En lutte contre la malbouffe et les grandes surfaces, le chef multi-étoilé au grand chapeau noir, Marc Veyrat, revient aux fourneaux après 4 ans d'absence avec un concept de ferme d'hôte autarcique et écologique.
Plus qu'une ferme, c'est un véritable hameau que cet autodidacte de la gastronomie a bâti sur la terre de ses ancêtres, avec fausses plaques de rue et lieux portant des noms de ses amis (Laurent Gerra, Jacques Weber). Posée au milieu d'une vaste terre d'alpages, à 1.600 mètres d'altitude en plein coeur du massif des Aravis, la ferme aux grandes baies vitrées est entourée d'une chapelle, d'un four à pain, d'un poulailler et d'un rucher.
"Une ferme d'hôtes gastronomique et autarcique", résume le maître des lieux, qui avait tout abandonné un jour de février 2009, terrassé par les séquelles d'un accident de ski. Rénové "sans architecte, ni décorateur, ni maître d'oeuvre", le lieu accueille une école de cuisine, une fondation contre la malbouffe, des chambres d'hôtes... Et on hésite en le parcourant entre l'hôtel de luxe, le parc d'attraction et le village écolo.
Le prix des étoiles
Ici, pas de maître d'hôtel, ni de gants blancs mais des menus compris entre 235 et 325 euros. "Pour payer mes cuisiniers" dont certains gagnent entre 7.000 et 8.000 euros, affirme le célèbre Savoyard, deux fois trois étoiles au Michelin (un record jamais égalé).Son lit et sa baignoire trônent fièrement au milieu de la salle de restaurant, à peine séparés par une baie vitrée. "Les gens ne viennent plus au restaurant, ils viennent CHEZ Marc Veyrat!", explique-t-il, visiblement content de son effet. Du lard ou du cochon? Avec ce chef "grande gueule", comme il se définit lui-même, la question revient souvent. Mais son enthousiasme finit par balayer tout scepticisme.
Plongeant la tête dans un grand un tonneau, il fait humer son vinaigre maison. "Je suis le seul chef au monde à faire mon balsamique!", s'exclame-t-il.
Puis, arrivé au parcours botanique où s'alignent 107 plantes aromatiques de montagne aux noms étranges, il s'enflamme sur chaque feuille et veut faire goûter chaque racine. "Le polypode, c'est ma plante préférée", confie-t-il en tendant un bout de la fougère au goût de réglisse.
63 ans, 35 ans de cuisine et trois divorces
Autour des plantes, des bassins à saumons, féras, ombles et écrevisses. Un peu plus haut, une quinzaine de ruches et un poulailler de 60 poules dont les oeufs "jaune fluo" font le bonheur du maître des lieux. La ferme sert à l'occasion de studio d'enregistrement pour des émissions culinaires sur TV8 Mont-Blanc. "Du bénévolat", selon lui.Et la cuisine créative basée sur les plantes, les racines et les fleurs sauvages ("la nature dans l'assiette!") n'a rien à envier aux trois macarons d'antan.
"On a de beaux restes, hein? Il paraît que les artistes ont fait leur chef d'oeuvre en fin de carrière", lance Marc Veyrat, 63 ans, 35 ans de cuisine et trois divorces.
Mais le chef savoyard l'assure: il ne veut pas d'étoile. Pas cette année du moins. Son nouveau combat, la lutte contre la malbouffe, voilà ce qui l'intéresse désormais. Il promet un blog, des visites pour les écoliers, peste contre les "merdes vendues par les grandes surfaces" et loue les Amap (Associations pour le maintien d'une agriculture paysanne) et les magasins bio.
"L'alimentaire est source de vie. Je voudrais que chaque cuisiner finisse sa carrière comme moi, en s'occupant des autres", rêve-t-il.