"La montagne n'est pas dangereuse, elle est ce qu'on en fait". Après deux morts dans les Pyrénées sur les pentes du Cagire (Haute-Garonne) il est bon de rappeler certaines règles et d'expliquer le contexte. Des crampons, un piolet et éventuellement un casque, voilà l'équipement minium qu'il faudrait aussi compléter par des formations.
Au lendemain de ces deux drames qui ont endeuillé les Pyrénées, les randonneurs sont toujours tentés par une promenade en montagne. En famille, souvent avec des animaux, ils profitent des derniers jours de vacances et des rayons de soleil. Certains sont équipés, d'autres sont en short et des baskets aux pieds.
Un équipement minimum
Mercredi 1er janvier, deux femmes ont perdu la vie sur le versant du col du Pas de l'Âne (Cominges-31) en tentant de se rendre vers les sommets du Cagire (1 912 mètres).
Glissade, chute sur des centaines de mètres, le même jour un homme est tombé lors d'une randonnée vers l'Hautacam (Hautes-Pyrénées). Il est ressorti indemne. Chance d'un côté, malchance de l'autre, il y a une raison objective pour expliquer ces chutes : le manque d'équipement.
Sébastien Abbadie, chef section montagne CRS Pyrénées rappelle les fondamentaux. "On conseille aux pratiquants de prendre des crampons d’alpinisme, un piolet et éventuellement un casque suivant l’itinéraire. Les pyrénéistes ont ce matériel, pas forcément les vacanciers."
Pourtant, ce jeudi 2 janvier, alors que les deux drames de la veille ont fait la une des médias, certains s'aventurent en short, baskets au pied, dans la plus grande insouciance. Ce que réprouve un randonneur du jour venu du Lot-et-Garonne. "On est conscient qu’il faut être a minima équipés. Chaussures de randonnées, vêtements chauds avec de la réserve pour se changer. On ne s’embarque pas à l’aventure comme on le ferait pour aller faire des courses."
Les sentiers débutent souvent sans trop de neige, puis les choses se compliquent. Peu de gens décident alors de faire demi-tour. Proche ou pas de l'arrivée, difficile de renoncer. Seulement, plus on monte, plus la neige est dure et glacée. Ce qui provoque des glissades fatales. "Quand on n’est pas équipé, il faut faire demi-tour, précise tout de suite le major Sébastien Abbadie. "Sans crampon on ne tient pas. S'il y a des plaques de glace, cela peut être fatal. Dès qu’on va chuter sur une pente raide, on prend très vite de la vitesse et on ne peut pas s’arrêter. C'est exactement ce qu'il s'est passé mercredi pour les deux chutes mortelles."
Pour un chemin forestier, pas de danger mais à flanc de montagne proche des sommets, il faut du matériel d'alpinisme.
Hier, à Gavarnie , neige tassée et gelée.
— Météo Pyrénées (@Meteo_Pyrenees) January 2, 2025
Un nombre effarant de personnes grimpant jusqu’à l’hôtel en air max , Stan Smith , d’autres juste avec un sweat et même un en chaussons et en short !!!’
Les gens se mettent en danger eux-mêmes …
Des crampons mais pas de raquettes
Un peu plus loin, un homme est justement en train de s'équiper. Le coffre de sa voiture est bien rempli de vêtements et de chaussures. Et pour cause, le président du bureau des guides de Luchon (31) Patrick Lagleize a fait sa carrière dans les secours en montagne. "La montagne n’est pas dangereuse, elle est ce qu’on en fait. L’être humain a besoin de prendre ses propres décisions. Interdire ne sert à rien. Il faut comprendre la complexité des choses."
Patrick Lagleize est justement en train de s'équiper. Avec des chaussures rigides de randonnée qui tiennent bien le pied, il greffe des crampons. "Ce sont des crampons semi-automatiques. Ils vont se mettre comme des chaussures de ski et après, on les verrouille en sécurité. Ce n’est ni lourd, ni excessif au niveau prix. On pose le pied et ça accroche. C’est du crampon de randonnée, typiquement adapté pour la glace et la neige dure."
Des crampons avec des piques en fer, solides et qui existent également en version alpinisme pour les professionnels. Ils ont encore plus de pointes et elles sont plus longues pour mieux accrocher.
Et ce n'est pas du luxe avec la neige "béton" que l'on rencontre actuellement. Dans ces cas-là, il ne faut surtout pas s'aventurer en raquettes car elles ne s'enfoncent plus dans la neige et au contraire, elles accentuent les glissades. Selon ce randonneur aguerri, depuis Noël, les Pyrénées ont déjà compté sept décès tragiques par glissade.
S'informer et se former
Depuis plusieurs jours, les publications se multiplient sur les réseaux pour sensibiliser, réprimander ou faire de la pédagogie. Les secouristes de haute montagne le répètent depuis toujours : on ne part pas en montagne comme à la pêche ou pour faire un simple trail : il faut s'équiper.
Mais est-ce entendu ? "On a accès à beaucoup d’informations mais qui ne sont pas accompagnées de conseils et de précisions, déclare Patrick Lagleize. On peut se renseigner auprès des bureaux des guides, des offices du tourisme, mais aussi sur internet. On y trouve des informations brutes. Les gens n’ont pas forcément la connaissance technique pour analyser ces renseignements et pour prendre la bonne décision."
Encore cette semaine, les CRS de Gavarnie ont dû secourir deux randonneurs qui cheminaient vers le Pic du Midi avec de simples chaussures et sans équipement adapté. Ils étaient bloqués à plus de 2600 m d'altitude et il a fallu une intervention en hélicoptère. L'inconscience fait aussi prendre des risques aux autres.
Partout dans les Pyrénées, le spectacle peut être sublime, encore plus l'hiver. Mais justement, les conditions sont différentes. "L’Escalette est un spot de randonnée familiale, reconnaît l'ancien secouriste de haute montagne. C’est sublime l’été, mais l’hiver c’est différent. C’est un environnement magique, apaisant, mais on n’a pas les codes. Il faut des formations pour avoir les clés, pour aller dans cet univers. Très peu de gens se forment, ils n’ont pas la sensation de cette nécessité. En montagne on a besoin de pneus neige et les gens vont à l’Escalette avec des baskets ! Il faut une formation d’alpiniste pour aller en montagne."
🚨🏔Dans le massif du mont Blanc, les membres de la célèbre EMHM (École militaire de haute montagne) s’entraînent quotidiennement à l’alpinisme et à l’escalade, dont le difficile exercice de « la chute en crevasse ». Cela est impressionnant, bravo Mesdames et Messieurs… #sport pic.twitter.com/fVrWPg9ujJ
— the_8000m (@8000mThe) February 5, 2024
Pour se former, la solution la moins onéreuse consiste à se rapprocher des nombreux clubs de montagne qui existent. On peut les trouver via les CFA (Clubs Alpins Français) ou auprès de la FFME (Fédération Française de la Montagne et de l'Escalade. "C'est une adhésion à un club, poursuit Sébastien Abbadie. Il y a des sorties organisées tout au long de l'année avec des encadrants formés qui vous apprendront les rudiments de toutes les disciplines de la montagne : marche, ski, raquette, alpinisme, escalade, etc… Il y a aussi des journées d’initiation. C’est la solution la plus abordable."
Ces clubs de montagne existent à Bagnères de Luchon, Saint-Gaudens, Montréjeau, Lourdes, Tarbes ou encore Toulouse. Ponctuellement, on peut aussi faire appel à un guide de montagne payé à la journée pour former une ou plusieurs personnes. Les prix varient mais il faut compter environ 300€ pour une journée.
Des équipements adéquats, des formations ou être accompagné par un guide, voilà les conditions pour profiter pleinement de la montagne et éviter ainsi les drames de ces derniers jours.
Écrit avec E.W.