REPORTAGE. UTMB 2023 : "Ils poussent leur corps à la limite", deuxième nuit d'effort et de souffrance pour les coureurs amateurs

Bien loin des coureurs élites, la plupart des traileurs amateurs de cet UTMB 2023 ont passé une deuxième nuit, ce samedi, sur les 170 kilomètres de sentiers autour du Mont-Blanc. Au ravitaillement de Champeix-Lac, en Suisse, ils ont trouvé un refuge physique et psychologique avant de regagner l'obscurité de la montagne.

L'apparition des lampes frontales à travers les sous-bois et les montagnes suisses annonce l'arrivée des coureurs au ravitaillement de Champex. Le camp, situé au km 127 de l'UTMB, est un assemblage de tentes. Mais pour les traileurs, il est une oasis de repos.

Samedi, 21h30, la nuit est tombée. Les coureurs amateurs sont dehors depuis un peu plus de 27 heures et tous s'apprêtent à affronter, une nouvelle fois, l'obscurité avant de regagner Chamonix, 45 kilomètres plus loin. La plupart d'entre eux profitent du ravitaillement de Champex pour se reposer, se soigner ou retrouver un peu de soutien auprès de leurs proches.

Guillaume est assis sur un banc au fond de la tente principale. Il fait un rapide débriefing avec son père, avant de repartir : "Il fait froid. Ce n'est pas comme chez moi en Martinique. On m'avait dit que ce serait roulant. Mais, pas du tout en fait. Ce n'est pas vraiment une piste d'athlétisme."

Je ne suis pas venu ici pour avoir mal. Je ne joue pas ma vie.

Guillaume, un coureur de l'UTMB.

Malgré les difficultés et l'heure avancée, Guillaume est encore lucide et prêt à attaquer le dernier tiers du parcours : "Sur ce genre d'épreuve, il faut garder de la fraîcheur. Je ne suis pas venu ici pour avoir mal. Je ne joue pas ma vie. De toute façon, je crois qu'il est un peu trop tard pour gagner", dit-il alors que le vainqueur a déjà franchi la ligne d'arrivée depuis près de huit heures.

Des siestes improvisées

Son état tranche avec l'ambiance générale du barnum. Des traileurs, parfois dans un état de fatigue extrême, errent à la recherche d'un soutien ou d'un petit espace pour se reposer. Certains dorment sur les bancs, d'autres à même le sol, pas du tout dérangés par le brouhaha ambiant. Frédéric s'est allongé sur une banquette, une serviette sur la tête. Il dort d'un sommeil profond malgré l'odeur de chaussettes, de transpiration et de frites, qui proviennent du stand des visiteurs.

Sa compagne, Mathilde, lui lave les pieds et lui masse les mollets : "Je fais ça pour la circulation du sang et pour que ses muscles ne se refroidissent pas trop. Pour eux, c'est plus facile de continuer après. Et pour nous, c'est aussi important de se sentir utile dans cette aventure", explique la Lyonnaise, souriante : "Je suis hyper fière. Je sais qu'il peut y arriver. Et j'aurais eu l'impression d'avoir ajouté ma petite graine à tout ça", ajoute-t-elle, les doigts entre les orteils de Frédéric.

"Je ne pourrais pas descendre sans crier"

Les coureurs continuent d'arriver au compte-goutte. Ils ont encore près de cinq heures pour franchir la barrière horaire de Champex-Lac. Au-delà, les traileurs sont forcés d'abandonner. Comme Benjamin, qui quitte la course, contraint par une blessure au genou : "Ça fait bientôt 16 heures que ça dure. J'ai continué mais ça devient de pire en pire. J'ai pris des Doliprane toute la journée, mais ça ne fonctionne pas. Je pourrais continuer à monter, mais je ne pourrais pas descendre sans crier dans la montagne", dit-il avec un sourire amer.

Tout à l'heure, à l'arrivée de la barrière horaire, ce sera très dur. Il y a des gens qui espéraient tant y arriver.

Jackie, bénévole de l'UTMB.

C'est Jackie, une bénévole suisse, qui lui a retiré son dossard. La septuagénaire essaye, par quelques mots, de se montrer réconfortante : "Vous pouvez rester ici autant de temps que vous voulez. Vous pouvez vous reposer. Vous pouvez aller vous faire soigner dans les tentes derrière ou vous pouvez aller reprendre le bus un peu plus bas. Des navettes partent toutes les demi-heures. Prenez votre temps."

"Parfois, c'est dur. D'autres fois non : les gens se montrent plus raisonnables, ils savent qu'ils ne vont pas aller jusqu'au bout, observe Jackie, pleine de sagesse. Mais tout à l'heure, à l'arrivée de la barrière horaire, ce sera très dur. Il y a des gens qui espéraient tant y arriver. Il faut donc être vigilant, leur expliquer qu'ils ne pourront pas aller plus loin. Et il faut le faire dans la gentillesse pour qu'ils ne gardent qu'un bon souvenir."

Un état "physique et psychologique"

Certains coureurs luttent contre les alertes envoyées par leur corps. Les pieds éreintés par la montagne, ils comptent sur la petite tente des kinés et podologues pour prolonger leur aventure... et leurs muscles raidis par l'effort : "On doit les remettre en état physique et psychologique pour qu'ils puissent repartir. Parce qu'il y a aussi un facteur psychologique fort dans les efforts surhumains qu'ils fournissent. Ils poussent leur corps à la limite. Ces gens-là ne font jamais 170 kilomètres pour s'entraîner. Ils vont attaquer leur deuxième nuit. Ce sont eux qui, en quelque sorte, vont fournir le plus d'efforts", explique Patrice, pédicure podologue bénévole, lampe frontale sur le front pour mieux observer les pieds de ses patients d'un soir.

"La plupart du temps, ils ont des douleurs musculaires aux cuisses et aux mollets. En podologie, les cas les plus fréquents sont les phlyctènes. Ce sont des ampoules. Ils ont aussi des hématomes sous l'ongle. Ça fait très mal. À chaque fois qu'ils descendent, le pied vient taper dans la chaussure et fait en sorte que le sang se coagule sous l'ongle. La douleur devient insupportable", explique-t-il, lui aussi les yeux marqués par l'effort.

Malgré la douleur et la fatigue, la plupart des coureurs repartent dans la nuit et le froid. Ils quittent l'oasis de Champex, avec l'objectif de rejoindre Chamonix pour, finalement, reposer leur corps. Après plus de 40 heures d'effort pour la plupart d'entre eux.

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