Près de 300 acteurs économiques, des habitants, des sportifs et d'autres acteurs de la montagne ont signé une tribune, parue ce lundi 24 octobre dans Le Monde, contre différents projets d'aménagement en cours dans des domaines skiables. Aussi controversée que médiatisée, la retenue collinaire de La Clusaz est au cœur de leur réflexion.
Des personnalités de la montagne, comme les trailers Kilian Jornet et Xavier Thévenard, à des acteurs économiques en passant par des guides de montagne, des forestiers, des architectes... En tout, des centaines de cosignataires ont fait paraître une tribune, ce lundi 24 octobre dans le journal Le Monde, pour "contester" les importants aménagements en cours dans des stations de ski alpines.
Dans le viseur de leur réflexion, figure notamment la retenue collinaire de La Clusaz. Ce projet de 148 000 mètres cubes d'eau, implantée à 1500 mètres d'altitude, doit permettre d'alimenter les habitants de la commune en eau potable, d'irriguer les activités agricoles, mais aussi, et surtout, de produire de la neige de culture.
Depuis de nombreux mois, des associations et organisations environnementales s'opposent aux chantiers. Les occupants de la ZAD (Zone à défendre, ndlr) dénoncent un "projet écocide" et veulent ainsi protéger une zone humide, un bois et plusieurs espèces d'oiseaux.
Trouver les "modèles économiques de demain"
"Nous avons tous des souvenirs inoubliables sur un télésiège, une piste bien damée ou une terrasse d’altitude, et nous sommes nombreux à avoir bénéficié de l’essor économique phénoménal lié à l’or blanc, écrivent les signataires de cette tribune avant de poursuivre : Nous sommes conscients que cette activité économique remarquable est toujours un moteur pour les départements de montagne, un employeur direct et indirect majeur et une force structurante essentielle pour nos territoires."
Toujours plus de retenues collinaires pour toujours plus de neige artificielle… nous pensons que ce modèle est désormais obsolète.
Tribune parue dans Le Monde, ce lundi 24 octobre.
"Nous sommes cependant convaincus que le modèle d’aménagement d’hier ne peut plus être la réponse aux questions d’aujourd’hui et aux enjeux de demain. Toujours plus de parkings, toujours plus de remontées mécaniques, toujours plus d’infrastructures, toujours plus de retenues collinaires pour toujours plus de neige artificielle… nous pensons que ce modèle est désormais obsolète", continue la tribune.
Par la suite, les auteurs de cette lettre espèrent que d'autres alternatives que le "tout-ski", à savoir le développement d'un "tourisme durable et résilient" : "C’est probablement en protégeant cette montagne et sa nature que nous trouverons les clés des modèles économiques de demain."
"Ce qu'on fait ne marche plus"
Parmi les signataires de cette tribune, figurent d'importantes entreprises des Alpes, comme Maped, spécialisé dans les fournitures scolaires ou encore Bontaz, un spécialiste du décolletage : "Tous les secteurs sont concernés. Il y a des profonds changements en cours, le réchauffement climatique et l'effondrement de la biodiversité. Nous devons tous en prendre conscience et initier un changement. C'est ce qu'on essaye notamment de faire chez Bontaz", explique Daniel Anghelone, directeur général de l'entreprise du secteur automobile.
Il poursuit : "J'ai un rôle à jouer en tant qu'acteur économique local. L'écosystème du ski je le connais et c'est une hérésie de penser que nous pourrons encore skier comme maintenant dans une quinzaine d'années. C'est un non-sens environnemental et un non-sens économique qui va mener à un non-sens social, avec toutes les conséquences sur les emplois que cela va amener."
Pour Mathieu Navillod, skieur professionnel et cosignataire, il est important que les entreprises locales participent également à cette prise de conscience : "C'est intéressant que ces acteurs ouvrent les yeux, qu'il y ait une prise de conscience générale. Il vaut mieux ça que de les voir ne pas prendre position, ou encore œuvrer à détruire la montagne. C'est une bonne surprise."
Une décision rendue ce mardi
Pour sa part, cette prise de position a été toute naturelle : "J'ai eu la chance de grandir à Tignes, dans un cadre magnifique. Enfant, j'ai appris à être respectueux de l'environnement et de la montagne. C'est une vie de rêve, je suis à l'endroit où j'ai grandi. Mais, je ne supporte plus, à titre personnel, de participer à détruire ce patrimoine. Ce qu'on fait ne marche plus. La montagne est un bien commun qu'il faut préserver dès maintenant."
"Je ne suis pas pour que les stations de skis ferment. Mais, j'ai envie qu'elles soient plus en accord avec la montagne. Il faudrait, par exemple, repenser l'énergie qu'elles utilisent, baisser la vitesse des remontées mécaniques, vendre moins de forfaits, installer des réserves pour les animaux", espère notamment cet enfant de la montagne.
Un référé a été déposé en septembre par cinq associations pour demander la suspension en urgence de l’autorisation accordée au chantier de la retenue collinaire de La Clusaz, en Haute-Savoie. La décision devrait être rendue ce mardi 25 octobre par le tribunal administratif de Grenoble.