La proposition de loi visant à réduire l'exposition aux PFAS, est examinée ce jeudi à l'Assemblée nationale. Un texte fustigé par les dirigeants et salariés de l'entreprise Tefal, basée en Haute-Savoie, inquiets pour leurs emplois. Ils assurent que le Téflon est sans danger pour la santé et pour l'environnement. Qu'en est-il réellement ?
Les poêles anti-adhésives sont-elles dangereuses pour la santé ou pour l'environnement ? La question est au centre des préoccupations alors que la proposition de loi visant à réduire l'exposition aux PFAS, dits "polluants éternels", est examinée ce jeudi à l'Assemblée nationale.
Le PTFE (polymère du tétrafluoroéthylène), que l'on a longtemps appelé le Téflon, est un PFAS et il est utilisé dans la fabrication de certains ustensiles de cuisine, en particulier des poêles anti-adhésives. D'où la colère des dirigeants et salariés de l'entreprise Tefal, basée à Rumilly en Haute-Savoie, qui disent redouter une fermeture du site et la suppression de 1500 emplois si la proposition de loi venait à être adoptée en l'état par les députés.
Le groupe assure que les produits Tefal "ne contiennent pas de PFAS considérés comme nocifs pour la santé ou l'environnement par les autorités sanitaires". Les scientifiques, eux, sont nettement moins affirmatifs.
On fait le point avec un spécialiste des "polluants éternels" : Pierre Labadie, directeur de recherche en chimie de l'environnement au CNRS (Centre national de la recherche scientifique).
France 3 Alpes : Peut-on affirmer que l’utilisation du PTFE, autrefois appelé Téflon, est sans danger ?
Non, dire qu'il n'y a pas de problèmes avec le PTFE est une contre-vérité. C’est un raccourci et il n’y a pas de consensus scientifique sur cette question. Et pour commencer, il faut être clair : le PTFE est un PFAS.
Ce qui est sûr, c’est que ce composé ne va pas se dégrader dans l’environnement. C’est un fluoropolymère (plastique fluoré) qui est justement conçu pour être extrêmement stable. Dans des conditions normales d'utilisation, le PTFE ne pénètre pas dans l'organisme, mais par analogie avec d’autres polymères, on peut peut penser que le PTFE puisse se fragmenter et générer des microparticules voire des nanoparticules capables de pénétrer dans les cellules des organismes vivants.
Avez-vous été surpris par la communication et les arguments développés par la direction de Téfal ?
Ce qui m’a choqué, en tant que scientifique qui travaille sur les PFAS depuis plusieurs années, c’est le manque d’arguments scientifiques et le fait de se focaliser uniquement sur la phase d’utilisation du polymère (quand il est dans nos poêles, NDLR) en occultant les aspects potentiellement gênants.
Pour que chacun puisse se faire un avis éclairé sur ce sujet-là, il faut dézoomer un peu, prendre du recul et considérer tout le cycle de vie des fluoropolymères. Et ignorer le potentiel de contamination - ou d’émission en tous cas - de toute une gamme de composés lors de l’étape de synthèse et d’utilisation dans un contexte industriel, c’est vraiment dommageable.
Est-ce que, d'après les résultats des analyses de l’eau effectuées à Rumilly, c'est ce qu'il a pu se passer : une contamination aux PFAS autour du site de Téfal à cause de l'utilisation de PTFE ?
On sait que la production et l’utilisation de fluoropolymères comme le Téflon peuvent engendrer des émissions de toute une gamme de composés dans l’environnement. Et, dans le cas de Rumilly, les données publiques disponibles sur le site de l’ARS (Agence régionale de santé, NDLR) indiquent que l’on trouve, dans la proximité de cette zone industrielle, des composés qui ont historiquement été utilisés dans la production du Téflon ou qui peuvent résulter de sa dégradation dans certaines conditions.
Donc oui, dans ce secteur, on constate une présence généralisée de ces composés qui sont directement liés à l’utilisation de polymères fluorés.
C’est une question qui est très sérieuse car nous avons une contamination généralisée de nos écosystèmes et des populations par ces composés-là et il faudrait un débat public pour lequel on met tous les éléments sur la table. Le point central est la question du caractère essentiel ou non des usages. C’est une question qui est débattue au niveau mondial : qu’est-ce qui relève d’un usage de confort et qu’est-ce qui relève d’un usage essentiel comme dans des applications médicales ou dans le domaine de la transition énergétique ? C’est une question très large qui dépasse le contexte des seuls ustensiles de cuisine.