Loi sur les PFAS : "Cela concerne 3000 emplois en France", le groupe SEB appelle à manifester avant les débats à l'Assemblée

Le groupe SEB, main dans la main avec les syndicats, appelle ses salariés à manifester mercredi devant l'Assemblée nationale, à la veille du passage en première lecture d'une proposition de loi visant à réduire l'exposition aux PFAS. Près de 600 personnes sont attendues, venant notamment du site de Rumilly en Haute-Savoie.

La bataille va aussi se jouer devant l'hémicycle. Alors que les écologistes veulent réduire par une loi l'exposition aux PFAS, dits "polluants éternels", considérés comme un enjeu de santé publique majeur, le groupe SEB, qui en utilise dans la fabrication de certains de ses produits, a brandi la menace qu'une telle loi ferait peser sur l'emploi.

La direction du groupe d'électroménager sera main dans la main avec les syndicats et plusieurs centaines de salariés pour manifester mercredi 3 avril devant l'Assemblée nationale et faire ainsi pression sur les députés à la veille du passage en première lecture de cette loi portée par EELV.

Le groupe a indiqué prévoir à ce stade près de 600 personnes à ce rassemblement, mercredi à 14 heures devant l'Assemblée nationale. Des bus viendront de sept sites dont celui de Pont-Évêque (Isère), spécialisé dans le soin du linge, et celui de Rumilly (Haute-Savoie), la ville d'origine du groupe où sont fabriquées les célèbres poêles Tefal.

Une délégation d'élus municipaux de Rumilly se joindra par ailleurs à la manifestation "contre le risque de fermeture de Tefal et pour l’emploi sur le territoire", indiquent-ils dans un communiqué. La direction du groupe, basé à Rumilly depuis 1961, a été reçue vendredi par la municipalité. Les élus, "bien que soucieux des questions environnementales", estiment la proposition de loi "trop large", craignant la fermeture de l'usine haut-savoyarde qui compte 1 500 salariés.

"Menace chimique"

SEB indique ne pas utiliser de téflon dans ses revêtements antiadhésifs et affirme que les PFAS, utilisés notamment dans la fabrication des poêles Tefal, ne présentent pas de danger pour la santé.

Quasi-indestructibles, les substances per- et polyfluoroalkylées, ou PFAS, massivement utilisées dans l'industrie chimique, s'accumulent avec le temps dans l'air, le sol, les eaux des rivières, la nourriture et jusqu'au corps humain, d'où leur surnom de polluants "éternels".

Les produits Tefal - comme tous ceux de SEB - ne contiennent pas de PFAS considérés comme nocifs pour la santé ou l'environnement par les autorités sanitaires.

Thierry de la Tour d'Artaise, président du groupe SEB

à La Tribune

Ces molécules sont décrites par certains experts comme "la plus grande menace chimique au XXIe siècle", mais jugées en partie incontournables par l'industrie. La proposition de loi prévoit notamment d'interdire la fabrication et la vente de certains produits qui contiennent des PFAS. Elle sera débattue et soumise au vote des députés jeudi 4 avril, le lendemain de la manifestation.

Le président du groupe français d'électroménager SEB, Thierry de la Tour d'Artaise, a estimé dimanche que "confondre des composants qui n'ont rien à voir entre eux aboutit à un non-sens", dans un entretien à La Tribune, soulignant que "cela concerne 3 000 emplois en France", avec deux sites de production dont celui de Rumilly. "Les produits Tefal - comme tous ceux de SEB - ne contiennent pas de PFAS considérés comme nocifs pour la santé ou l'environnement par les autorités sanitaires", a-t-il ajouté.

Pollueur-payeur

Lors du rachat de la marque Tefal en 1968, le groupe "a décidé de fabriquer son propre revêtement", en utilisant une autre formule qui permet de coller le revêtement sur l'aluminium, et qui ne contient pas de PFOA (acide perfluorooctanoïque).

Un composant utilisé autrefois par la société DuPont et incriminé dans des pollutions, notamment aux Etats-Unis, a indiqué le groupe. La formule utilisée aujourd'hui par SEB contient du PTFE (polytétrafluoroéthène), un autre PFAS dont le groupe affirme qu'il ne présente pas de danger, et est "totalement inerte et insoluble".

La proposition de loi propose de travailler sur la dépollution de l'eau et des sols et qu'on fasse payer les industries qui ont rejeté ces polluants. C'est le principe du pollueur-payeur.

Cyrielle Châtelain, présidente du groupe EELV à l'Assemblée nationale

à France 3 Alpes

Des arguments jugés "extrêmement fragiles" par le député Nicolas Thierry, auteur du projet de loi : "Le PFOA est de toute façon interdit depuis 2020, et reconnu depuis par le Centre international de recherche sur le cancer (Circ) comme cancérogène pour les humains", a-t-il rappelé. Il ajoute que les autres PFAS utilisés en lieu et place demeurent extrêmement persistants dans l'environnement, lors de la fabrication et la fin de vie des produits.

"Sur les polluants qui ont déjà été émis, la loi propose de faire des tests pour étudier la réalité de la présence des polluants, notamment dans l'eau. Elle propose aussi de travailler sur la dépollution de l'eau et des sols et qu'on fasse payer les industries qui ont rejeté ces polluants. C'est le principe du pollueur-payeur", précisait la députée de l'Isère et patronne du groupe EELV à l'Assemblée nationale, Cyrielle Châtelain.

"Chantage à l'emploi"

Concernant les éventuelles conséquences sociales pour SEB d'un bannissement des PFAS, Nicolas Thierry a estimé que "l'industriel est pris en flagrant délit de manque d'anticipation", compte tenu des poursuites qui ont touché aux Etats-Unis des géants de la chimie, dont certains ont payé de très lourdes sommes pour échapper à des procès.

Dernier en date, le groupe 3M, fabricant notamment du Scotch et des Post-it, a accepté en juin 2023 de verser jusqu'à 12,5 milliards de dollars dans le cadre des poursuites engagées par plusieurs réseaux publics de distribution d'eau potable pour contamination par les PFAS.

"La vérité, c'est que l'industrie sait s'adapter. C'est faisable. En Allemagne, l'agence sanitaire a trouvé 12 molécules qui peuvent remplacer les polluants éternels. La meilleure manière de faire en sorte que ces industries mettent en œuvre ces solutions, c'est de leur mettre des objectifs et des contraintes", a ajouté Cyrielle Chatelain sur France 3 Alpes, parlant de "chantage à l'emploi".

L'Union européenne réfléchit à une interdiction des PFAS d'ici 2026 pour tous les États-membres, une démarche soutenue par la France. Mais selon Nicolas Thierry, les États-membres n'auront l'obligation de contrôler que vingt PFAS sur des centaines répertoriés.

Un rapport parlementaire réalisé à la demande du gouvernement, publié en février, recommande de "faire cesser urgemment les rejets industriels" contenant des polluants éternels, "sans attendre de restriction européenne"

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