Du 30 mars au 2 mai, six femmes scientifiques mèneront une expédition en ski en Norvège pour étudier le rôle des particules fines sur la fonte des glaciers. Ce défi sera la première expédition au bilan carbone neutre en Arctique. La glaciologue annécienne Heidi Sevestre participera à la mission.
Elles se surnomment les Sentinelles du Climat. Au total, six femmes scientifiques de cinq nationalités différentes s’apprêtent à parcourir l’archipel du Svalbard, en Norvège.
Avec ses consœurs, la glaciologue Heidi Sevestre s’élancera dès le 30 mars en ski et pulkas sur 500 km au cœur de l’Arctique, avec pour objectif commun la mesure de la concentration de pollution dans la neige.
Quelques jours après son arrivée en Norvège, nous l’avons contactée par Skype pour comprendre les enjeux de cette mission.
France 3 Alpes : Quelle étude scientifique allez-vous mener au Svalbard ?
Heidi Sevestre : On va étudier la neige et la glace arctique qui est impactée par la pollution atmosphérique. Ce qui se passe, c’est que toutes ces petites particules fines dont on parle beaucoup peuvent se retrouver plaquées contre la neige et la glace, et assombrir ces surfaces blanches. En les assombrissant, ces surfaces vont absorber plus de chaleur de rayonnements solaires et fondre plus rapidement.
Quel est l’objectif de cette mission ?
HS: Grâce à nos échantillons, on va pouvoir comprendre ce qui est à l’origine de ces particules fines, que l’on appelle aussi du noir de carbone. Est-ce par exemple des voitures diesel ou des usines qui brûlent du charbon pour produire de l’électricité ? Mais on va aussi pouvoir reconstruire le voyage parcouru par ces particules fines. On va pouvoir savoir si elles viennent de chez nous en France ou bien d’Asie ou d’Amérique. Et cela nous permettra de savoir d’où vient la pollution qui affecte ces terres polaires.
Vous qui êtes originaire de Haute-Savoie, voyez-vous un lien entre les glaciers norvégiens et les glaciers alpins ?
HS: Je suis née et j’ai grandi dans les environs d’Annecy. Nos Alpes se réchauffent à peu près deux à trois fois plus vite que le reste de la planète et la même chose se passe dans l’Arctique. Il y a vraiment des parallèles entre les deux. Nous allons étudier le noir de carbone qui se dépose sur la neige arctique. Et finalement, la même chose se produit dans les Alpes. Donc c’est vrai que les beaux glaciers alpins que j’ai étudiés au début de mes études m’ont vraiment inspirée pour mener cette expédition en Arctique.
Vous menez la première expédition au bilan carbone neutre en Arctique. Qu’est-ce que cela veut dire ?
HS: Dans l’Arctique, une expédition scientifique traditionnelle se fait avec des avions, des hélicoptères, des brise-glaces et des scooters des neiges. Et nous on a décidé de prendre le contre-pied et de faire une expédition en ski en tirant tout notre équipement derrière nous. Alors on ne choisit pas la facilité, mais on veut vraiment montrer que la science peut se renouveler et avoir une emprunte carbone beaucoup plus basse.
Pendant tout le périple, les membres de l’équipe mettront à jour un journal de bord qui pourra être consulté sur leurs comptes Facebook, Instagram et Twitter.
A la fin de la mission, les centaines d’échantillons recueillis seront envoyés aux Etats-Unis. Mais il faudra être patient pour connaître les résultats de cette étude car les analyses prendront plusieurs années. Les conclusions des scientifiques seront ensuite publiées dans une revue spécialisée.