Au pied du glacier des Bossons à Chamonix, un lac se forme depuis 2018, en raison du réchauffement climatique. De nouveaux travaux pour accélérer la vidange du lac devraient être entrepris l'été prochain.
"Le lac qui s'est formé sur la partie gauche du glacier est retenu par un bouchon glaciaire qui domine pour l'instant de 5 à 6 mètres la surface de l'eau", précise Claude Jacot, l'adjoint à la sécurité du maire de Chamonix. "Et 5 à 6 mètres, c'est à peu près le volume de glace qui a fondu l'année dernière sur l'ensemble du glacier des Bossons".
Afin de prévenir tout risque de débordement qui menacerait le hameau des Bossons, situé en aval du glacier, une pelleteuse était déjà entrée en action en juin 2022 pour favoriser l'écoulement du lac sauvage. "Une réalisation qui a permis de réduire la hauteur d’eau du lac de 1,25 m", précise Claude Jacot, adjoint à la sécurité à la mairie de Chamonix. "Mais depuis deux ans, nous le voyons quand même gentiment grandir, aussi bien en surface qu'en profondeur".
12 000 mètres cubes aujourd'hui... 30 000 dans un an
"Actuellement, le lac fait environ 12 000 mètres cubes. Ce qui n'est pas un volume considérable. Mais chaque fois que sa superficie augmente d'un mètre carré, son volume grossit de sept mètres cube", précise l'élu. À ce rythme, les experts du Comité de pilotage qui surveille l'évolution du phénomène, tablent sur un lac qui pourrait atteindre les "30 000 mètres cubes", si on le laisse grossir jusqu'à sa vidange naturelle, prévue pour la fin 2024.
"L'objectif des travaux qui vont être engagés l'été prochain, c'est justement de trouver une solution pour faire se déverser l'eau par un chenal creusé dans la glace avant que le lac n'atteigne ce volume maximum".
Pour la centaine d'habitations en aval, le risque est désormais bien identifié. En cas de débordement du lac, une surverse pourrait faire dévaler l'eau dans un torrent des Bossons, loin d'être calibré pour supporter ce qui pourrait alors s'apparenter à une vague d'eau et de glace.
Lors d'une réunion publique, organisée par la mairie et les experts du comité de pilotage, le 16 février dernier au palais des congrès le Majestic, la solution proposée est de creuser un chenal à la surface de la langue glaciaire, afin de provoquer, en l’accompagnant, une surverse du lac vers le torrent des Bossons.
Début du chantier en mai ou juin
Le chantier pourrait être installé dès mai prochain, pour entrer dans sa phase active courant juin. "L'incertitude que l'on a pour l'instant, c'est de savoir combien de neige, on aura d'ici là", conclut l'élu de la ville de Chamonix.
Ce qu'il y a de certain, c'est qu'après la disparition du lac - certainement à l'automne, si le calendrier est respecté - l’écoulement naturel de l’eau se fera, à la fois, par le torrent de la Crosette, comme c'est le cas actuellement, mais aussi par celui des Bossons. D'où la mise en œuvre anticipée de travaux de nettoyage des deux torrents, afin de faciliter le passage de l'eau et éviter que des obstacles puissent se former et inonder les habitations.
Dans le même souci de sécuriser les riverains des torrents, on procédera au démontage des deux ponts des rives et du chemin Napoléon. Des passerelles piétonnes légères provisoires prendront leur place. Puis en 2024, deux nouveaux ponts plus larges seront reconstruits.
Coût de toutes ces opérations pour la ville de Chamonix : 800 000 euros, qui devrait être pris en charge à 50 % par l'État.
50 à 80 lacs alpins de plus à gérer dans les décennies à venir
"La question qu'il faut se poser, c'est de savoir si l'on pourra faire le même effort pour chaque lac périglaciaire destiné à apparaître dans les décennies à venir ?" La question est posée par un observateur intéressé à double titre. D'abord par son métier. Ludovic Ravanel est géomorphologue, directeur de recherche au CNRS, et c'est l’un des scientifiques français les plus en vue sur les conséquences du changement climatique en milieu alpin. "Dans les 20 ou 30 ans qui viennent, on estime entre 50 et 80 le nombre de lacs de ce type qui apparaitront dans le massif alpin. Comment va-t-on pouvoir gérer ces phénomènes ?"
Alors, même si le riverain du glacier des Bossons qu'il est se dit, comme beaucoup, "rassuré" par le plan d'action décidé par le comité de pilotage du lac des Bossons, il ne peut s'empêcher d'évoquer son inquiétude. "En amont de ces lacs périglaciaires, ce qu'il faut craindre, c'est le risque en cascade, représenté par les centaines de milliers de mètres cubes de glaces et de roche de ces glaciers suspendus, complètement déstabilisés par le réchauffement climatique".