Décembre 1999, la tempête du siècle traverse la France, mais aussi l’Auvergne, provoquant sur son passage des dégâts considérables. Retour, 20 ans après, sur ce phénomène météorologique violent et sur ses conséquences.
Le 26 décembre 1999, des vents d’une violence exceptionnelle s’engouffrent sur tout le pays. La région Auvergne n’a pas été épargnée. Toits envolés, murs effondrés, arbres arrachés, routes encombrées, lignes électriques coupées dans de nombreux foyers… retour sur cette tempête connue désormais sous le nom de « tempête du siècle ».
A l'époque, les cartes de vigilance de Météo France n'existaient pas. Voyez ci-dessous à quoi elles auraient ressemblé.
➡️ Et si les tempêtes de 99 se produisaient aujourd'hui ?
— Météo-France (@meteofrance) December 19, 2019
✅ Pour #Lothar, 46 départements auraient été placés en Vigilance rouge, 19 en Vigilance orange.
✅ Pour #Martin, 35 départements et l'Andorre auraient été placés rouge, 16 en orange. pic.twitter.com/9xzCFzRMva
Le 26 décembre 1999, la tempête Lothar, suivie le lendemain par la tempête Martin, traversait la région Auvergne, causant de nombreux dégâts, notamment en zone rurale, à Sainte-Florine en Haute Loire. A l’époque dans les rues du village, Noël doit battre son plein. Et pourtant la fête religieuse va être gâchée, entachée. Dans la nuit, la petite ville du Brivadois essuie des vents violents atteignant près de 160 km/h selon Météo France. Privés d’électricité, les habitants se réveillent au petit matin sans lumière ni chauffage.
Vingt ans après, les habitants de Sainte-Florine, en Haute-Loire, n’ont rien oublié de leur survie après cette tempête survenue en hiver. L’une d’entre eux, Aicha Khamallah se rappelle « d’une nuit apocalyptique, une image de désolation ». Elle raconte que ce jour-là, alors qu’elle prend la route direction l’Auvergne depuis Limoges : «Les routes étaient impraticables, je revois encore les arbres tombés sur les voies juste devant nous. Il était impossible de circuler». Elle et des nombreuses familles ont dû laisser leurs voitures, avant d’être hébergées dans une salle polyvalente pour passer la nuit. Le lendemain lorsqu’elle est arrivée chez elle à Sainte-Florine, plus rien ne fonctionnait : «On s’est débrouillés comme on a pu, des gens nous ont prêté un groupe électrogène. C’était quelques jours de galère… la tempête de 1999 désormais c’est loin, mais on s’en rappellera !» explique-t-elle aujourd’hui.
Reportage à Sainte-Florine le 30/12/1999. Aicha Khamalla témoignait devant notre caméra.
Mais la petite ville de Haute-Loire n’est pas la seule à se réveiller défigurée de ce cauchemar. C’est l'ensemble de la région Auvergne qui est dévasté. Plus de 285 000 foyers sont sans électricité.
Dans le Puy-de-Dôme, la chute d'un câble électrique a même engendré la fermeture du tunnel du Lioran.
Le Cantal, département le plus touché par les coupures d’électricité
Dans la région, le département du Cantal a été le plus touché par les coupures du réseau EDF. Près de 50% des clients sont plongés dans le noir.
Les nombreux dégâts subis par les structures EDF ont eu de nombreuses incidences sur le fonctionnement des autres services publics. Outre les dizaines de milliers de foyers coupés du réseau électrique, les communications téléphoniques ont, elles aussi, été très perturbées. Les relais et commutateurs ayant épuisé leurs batteries de secours, 20 000 foyers ont été privés de téléphone. Et les agents EDF, plus que jamais mobilisés, ont connu une progression difficile en zone rurale. Des équipes d’autres régions ont dû venir en soutien tant la tâche était rude. Cette année-là, les clients qui ont dû passer le réveillon du nouvel an sans électricité ont bénéficié d'un abonnement gratuit pour l'année 2000.
Dans l’Allier, il y a eu des pertes considérables dans bien des entreprises, des commerces et des exploitations agricoles. A l’image d’un éleveur de cailles qui a perdu 2 000 œufs et le quart de ses poussins, privés de lumière et de chaleur suite à l'arrêt de la couveuse.
Des inondations à Saint-Flour : « une véritable épreuve »
Saint-Flour a été la ville la plus touchée du Cantal, des inondations aux antennes sur les toits complètement arrachées. « C’était une véritable épreuve. La montée des eaux a été tellement rapide, avec une fonte de la neige en amont, qu’il a fallu prendre des décisions très rapidement » explique Pierre Jarlier le maire de Saint-flour, déjà en fonction en 1999. L’eau est montée très vite jusqu’à atteindre les ponts, obligeant la ville à évacuer la maison de retraite, le rez-de-chaussée de l’établissement étant inondé de près de 20 cm en quelques heures à peine.
Des inondations, mais également bien d’autres dégâts matériels dus aux vents et aux fortes précipitions. Tous les services techniques de la ville ont été mobilisés et ont travaillé sans relâche toute la nuit. « Je n’avais jamais vu ça à Saint-Flour. Evidemment je me rappellerai de cette nuit-là et des jours qui ont suivi, mais surtout et heureusement, que tout cela s’est soldé sans aucune victime.» conclu Pierre Jarlier.
Les forêts auvergnates ravagées : « des mois de galère »
Durant cette nuit du 26 décembre, même les arbres les plus anciens n’ont pas tenu face à des vents d’une telle intensité.
Les services de l’Office National des Forêts (ONF) ont recensé à l’époque dans les forêts du département de l'Allier 130 000 m3 de bois sévèrement endommagés. Près de Montbeugny, une forêt de pins Douglas a été dévastée, et dans la forêt de Tronçais près de 15 000 chênes ont été déracinés.
Dans le Puy-de-Dôme, la Forêt du Mont Dore a elle aussi été fortement impactée. Selon l’ONF, en deux jours, les 26 et 27 décembre 1999, près de 1,2 million d’arbres ont été détruits. Le montant de trois récoltes annuelles jonchait ainsi le sol.
Claude Girodon en poste à l’époque dans le secteur d’Horment, lui aussi dévasté, se remémore les premiers jours passés sur le terrain après le passage de la tempête : «Les premières journées ont été stressantes. Nous avons dû travailler sans électricité, les routes étaient très difficile d’accès voir même inaccessibles pour certaines, et nous n’avions pas non plus de téléphone. Et la première urgence était de permettre l’accès aux villages les plus isolés car les gens ne pouvaient pas rentrer ou sortir de chez eux. Mais nous n’étions pas seuls, des pompiers, gendarmes et aussi des agriculteurs avec leur tracteur se investi à cette tâche également».
Mais le travail pour tous ces agents de l’ONF ne s’est pas arrêté là : « Ca a été des mois de galère » poursuit-il, «Il a fallu nettoyer les forêts, commercialiser le bois et replanter derrière. Cela a pris au moins deux ans ».
Cette tempête a par ailleurs fait naître, pour la première fois de l’histoire à l’ONF la mise en place d’une nouvelle organisation pour la gestion de crise. Aujourd’hui Sylvie Arcoutel est « responsable crise » pour l’Office dans le centre-ouest. Mais en 1999, elle était en poste à la communication à l’ONF Auvergne. Elle se souvient de la solidarité qui a émergé suite à la tempête : « Dès le lendemain, face à l’étendue des dégâts, tout le monde est revenu travailler, même ceux qui étaient en vacances. Il a fallu réorganiser toute la filière bois. Je me rappelle encore que des entreprises de travailleurs forestiers sont venues de toute l’Europe pour nous aider ».
Des toitures et des monuments envolés
Outre les arbres et forêt détruites, le clocher de l'église de La Roche-Blanche menaçait de s'écrouler sur les habitations voisines et le casque de Vercingétorix est même tombé du monument du plateau de Gergovie. Le toit de la tour de contrôle de l'aéroport d'Aulnat a quant à lui été soufflé et détruit par les rafales de vents.
A Clermont-Ferrand également, de nombreux toits ont subi des dommages : celui du Gymnase du lycée Blaise Pascal s'est envolé dans la rue, celui du lycée Jeanne d'Arc a été écrasé par un séquoia centenaire qui, lui non plus, n'a pas résisté. A l’époque la couverture de la cathédrale a également souffert : un pinacle et une flèche ont menacé de tomber. Les tribunes du stade Gabriel-Montpied ont, elles aussi, été très endommagées : 60% du toit a été arraché et le stade est resté « hors service » durant deux semaines. Près de 200 agents municipaux sont restés sur le pied de guerre afin d’assurer une sécurité maximum aux habitants.
Vingt ans après, les traces de la tempête du siècle ne sont plus forcément visibles en Auvergne. Mais pour tous ceux qui l’ont vécu, les souvenirs de son passage restent intacts. Malgré les difficultés, elle aura montré, sur tout le territoire Auvergnat, la solidarité entre habitants, et le courage de tous ceux présents sur le terrain pour améliorer la situation le plus rapidement possible.