Ils ont subi le gel l’an passé, la sécheresse cet été. A l'heure de la récolte, les arboriculteurs de Haute-Savoie subissent les conséquences des aléas climatiques. Le Département a débloqué une aide financière
A Vallières, en Haute-Savoie, la récolte bat son plein, mais le cœur n'est pas vraiment à la joie. Marc Le Prince le savait, lui qui a arpenté son verger de poiriers tous les jours, désespéré à le voir dépérir, sous le coup de la sécheresse de l'été, la pire qu'ait connue la France depuis 1959.
Un verger stressé par le manque d'eau dans cette année bouleversée par les calamités climatiques. Des fruits de la taille d'une prune, des feuilles noircies recroquevillées sur les branches, les arbres ont extrêmement souffert.
Les arbres se sont mis en mode "survie"
Marc Le Prince Directeur de l’exploitationFrance 3 Alpes
"C'est ce qu'on appelle le folletage. Pour se défendre et résister comme il peut, le poirier "se met en mode survie" explique Marc, il abandonne ses feuilles et ses fruits, qui ne sont plus hydratés, qui poussent à peine, ou qui périssent, c'est un déséquilibre entre l’eau absorbée par les racines et celle évaporée par les feuilles".
Les poires mortes, déshydratées font certes le délice des papillons, mais le malheur de la récolte. Quand elles ont poussé, elles ont en général beaucoup moins grossi. Particulièrement touchée, la variété Conférence, plus sensible encore aux variations de température.
Tous ses fruits n’ont pas été gâtés pour autant. Quinze à dix-huit tonnes de poires défilent ici chaque jour. Mais certaines sont plus petites. Et celles de secondes catégories, les moins belles, ont plus de grain.
Merces Dos Santos, responsable de l’emballage au verger, tourne et retourne les poires dans ses mains : "Il y a parfois des défauts de couleur à l'extérieur, qui se retrouvent dans la chair de la poire, et l'on pense que ça vient de la sécheresse, ces fruits partiront en jus, ou en compote" .
Une quinzaine d'exploitations fortement touchées
En revanche, la production de Jean-David Baisany est plus touchée. Dans la région, la géographie joue sur la météo. Elle n’est pas la même en plaine ou en montagne. D’où des différences entre vergers.
"Les pertes vont s'élever à 20, voire 40-45 % par rapport à une année normale, en revanche, les fruits sont plus sucrés cette année, les variétés tardives sont moins affectées par la sécheresse grâce à un automne pluvieux, une bonne quinzaine d’exploitations sont fortement touchées, d’autres un petit peu moins" constate l'arboriculteur par ailleurs vice-président de la chambre d’agriculture.
Une enveloppe de 250.000 euros débloquée par le Département
Le Département de Haute-Savoie a annoncé ce 1er novembre qu'il allait débloquer une enveloppe de 250.000 euros, et prendrait à sa charge la moitié des indemnités demandées au titre de la calamité agricole. L'Etat continuera à financer l'autre moitié.
Une aide en urgence pour des exploitants, contraints par ailleurs à réfléchir à des solutions pour s’adapter au climat de demain. Le Département devrait alors "doubler son budget agriculture dès l’année prochaine".
Cette aide est un effet pompier, il va falloir réfléchir à l'avenir
Mathieu Tissot, Arboriculteur
"C'est une avance bienvenue qui va nous permettre de tenir, au moins de passer le cap en attendant le versement des indemnités de "calamité sécheresse"" a réagi Mathieu Tissot, invité du 19/20 de France 3 Alpes ce mercredi 2 octobre.
Si en effet la qualité du fruit est plus gustative, son calibre est bien inférieur. Résultat : il faut au moins sept fruits pour faire un kilo de production, contre cinq en temps normal, le rendement est bien inférieur, et les conséquences financières sont lourdes, plus de 30% de pertes, "en sachant que nos vergers ne sont pas à destination industrielle", estime le producteur de pommes et de poires à côté de Cruseilles.
Alors quelles solutions pour demain? "Il nous faut trouver un moyen d'irriguer nos vergers" répond Mathieu Tissot, qui évoque la création de retenues collinaires, en précisant "ce n'est peut-être pas à la mode, mais en fait ça veut dire que l'on stocke l'eau l'hiver, pour la restituer l'été, on n'a pas beaucoup le choix, on a besoin d'eau pour nos vergers, ce qui ne veut pas dire qu'on va arroser à tout-va, on a des systèmes d'irrigation aujourd'hui qui nous permettent de faire du goutte-à-goutte, et qui consomment bien moins qu'avant" assure-t-il.