Depuis le dimanche 5 février, le parking des Crêts de Sciez-sur-Léman en Haute-Savoie, est occupé par une quarantaine de caravanes de gens du voyage. Le maire dénonce un stationnement illégal risquant de retarder la rentrée scolaire. Problème : sur la commune, aucune aire d’accueil n’est actuellement disponible.
"Ils s’étaient engagés à quitter le terrain mardi dernier. Mais ils sont toujours là". Au téléphone, le maire de Sciez-sur-Léman, Cyril Démolis est remonté. Depuis le dimanche 5 février, une quarantaine de caravanes de gens du voyage sont stationnées illégalement sur le parking des Crêts, point névralgique de la commune de Haute-Savoie. "Ce parking sert d’accès à l’école, à la salle des fêtes et au gymnase", explique le maire.
Une rentrée scolaire compromise
En raison de cette installation, le maire a pris la décision de fermer le Centre d’animation de Sciez (CAS) et le gymnase. La commune a également annoncé que la rentrée scolaire prévue lundi 20 février était fortement compromise.
L’accès à l’école est bloqué, les caravanes sont à 1 mètre de la porte d’entrée. On a des déjections aux abords de l’école. C’est hors de question d’ouvrir l’accès à 300 enfants dans ces conditions.
Cyril Démolis, maire de Sciez-sur-Léman
D’autant que pour s’approvisionner en eau, les occupants sont, d’après Cyril Démolis, "branchés sur des bornes incendie du secteur" : "Thonon agglomération a porté plainte. Ça pose aussi un problème de sécurité. Si on a un incendie dans le secteur, la bouche d’égout est bloquée". Les gens du voyage seraient également branchés en électricité sur le chantier de l’école de musique, juste à côté du parking, "le coordinateur a dû fermer le chantier", indique le maire.
"On est obligé de stopper une rentrée, de fermer des équipements. La remise en état va coûter plusieurs milliers d’euros de dégâts", regrette Cyril Démolis. "On ne sait absolument pas quand ils partiront. On espère qu’ils s’en iront d’eux-mêmes avant la rentrée".
Une plainte en justice
Depuis l’arrivée des caravanes, Cyril Démolis fait des pieds et des mains pour que les occupants quittent le parking. La commune a engagé une procédure d’expulsion devant le tribunal administratif de Grenoble via une procédure de référé mesures utiles. "J’ai porté plainte le lundi 6 février. Dès le mercredi soir, tout a été transmis au tribunal administratif", indique l’édile. La date de l’audience est fixée au 22 février prochain. "On est très mécontents, car le juge a la possibilité après 48 h du dépôt de dossier de convoquer une audience et il l’a fait 15 jours après. Nous ne sommes pas entendus ni soutenus".
Cette situation n’est pas nouvelle pour la commune du Chablais. Régulièrement, des caravanes s’installent sur des terrains communaux ou privés. "Ils sont déjà venus, il y a 5 ou 6 ans en arrière, et on avait déjà des déjections", fustige l’édile. C’est même un problème récurrent pour l’ensemble des communes du Chablais. "C’est pénible pour tout le monde. On se renvoie constamment la balle dès qu’il y a une expulsion", poursuit Cyril Démolis.
"Le maire doit se conformer à la loi"
Pour Milo Delage, président de l’association France liberté voyage, œuvrant à la défense des droits des gens du voyage, la situation pourrait se régler facilement : "Le maire de Sciez doit se conformer à la loi".
"Il y a une loi, la loi Besson de 2000. Depuis des années, je me bats pour que les communes respectent leurs obligations", continue Milo Delage. La loi n°2000-614 du 5 juillet 2000, relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage - dite loi Besson - oblige les communes de plus de 5 000 habitants à prévoir des "conditions de passage et de séjour des gens du voyage sur son territoire, par la réservation de terrains aménagés à cet effet".
À l'heure actuelle, la commune de Sciez ne propose pas d’aire d’accueil pour les gens du voyage. Le terrain privé qu’elle accueillait ayant fermé. "On sait qu’on a cette problématique. La collectivité a déjà mis beaucoup d’argent pour faire des aires, qui coûtent des milliers d’euros, et elles sont saccagées. Donc ça coûte davantage d’argent", explique le maire de Sciez.
Moi qui suis itinérant, je ne peux pas venir en Haute-Savoie, car des familles squattent les terrains.
Milo Delage, président de France liberté voyage
"Seulement 40 % des communes françaises respectent cette loi. Dans le Chablais, les communes respectent encore moins leurs obligations. Normalement, chaque commune de plus de 5 000 habitants devrait en avoir une, mais elles se regroupent en agglomération ou en communauté de communes et n’en financent qu’une pour X communes", déplore le président de France liberté voyage.
D'autant que ces aires d'accueil sont régulièrement saturées : "Des aires d’accueil en Haute-Savoie, il en existe, mais elles sont occupées par des sédentaires qui restent à l’année, donc il n’y a pas de passage. C’est le cas à Douvaine par exemple", poursuit le président de France liberté voyage. "La Haute-Savoie a besoin de quatre aires de grands passages. Mais il y en a actuellement qu’une seule, celle de Publier", poursuit Milo Delage.
Sans justifier les dégradations, Milo Delage regrette l’inaction du maire : "Je comprends sa colère, quand on s’installe quelque part, il ne faut pas dégrader. Mais s’il avait respecté ses obligations d’accueil, il n’en serait pas là".