Seul avec lui-même, Christophe Profit réalisait, en 1982, la première ascension en solo intégral sur la face ouest des Drus. Un exploit qu'il raconte, 40 ans plus tard, avec beaucoup d'émotion.
C'est un anniversaire que les alpinistes n'ont pas oublié. Il y a 40 ans, le 30 juin 1982, Christophe Profit réalisait une première en solo intégral sur la face ouest des Drus, gravissant une gigantesque paroi de 900 mètres en plein cœur du massif du Mont-Blanc (Haute-Savoie).
L'alpiniste a tout juste 21 ans lorsqu'il gravit la Directe américaine des Drus, sans assurance. Il avale le granit à une vitesse impressionnante. L'un de ses rêves d'enfant. "A 10 ans, j'ai vu ce pilier qui sortait de terre. Un Dru quoi. J'avais écrit un petit texte - qui n'a aucun sens après coup. En quelques lignes, j'avais imaginé remonter la face Ouest des Drus à la vitesse d'un marcheur", se souvient Christophe Profit, aujourd'hui âgé de 61 ans.
Quarante ans après son exploit, le guide de haute montagne redécouvre les images de son ascension avec émotion. Le jeune montagnard effectuait alors son service militaire au Groupe militaire de haute montagne (GMHM) de Chamonix. Il a réalisé plusieurs reconnaissances en groupe avant de se lancer à l'assaut de la paroi, seul avec lui-même.
"C'est incroyable à vivre"
"Le fait de se retrouver seul en pleine paroi, ça me faisait rêver. Je trouvais ça dingue. Je l'ai vécu sur place. La veille de la course, je suis dans ma bulle. Avant de partir, on réfléchit. On se demande pourquoi on y va, si c'est bien… Et une fois qu'on est dedans, c'est incroyable à vivre, décrit-il. On est dans sa bulle et on est complètement seul. On ne peut pas sortir de cette bulle, on est concentré."
Tout en souplesse, il gravit le mur de granite avec une facilité déconcertante. Et cette ascension en amènera d'autres : les faces nord des Droites, de Talèfre ou encore des Grandes Jorasses. C'est tout naturellement qu'il s'engage pour une seconde année au GMHM, enchaînant les expéditions, notamment au Pôle Nord, avant d'exercer le métier dont il a toujours rêvé.
"Le fil conducteur de ma vie, je pense que mes parents s'en sont rendu compte très vite, c'était de devenir guide, raconte Christophe Profit. Mais avant, je voulais emmagasiner des expériences un peu folles. Je pense que c'est important en tant qu'humain et tout le monde doit pouvoir vivre ça. Avoir un grain de folie, ça permet d'aller plus loin. Ca permet d'improviser. Ca m'appartient et j'avais envie de vivre ça."
Cette folie et cet engagement l'ont construit. Il lui a fallu du cran, aussi, au beau milieu de ces années 1980. Les années liberté, dit-il, durant lesquelles il va rééditer les exploits. Et si, en bas, il est toujours l'enfant en questionnement fasciné par les Drus, en haut, il est incontestablement devenu un géant.