"Eau marron et odeur d'oeuf pourri", voilà les effets de cette algue microscopique et nuisible qui envahit régulièrement le lac Léman. Un phénomène lié au réchauffement climatique et scruté à la loupe par les scientifiques qui tirent la sonnette d'alarme.
Toute petite mais très invasive, on l'appelle Urogléna. Cette algue nuisible s'est propagée sur le littoral lémanique les 6 et 7 septembre dernier. Le lac Léman a alors changé de couleur et d'odeur pendant plusieurs jours. Une métamorphose qui donne une couleur marron à l'eau et une odeur de poisson avarié, un phénomène rare... de plus en plus fréquent pourtant.
Microscopique, elle est en cours d'analyse à l'INRAE à Thonon-les-Bains. "Elle fonctionne en colonie", explique Frédéric Rimet, algologue et ingénieur chercheur, "chaque cellule mesure à peine une vingtaine de micromètres, c'est tout petit, et elle prolifère à vitesse grand V".
Les scientifiques ont déjà des explications précises qui remontent au mois de juillet précédent : "il y a deux mois, nous avons eu des pluies torrentielles, et les sols se sont déversés dans les eaux. Ensuite, le niveau du lac est monté d'un coup, de près de 80 cm, jusqu'à se répandre dans les terres, les plages avaient même disparu".
Une configuration idéale pour le développement de cette algue qui n'est pas toxique mais qui permet d'alerter, "comme une sentinelle". En septembre, plusieurs communes s'étaient affolées et avaient même interdit la baignade, en attendant des analyses, comme à Saint-Gingolph.
A l'INRAE, on a aussitôt rassuré sur la non-toxicité de la petite algue pour les baigneurs, mais on a tenu à mettre en garde sur le boulerversement de l'écosystème.
Et les scientifiques lancent l'alerte : "Cette prolifération va se répéter. Il faut que les politiques publiques prennent en compte rapidement ce phénomène, lié à une trop grande urbanisation, à une utilisation thermique abusive des eaux, et à une protection du littoral très largement insuffisante ".