Les refuges de montage font partie des rares catégories de services de restauration où le pass sanitaire n'est pas exigé. En Haute-Savoie, au refuge du Parmelan, l'exception est connue de peu de visiteurs mais fait le bonheur de son gardien.
Une table avec vue sur le Mont-Blanc, les traditionnelles tartes aux myrtilles, mais pas de pass sanitaire requis. Au refuge du Parmelan, on en oublierait presque les conditions d'entrée à QR code appliquées aux restaurants de la vallée, 1 400 mètres plus bas.
Après une randonnée de quelques heures, Marie-Odile Guitton n'avait qu'à s'assoir pour commander une petite bière bio avant de profiter d'une tartiflette sur la terrasse. Aucun sésame numérique ne lui a été demandé.
"Et après, dessert et café", lance tout sourire cette retraitée de 63 ans, installée avec sa famille sur une table en bois du refuge du Parmelan, construit en 1883 au sommet des falaises qui dominent Annecy, en Haute-Savoie.
Les refuges de montagne, bâtis par l'homme pour le protéger des éléments en altitude, constituent l'une des très rares catégories de services de restauration sans pass sanitaire nécessaire à l'entrée, avec les relais routiers et les cuisines collectives notamment.
Familles de locaux, touristes venus d'ailleurs, randonneurs débutants et coureurs des montagnes, l'exception est peu connue des visiteurs. Le pass, "on l'a, mais on ne nous l'a pas demandé", explique Bruno Boucher, 50 ans, attablé avec ses deux enfants autour d'une assiette de charcuterie-fromage en attendant tartiflette et tarte aux myrtilles.
"Comme on a un pass sanitaire avec nous toujours dans notre portable, on ne s'est pas posé la question", poursuit Marie-Odile, casquette vissée sur le crâne. En salle et au bar, nombre de visiteurs prennent quelque liberté avec l'obligation de port du masque en intérieur.
Gaëlle Abondance, 18 ans, sert omelettes, assiettes de charcuterie ou plats du jour en terrasse et en salle. Pas de pass sanitaire, donc ? "Eh non ! Ici, on est libre", répond-elle.
"Pas moyen de contrôler"
Dans les vallées, les villes et les villages, des restaurateurs s'inquiètent d'une éventuelle baisse de fréquentation de leurs établissements du fait des nouvelles contraintes sanitaires.
Mais à 1 825 mètres d'altitude, Philippe Graham est un homme heureux. Après un mois de juillet aussi terne pour son refuge que l'était la météo, la saison est relancée cette semaine avec le beau temps.
Ce refuge, comme environ 120 en France, appartient au Club Alpin Français (désormais FFCAM). L'organisation collecte le prix des nuitées et en délègue la gestion au gardien, qui propose des collations en journée et la demi-pension à ceux qui dorment sur place dans l'un des 45 lits.
Le décret du 7 août 2021 ne freinera pas non plus l'hébergement au refuge, car le pass sanitaire n'est nécessaire que pour les hôtels-restaurants, les chambres d'hôte et gîtes de groupe.
"On n'a pas moyen de mettre les gens dehors, ici", explique le gardien. "Cette nuit, il y avait un orage, il y a quelqu'un qui est rentré à 2 heures du matin pour se réfugier dans le refuge, il bivouaquait là, la foudre est tombée très proche de lui."
"Je n'avais pas de moyen de contrôler son pass sanitaire, de toutes façons", ajoute Philippe Graham. Ici, l'énergie est limitée : "quand il y a du brouillard, on n'a plus de liaisons téléphoniques" et les provisions arrivent une fois par semaine par un monte-charge à câble.
Les seules obligations, poursuit Philippe Graham, concernent la réservation et le placement d'un seul groupe par dortoir, pour ne pas mêler de possibles aérosols du Covid-19 dans la nuit.
Devant le refuge s'étalent quelques tables de bois coincées entre les rochers, prisées des randonneurs pour pique-niquer et profiter d'un panorama alpin grandiose.
Entre les lacs Léman et celui d'Annecy, au milieu des chocards à bec jaune qui jouent dans le vent, une foultitude de sommets fait perdre la tête à la table d'orientation. Et à l'Est, le mont Blanc se fond dans les nuages.