À Clermont-Ferrand, la communauté mahoraise vit dans l'angoisse après le passage dévastateur du cyclone Chido du 14 décembre. Sans nouvelles de leurs proches, l'incertitude et la douleur sont immenses. Face à la catastrophe, un élan de solidarité se forme pour venir en aide aux sinistrés de Mayotte. Témoignages de Mahorais unis dans l’adversité.
Samedi 14 décembre, Mayotte est frappée par un cyclone dévastateur. À des milliers de kilomètres, Noukia Ahmed-Attoumani regarde, impuissante, une vidéo envoyée par sa mère vivant sur l'île. On la voit seule, debout au milieu des débris, dans un paysage apocalyptique. "Voir ma mère entourée de tout ce chaos, ça m’a brisé le cœur. C’était tellement difficile de la voir, mais je savais qu'elle était en vie", raconte-t-elle, la voix chargée d'émotion. "Les images étaient bouleversantes. C'était comme si le monde s'effondrait sous mes yeux." À travers l’écran, elle distingue des champs de ruines, des maisons effondrées, des arbres déracinés.
"Tout était détruit"
Le cyclone a coupé l’île du monde, et les Mahorais vivant à l'extérieur, comme Noukia, ont dû affronter une longue période d’incertitude. "Samedi matin, on a commencé à s’inquiéter sérieusement. Quand le réseau a été coupé, je me suis sentie perdue. Je n'avais aucune nouvelle, et le temps semblait s’étirer indéfiniment", confie-t-elle. Dimanche, sa mère parvient enfin à passer un appel via un réseau satellite depuis une colline. "L'émotion a été tellement forte quand j’ai entendu sa voix. C'était un soulagement immense, mais en même temps, elle m’a dit que tout était détruit. Tout ce qu’elle avait, tout ce qu’elle connaissait, n’existait plus."
Dans la douleur et la détresse, Noukia prend alors une décision : agir. "À partir de cet appel, je n’ai plus réfléchi, j’ai su qu’il fallait que je fasse quelque chose. J’ai contacté toutes les associations mahoraises de Clermont-Ferrand. Nous devions nous unir pour récolter des dons", explique-t-elle. C’est ainsi qu’est née l’association Solidarité Mayotte 63, qui organise dès à présent la collecte de nourriture, d'eau, de vêtements et de produits essentiels.
"C’est déchirant"
Dans le ballet des dons, Monisha, est concentrée. Elle aussi a vécu la même angoisse. "J’ai eu ma mère au téléphone juste avant le cyclone. Puis, plus rien. Le réseau a été coupé. J’ai paniqué, je n'avais plus de nouvelles. C’est comme si on m’avait volé une partie de moi", confie-t-elle. "Je suis tombée sur la messagerie. Pendant ce temps, les images à la télé montraient la violence du cyclone. C'était comme un coup de poignard dans le cœur." Grâce à un cousin, qui a pu capter le réseau, Monisha a appris que la situation était catastrophique. "Les gens sont sans eau, sans nourriture. Ma mère me disait qu’elle n’avait pas pu se doucher depuis le cyclone, qu’il n’y avait plus d’eau, plus de vêtements, plus rien. C’était un choc d’entendre ça", raconte-t-elle, la voix étranglée par l’émotion. "Entendre ma mère dans cette détresse, c’est déchirant. On se sent tellement impuissants. Ils sont là-bas, à des milliers de kilomètres. On ne peut rien faire."
Les difficultés sont énormes. "Ils ont tout perdu. Les maisons, les récoltes. Il n’y a plus d’électricité, plus d’eau, plus rien. Ça ne va pas s'arranger tout de suite", s’inquiète-t-elle. "Ils m’ont dit qu’ils n’ont plus rien à manger. Les gens sont désespérés".
"Nous devons agir, il y a urgence"
Abdel, lui aussi, vit dans l’inquiétude permanente depuis le passage du cyclone. "Ma famille vit à Mayotte : mes parents, mes frères et sœurs, mes grands-parents. Trois jours avant le cyclone, on nous avait avertis, mais comme chaque année, on pensait que ce serait une fausse alerte. Mais cette fois, c’était réel", explique-t-il. Comme pour beaucoup d’autres, la coupure du réseau a été un véritable choc. "J’ai essayé d’appeler tous les cinq minutes, mais ça sonnait dans le vide. Ma nièce a réussi à avoir du réseau en ville. Elle m’a rassuré, mais je n’ai eu des nouvelles de ma mère que quatre jours après", raconte Abdel, visiblement encore marqué par l’angoisse. "C’était l’angoisse totale, je ne savais pas ce qu’il se passait. J’ai prié, j’ai vérifié chaque notification, chaque appel. Je ne pouvais pas joindre ma propre mère".
Aujourd’hui, il reste encore beaucoup d’incertitudes. "Le plus dur, c’est que Mayotte dépend de ses récoltes. Le cyclone a tout détruit : les bananiers, les pieds de manioc, les maisons. Il ne reste plus rien. Et l’aide internationale tarde à arriver. Le rétablissement du courant, c’est prévu pour début janvier, mais comment vont-ils tenir jusque-là ? Il n'y a plus d’eau, plus de nourriture. Le temps presse", alerte-t-il.
Une solidarité sans faille
Face à la crise, une chaîne de solidarité s’est créée au sein de la communauté mahoraise de Clermont-Ferrand. Rachidi, un autre membre de la communauté, raconte : "On a créé un groupe WhatsApp pour échanger des informations sur la situation dans les villages où vivent nos familles. Avant, c’était pour avoir des nouvelles. Aujourd’hui, c’est pour organiser la solidarité et savoir ce dont ils ont besoin." Plus de 300 personnes sont désormais réunies dans ce groupe, et cela ne cesse de croître.
"Les Mahorais de Clermont-Ferrand se battent ensemble pour leur île. Ils sont unis et déterminés à apporter leur aide. Chaque jour, l’élan de solidarité prend de l’ampleur", conclut Noukia. "On est en contact avec trois transitaires pour envoyer les dons par conteneurs. La Croix-Rouge et d’autres ONG nous accompagnent pour l’acheminement", précise-t-elle. Mais au-delà des biens matériels, c’est aussi un message fort que Noukia et les membres de l’association souhaitent transmettre à leurs proches sur l’île : "Ils voient cette solidarité, ils voient qu’on ne les oublie pas. Et c’est vital pour eux, psychologiquement. Ils se battent contre la misère et la détresse, mais savoir qu’on pense à eux, que l’on est là pour eux, ça leur donne de l’espoir". Si le chemin reste semé d’embûches, Mayotte, bien que dévastée, peut compter sur ses enfants de l’extérieur pour l’aider à se relever.