des chiffres doublant, voire triplant au fil des semaines si l'on en croit le rapport d'Elisabeth Moirond-Braud, secrétaire générale de la mission interministérielle pour la protection des femmes contre les violences et la lutte contre la traite des êtres humains.
Or, l'Etat a lancé un appel d'offres pour étendre ce service, mettant de fait, en concurrence la Fédération nationale Solidarité Femmes, qui gère le 3919.
Des militantes féministes comme Caroline de Haas craignent donc de voir ce numéro d'appel disparaître. Il faudrait alors recommencer le travail de sensibilisation et de communication auprès des femmes victimes de violences conjugales.
"Protéger les victimes de violences conjugales est une mission d’intérêt général, elle ne saurait être soumise à une logique de marché", s'est insurgée de son côté l'association Solidarités Femmes.